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Rendue par la Cour d’appel de Reims le 9 septembre 2025, la décision commentée s’inscrit dans un contentieux de voisinage opposant un exploitant de débit de boissons aux occupants du logement situé à l’étage supérieur. Le conflit, ancien, avait déjà donné lieu à une condamnation au titre des nuisances sonores pour une période antérieure et à plusieurs mesures d’expertise, tandis qu’un dégât des eaux a ouvert un second front procédural. Par jugement du 22 septembre 2023, le tribunal judiciaire a, notamment, alloué des sommes au titre des dommages matériels, ordonné des travaux de réfection sous astreinte, admis une demande reconventionnelle relative à des nuisances postérieures et enjoint la cessation d’activités festives sous astreinte. L’appel ayant été interjeté contre les seuls chefs admettant la demande reconventionnelle, fixant l’indemnité pour préjudice de jouissance et prononçant l’injonction sous astreinte, les conclusions d’appel ont toutefois sollicité principalement la confirmation d’autres chefs non visés par l’acte d’appel et, corrélativement, n’ont pas récapitulé de prétentions relatives aux chefs effectivement dévolus.
La question tranchée est celle de l’étendue de la saisine de la juridiction d’appel lorsque la déclaration d’appel et le dispositif des conclusions ne concordent pas, au regard des articles 562, 901 et 954 du code de procédure civile. La cour juge, après avoir rappelé que « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », que seul l’acte d’appel opère la dévolution et que l’absence de prétentions correspondantes dans le dispositif prive la cour de saisine. Elle en déduit « qu’elle n’est saisie d’aucun litige » et statue seulement sur les accessoires, condamnant l’appelante aux dépens et au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
I. La dévolution en appel et ses bornes
A. Le cadre textuel mobilisé
La cour s’appuie classiquement sur le triptyque normatif organisant la dévolution et la structuration des écritures. Elle énonce d’abord que « Selon l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. » Cette formulation, au plus près du texte, rappelle l’exigence d’une critique ciblée des chefs de dispositif, seule à même de transférer la connaissance du litige.
Elle articule ensuite cette règle avec les prescriptions de l’article 954 quant au périmètre utile des conclusions. La décision souligne que « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. » Le rappel, limpide, ancre la saisine effective non dans la discussion des moyens, mais dans la concordance entre l’acte d’appel et le dispositif des écritures qui récapitule les prétentions.
B. De la discordance à l’absence de saisine
La motivation déduit de ces textes une conséquence nette et dépourvue d’ambiguïté. Elle affirme que « En application de ces dispositions, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs du dispositif du jugement critiqués. » La phrase suivante précise l’office du juge d’appel et les limites de la liberté de l’appelant: « Il en résulte, d’une part, que l’appelant ne peut étendre dans ses conclusions la dévolution à des chefs qui n’ont pas été énumérés dans la déclaration d’appel, et d’autre part, que la cour n’est saisie que des chefs énumérés dans la déclaration d’appel. » Le grief de discordance n’affecte donc pas seulement la recevabilité d’un moyen, il conditionne la compétence liée par la dévolution.
Appliquant le principe, la cour constate l’absence, dans le dispositif des conclusions, de prétentions relatives aux chefs effectivement visés par la déclaration d’appel, tandis que des chefs non dévolus faisaient l’objet de demandes de réformation. Le syllogisme s’achève par la formule décisive: « Il résulte de l’ensemble de ces éléments, et en l’absence d’appel incident formé par les intimés, que la cour n’est saisie d’aucun litige. » La sanction retenue n’est pas la fin de non‑recevoir mais une nullité de saisine en creux, qui interdit toute décision sur le fond.
II. Portée et enseignements pratiques
A. Conséquences pour la stratégie d’appel
L’arrêt confirme une exigence de stricte concordance entre l’acte d’appel, qui sélectionne les chefs dévolus, et le dispositif des conclusions, qui doit formuler des prétentions précises corrélées à ces chefs. A défaut, le juge d’appel ne peut connaître ni d’un moyen procédural ni d’une prétention au fond qui ne figure pas au dispositif relatif aux chefs dévolus. La décision met en garde contre la tentation de corriger, par les conclusions, l’angle de la déclaration: l’extension prétorienne de la dévolution est exclue.
L’enseignement est immédiat pour la rédaction procédurale. Il faut, d’une part, viser exactement les chefs critiqués dans la déclaration et, d’autre part, aligner le dispositif des conclusions sur ces seuls chefs, en bannissant toute prétention étrangère. La portée se mesure aussi aux effets accessoires: l’absence de saisine conduit à statuer sur les seuls dépens et frais irrépétibles, ce que rappelle l’allocation d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
B. Perspectives au regard de la réforme de 2023
La cour précise que l’appel, formé avant l’entrée en vigueur du décret du 29 décembre 2023, demeure régi par le droit antérieur. Cet ancrage temporel n’affaiblit pas la solution, qui repose sur des textes inchangés quant à la logique de dévolution et à l’exigence d’un dispositif opérant. L’arrêt laisse percevoir une continuité: la simplification procédurale n’emporte pas déliaison entre l’acte d’appel et le périmètre des prétentions soumises.
La portée normative dépasse l’espèce. En rappelant que la sanction est l’absence de saisine et non une simple fin de non‑recevoir, la cour renforce l’incitation à une trajectoire procédurale cohérente, depuis la sélection des chefs jusqu’à la formulation des prétentions. La sécurité de l’instance d’appel s’en trouve accrue, au prix d’une discipline rédactionnelle sans faille.