Cour d’appel de Rennes, le 1 juillet 2025, n°24/05099

La procédure de traitement du surendettement des particuliers constitue un dispositif essentiel de notre droit économique. Elle permet aux débiteurs de bonne foi de retrouver un équilibre financier. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes le 1er juillet 2025 illustre les exigences procédurales attachées à l’exercice de cette voie de recours.

Deux débiteurs avaient saisi la commission de surendettement le 24 juillet 2023. Leur demande fut déclarée recevable. Le 26 octobre 2023, la commission orienta la procédure vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Un créancier contesta cette décision. Le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Guingamp, par jugement du 1er août 2024, déclara le recours recevable. Il jugea que la situation des débiteurs n’était pas irrémédiablement compromise et refusa l’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel. Le dossier fut renvoyé à la commission de surendettement.

Les débiteurs interjetèrent appel par lettre recommandée du 21 août 2024. Les parties furent convoquées à l’audience du 15 mai 2025. Les appelants, régulièrement convoqués par lettre recommandée avec avis de réception remise à personne le 15 janvier 2025, ne comparurent pas. Ils ne firent connaître aucun motif légitime justifiant leur absence. Les parties intimées ne sollicitèrent pas de décision sur le fond.

La question posée à la Cour d’appel de Rennes était la suivante : quelles sont les conséquences de la non-comparution de l’appelant en procédure orale lorsqu’aucune partie ne requiert de jugement sur le fond ?

La Cour constata la caducité de l’appel en application de l’article 468 du code de procédure civile. Elle laissa les dépens à la charge du Trésor public. Cette décision invite à examiner le régime de la caducité pour défaut de comparution de l’appelant (I), avant d’apprécier les implications de cette sanction en matière de surendettement (II).

I. Le régime de la caducité pour défaut de comparution de l’appelant

La caducité prononcée repose sur un fondement textuel précis (A). Son application suppose la réunion de conditions strictes (B).

A. Le fondement textuel de la sanction

L’article 468 du code de procédure civile gouverne la non-comparution des parties en procédure orale. Ce texte prévoit que si le demandeur ne comparaît pas sans motif légitime, le défendeur peut requérir un jugement sur le fond. En l’absence d’une telle demande, le juge constate la caducité de la citation.

La Cour d’appel de Rennes vise expressément ce texte dans son dispositif. Elle relève que les appelants « n’ont pas comparu et n’ont fait connaître aucun motif légitime justifiant leur absence ». Cette motivation traduit une application rigoureuse du texte. Le caractère oral de la procédure de surendettement justifie le recours à l’article 468. La présence des parties à l’audience constitue une obligation fondamentale en procédure orale.

La caducité se distingue de l’irrecevabilité et du désistement. Elle sanctionne un défaut de diligence procédurale postérieur à la saisine. Elle n’affecte pas le droit d’agir lui-même mais frappe l’acte introductif d’instance ou d’appel. La Cour applique ici une sanction automatique dès lors que les conditions légales sont réunies.

B. Les conditions d’application de la caducité

La mise en œuvre de l’article 468 suppose trois conditions cumulatives. L’appelant doit avoir été régulièrement convoqué. Il ne doit pas comparaître ni justifier d’un motif légitime. Aucune partie adverse ne doit requérir de jugement sur le fond.

La Cour vérifie méthodiquement ces conditions. Elle constate que les appelants furent convoqués « suivant lettre recommandée avec avis de réception du 15 janvier 2025 remise à personne ». Cette précision établit la régularité de la convocation. La remise à personne garantit que les appelants eurent effectivement connaissance de la date d’audience.

La Cour relève ensuite que les appelants n’ont invoqué aucun motif légitime. La notion de motif légitime n’est pas définie par le code de procédure civile. La jurisprudence l’apprécie souverainement. Maladie grave, empêchement imprévisible ou force majeure peuvent constituer de tels motifs. Le silence des appelants ferme cette voie.

Enfin, la Cour constate que « les parties intimées n’ont pas requis de décision sur le fond ». Cette abstention rend la caducité inévitable. Les créanciers auraient pu solliciter la confirmation du jugement entrepris. Leur passivité conduit à l’extinction de l’instance d’appel.

II. Les implications de la caducité en matière de surendettement

La caducité emporte des conséquences procédurales immédiates (A). Elle soulève également des interrogations quant à la protection effective du débiteur surendetté (B).

A. Les effets procéduraux de la caducité

La caducité de l’appel confère au jugement de première instance la force de chose jugée. Le jugement du tribunal de proximité de Guingamp du 1er août 2024 devient définitif. La décision refusant l’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel s’impose désormais aux parties.

Le dossier avait été renvoyé à la commission de surendettement. Cette orientation subsiste. La commission devra proposer de nouvelles mesures de traitement. Elle ne pourra plus orienter vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire sur le fondement de la même situation. L’autorité de la chose jugée attachée au jugement y fait obstacle.

La Cour laisse les dépens à la charge du Trésor public. Cette solution s’explique par l’absence de partie succombante au sens classique. La caducité ne tranche pas le litige au fond. Elle met fin à l’instance sans départager les prétentions. Le régime des dépens en matière de surendettement présente cette particularité d’épargner généralement le débiteur.

La décision est qualifiée de réputée contradictoire. Cette qualification résulte de la régularité des convocations adressées à toutes les parties. Elle permet l’exécution immédiate de la décision sans signification préalable. Le délai de pourvoi en cassation court à compter du prononcé.

B. La portée de la décision au regard de la protection du débiteur

Le droit du surendettement poursuit une finalité protectrice. Il vise à permettre au débiteur de bonne foi d’apurer son passif. La procédure de rétablissement personnel constitue l’ultime recours pour les situations irrémédiablement compromises. L’effacement des dettes offre alors un nouveau départ.

La caducité prive les débiteurs de l’examen de leur recours au fond. Le juge de première instance avait estimé leur situation non irrémédiablement compromise. Cette appréciation ne sera pas réexaminée en appel. Les débiteurs perdent définitivement le bénéfice de la procédure de rétablissement personnel initialement accordée par la commission.

Cette issue procédurale interroge. La non-comparution des appelants peut résulter de difficultés matérielles. Les personnes surendettées connaissent souvent une grande précarité. L’éloignement géographique, l’absence de moyens de transport ou l’impossibilité de se faire représenter peuvent expliquer leur défaillance.

Le code de procédure civile ne prévoit pas de dérogation pour les débiteurs surendettés. La rigueur procédurale s’applique uniformément. Cette solution se justifie par le principe d’égalité des parties devant la règle de droit. Elle garantit également la célérité du traitement des affaires. La Cour d’appel de Rennes applique le droit commun sans aménagement particulier. Cette décision rappelle que la protection substantielle du débiteur ne dispense pas du respect des obligations procédurales.

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Hassan KOHEN
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