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Cour d’appel de Reims, chambre sociale, 3 septembre 2025. Un salarié, ancien conseiller commercial d’une société placée ensuite en liquidation judiciaire, réclame la fixation de créances salariales au passif et la remise de documents de fin de contrat. Le conseil de prud’hommes s’étant déclaré d’office incompétent, l’appel porte d’abord sur la régularité de cette décision, puis sur le fond des prétentions relatives à des avances sur commissions, à des primes exceptionnelles et au solde de salaire. La question était double : le juge prud’homal pouvait-il soulever d’office son incompétence sans débat contradictoire, et selon quelles règles fixer des commissions dont le fait générateur dépend de la mise en chantier postérieure à la vente. La cour annule d’abord le jugement pour violation du contradictoire et défaut de motifs, puis évoque et statue, refuse le sursis, fixe les sommes dues au titre des avances sur commissions et du salaire résiduel, rejette les primes exceptionnelles, ordonne la remise des documents rectifiés et rappelle l’opposabilité de l’arrêt à l’organisme de garantie dans les limites légales.
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. » Le moyen d’incompétence n’ayant pas été présenté au dispositif et aucune invitation aux observations n’ayant été faite, « le jugement de première instance doit donc être annulé ». La cour en déduit l’évocation au fond, rappelant que « l’appel interjeté contre ce jugement opère dévolution pour le tout ».
I. Le contrôle de la compétence et les garanties procédurales
A. La violation du contradictoire comme cause d’annulation
La cour relève que les parties, assistées par avocats, étaient soumises à l’exigence du dispositif, telle que rappelée par l’article R. 1453-5 du code du travail : « Le bureau de jugement […] ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. » Le moyen d’incompétence n’ayant pas été formellement articulé au dispositif, le premier juge n’était pas saisi. En outre, l’article 76 du code de procédure civile limite la possibilité de relever d’office l’incompétence d’attribution, hors matière d’ordre public. Or le litige ne relevait pas d’un cas autorisant une telle initiative.
Surtout, la juridiction prud’homale a méconnu l’article 16 du code de procédure civile. « Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. » Ici, « les parties n’ont pas été invitées à présenter leurs observations » avant le prononcé d’incompétence. La sanction s’imposait, la cour affirmant sans détour : « Le jugement de première instance doit donc être annulé. »
B. Le défaut de motivation et la portée de la censure
La cour constate encore l’absence de motivation suffisante au regard des articles 455 et 458 du code de procédure civile. Le premier juge s’est borné à viser des textes du code de commerce sans expliciter leur application au cas d’espèce. Cette carence altère la compréhension du syllogisme judiciaire et empêche tout contrôle effectif en appel. La censure est dès lors renforcée par ce second grief, qui consolide l’annulation.
La conséquence contentieuse est nette. L’évocation s’impose, la cour précisant « qu’en vertu de l’alinéa 2 de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel interjeté contre ce jugement opère dévolution pour le tout ». La formation d’appel se saisit de l’entier litige et examine immédiatement les demandes, ce qui préserve l’économie du procès.
II. La fixation des créances salariales en liquidation
A. Le fait générateur des commissions et l’autonomie de la créance
Le contrat liait la rémunération variable à une mécanique d’avances sur commissions. La cour en retient le paramètre décisif : « Le contrat de travail prévoit que les avances sur commissions ne sont définitivement acquises qu’à compter de la mise en chantier. » La date de mise en chantier constitue le fait générateur, indépendamment de la présence du salarié au sein des effectifs à cette même date. Le principe est clairement rappelé : « En conséquence l’employeur ne peut décider unilatéralement que la rémunération n’est pas due au motif que le salarié n’est plus présent dans l’entreprise. »
La preuve des lancements de chantiers étant rapportée par pièces et corroborée par éléments matériels, la cour juge les avances définitivement acquises avant l’ouverture de la procédure collective. La créance est alors fixée au passif pour 9 000 euros, solution cohérente avec la logique d’exigibilité adossée au fait générateur contractuel. Le refus de surseoir, demandé en considération d’une autre procédure collective affectant un tiers au contrat de travail, s’explique par l’autonomie des liens obligatoires liant l’employeur et le salarié. La cour tranche sans détour : « Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer. »
B. Les prétentions accessoires : primes exceptionnelles, salaire résiduel, garanties et documents
La demande au titre des primes exceptionnelles se heurte à la condition posée par l’engagement unilatéral invoqué. La preuve des dates de commercialisation, nécessaires pour apprécier le respect de l’exclusivité, fait défaut. La motivation est sobre : « Toutefois il ne justifie pas des dates de commercialisation. » La prétention est donc rejetée, l’exigence probatoire ressortant ici comme principe directeur.
S’agissant du salaire au prorata et des congés payés au 11 avril 2022, la cour constate l’émission d’un chèque non débité et retient l’absence de paiement effectif. La créance est fixée à 2 253,73 euros bruts, tandis que l’obligation de délivrance des documents de fin de contrat rectifiés est ordonnée, l’astreinte étant jugée inutile au regard des circonstances. L’arrêt est enfin déclaré opposable à l’organisme de garantie des salaires, dans les limites légales, et il est rappelé que « le cours des intérêts a été interrompu à la date de l’ouverture de la procédure collective ». Cette précision consacre l’articulation classique entre garantie légale, plafonds réglementaires et règles d’arrêt des intérêts.
L’économie d’ensemble apparaît cohérente. La cour rétablit la régularité procédurale, puis fixe des créances conformes au fait générateur contractuel et rejette les demandes non étayées, assurant une sécurité juridique utile aux praticiens du contentieux social en contexte de procédures collectives.