Cour d’appel de Rennes, le 1 juillet 2025, n°23/00001

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes le 1er juillet 2025 illustre les exigences probatoires pesant sur le prêteur en matière de crédit à la consommation, particulièrement quant à la remise de la notice d’information sur l’assurance. La décision précise les conditions dans lesquelles une clause de reconnaissance peut être corroborée pour échapper à la déchéance du droit aux intérêts.

Un particulier a souscrit le 6 juin 2017 un contrat de regroupement de crédits d’un montant de 39 500 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux effectif global de 6,52 % l’an. L’emprunteur a ensuite déposé un dossier de surendettement déclaré recevable le 30 juillet 2019. Des mesures imposées sont entrées en application le 31 octobre 2020. Après défaillance dans l’exécution du plan, le prêteur a prononcé la déchéance du terme le 21 décembre 2021.

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, par jugement du 28 juillet 2022, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, estimant insuffisante la preuve de la remise de la notice d’assurance. L’emprunteur a été condamné au paiement de la somme de 27 589,09 euros sans intérêts. Le prêteur a interjeté appel.

La question posée à la Cour d’appel de Rennes était de déterminer si la signature par l’emprunteur d’une clause de reconnaissance de remise de la notice d’assurance, corroborée par un document distinct, suffisait à établir l’accomplissement par le prêteur de son obligation d’information.

La cour infirme partiellement le jugement. Elle juge que la clause de reconnaissance signée par l’emprunteur, corroborée par une note distincte relative aux besoins en matière d’assurance, établit la remise effective de la notice d’information. Elle condamne l’emprunteur au paiement de 34 794,62 euros avec intérêts au taux contractuel.

La solution retenue invite à examiner successivement la charge de la preuve de l’obligation d’information en matière d’assurance emprunteur (I) et les conséquences indemnitaires de la déchéance du terme (II).

I. La preuve de l’obligation d’information sur l’assurance emprunteur

La cour rappelle le principe gouvernant la charge probatoire (A) avant d’admettre la corroboration de la clause de reconnaissance (B).

A. Le rappel du principe de corroboration de la clause de reconnaissance

La cour énonce « qu’en matière de crédit, la signature par un emprunteur d’une offre préalable de crédit à la consommation, comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires ». Ce principe, issu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, traduit la méfiance du droit de la consommation envers les clauses prérédigées par le professionnel.

L’article L. 312-29 du code de la consommation impose au prêteur de remettre à l’emprunteur une notice d’information sur l’assurance. Le défaut de preuve de cette remise expose le prêteur à la déchéance de son droit aux intérêts en application de l’article L. 341-4 du même code. La sanction est sévère puisqu’elle prive le créancier de toute rémunération de son capital. La rigueur de cette sanction justifie l’exigence probatoire pesant sur le prêteur.

La clause type figurant dans l’offre de crédit, par laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la notice, ne constitue donc qu’un indice. Le prêteur doit produire des éléments complémentaires établissant la réalité de la remise du document. Cette exigence protège l’emprunteur contre des clauses qu’il aurait signées sans véritable attention, noyées dans un ensemble contractuel complexe.

B. L’admission d’une corroboration par un document distinct

La cour relève que « l’approbation de cette clause type est corroborée par la signature le même jour par [l’emprunteur] d’une note distincte sur ses besoins en matière d’assurance faisant état de sa situation personnelle et recueillant son approbation sur les garanties effectivement souscrites et celles non retenues ». Elle ajoute que cette note fait référence à « la notice d’information sur l’assurance qui y est visée ».

Le raisonnement de la cour repose sur deux éléments convergents. Le premier tient à l’existence d’un document autonome, distinct de l’offre de crédit elle-même. Le second réside dans le contenu de ce document, qui suppose nécessairement la consultation préalable de la notice d’assurance pour permettre à l’emprunteur de se prononcer sur les garanties souhaitées.

La cour observe en outre que « cette note signée de l’emprunteur corrobore la remise de la notice d’assurance qui de surcroît n’est aucunement contestée par l’emprunteur ». L’absence de contestation de l’intimé, qui n’a pas constitué avocat, renforce la conviction des juges. Le silence de l’emprunteur ne saurait toutefois suffire à lui seul ; c’est bien la production du document distinct qui emporte la conviction de la cour.

La solution paraît équilibrée. Elle maintient l’exigence de corroboration sans imposer au prêteur une preuve impossible. Le formalisme informatif du droit de la consommation trouve ici une application mesurée, sanctionnant le défaut de preuve sans exiger une rigueur excessive.

II. Les conséquences pécuniaires de la déchéance du terme

La cour fixe le quantum de la créance du prêteur (A) et statue sur l’indemnité de résiliation (B).

A. La détermination du capital exigible

La cour constate que « par lettre recommandée du 26 octobre 2021, [l’emprunteur] a été mis en demeure de régulariser le montant des échéances impayées de son plan de surendettement » et que « faute de régularisation, la société Creatis a prononcé la déchéance du terme le 21 décembre 2021 ». La régularité de la procédure de déchéance n’est pas discutée.

Le prêteur établit sa créance par la production du « contrat de crédit, l’historique des paiements, les mises en demeure et le décompte de créance ». La cour détaille les sommes dues : 844,34 euros d’échéances échues impayées et 31 615,15 euros de capital restant dû, soit un total de 32 459,49 euros.

La cour limite toutefois la condamnation « dans la limite de la réclamation du prêteur à ce titre qui sollicite à titre principal la somme de 32 265,41 euros ». L’application du principe dispositif interdit au juge d’accorder plus que ce qui est demandé. Cette somme porte intérêts « au taux contractuel de 4,9 % à compter du 21 décembre 2021 », date de la déchéance du terme valant mise en demeure.

B. L’allocation de l’indemnité de résiliation

La cour accueille la demande au titre de la clause pénale en jugeant que « le prêteur peut également prétendre au paiement d’une indemnité de 8 % du capital restant dû à la date de la déchéance du terme soit la somme de 2 529,21 euros cette somme portant intérêt au taux légal ».

L’article L. 312-39 du code de la consommation plafonne cette indemnité à 8 % du capital restant dû. Le premier juge avait débouté le prêteur de cette demande, sans doute en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts qu’il avait prononcée. L’infirmation sur le premier chef entraîne logiquement le rétablissement du droit à l’indemnité.

La distinction entre le taux d’intérêt applicable au capital et celui applicable à l’indemnité mérite attention. Le capital porte intérêts au taux contractuel de 4,9 %, tandis que l’indemnité de 8 % porte intérêts au taux légal. Cette dualité de régime s’explique par la nature différente des deux créances : contractuelle pour l’une, indemnitaire pour l’autre.

La condamnation finale s’élève à 34 794,62 euros, somme correspondant au capital réclamé augmenté de l’indemnité de résiliation. La différence avec le jugement de première instance, qui avait limité la condamnation à 27 589,09 euros sans intérêts, illustre l’importance pratique du débat sur la preuve de l’obligation d’information. L’écart de plus de 7 000 euros, auquel s’ajoutent les intérêts contractuels, justifie l’appel du prêteur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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