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Par arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 10 juillet 2025, il est statué sur la régularité d’un licenciement disciplinaire et sur l’obligation de sécurité de l’employeur à la suite de deux incidents rapprochés. Un conducteur, embauché depuis de longues années, a connu une altercation verbale avec un automobiliste puis une agression par un cycliste, suivies d’un arrêt de travail.
Le salarié a été licencié pour faute grave, l’employeur invoquant des manquements aux consignes de sécurité. Le Conseil de prud’hommes de Rennes, le 15 juillet 2021, a écarté la faute grave, retenant une faute simple avec préavis et indemnité. En appel, le salarié sollicite notamment la reconnaissance d’un manquement à l’obligation de sécurité et l’absence de cause réelle et sérieuse, tandis que l’employeur soutient la faute grave.
La question centrale porte, d’une part, sur l’étendue des mesures de prévention et d’assistance exigées en cas de violences imputables à des tiers, et, d’autre part, sur la qualification disciplinaire des faits au regard du seuil de gravité. S’y ajoutent des demandes accessoires relatives à une prime liée à la médaille du travail et au financement d’une formation.
La Cour d’appel de Rennes retient un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, alloue des dommages-intérêts, confirme l’absence de faute grave et juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le tribunal judiciaire de Rennes, le 10 février 2023, a par ailleurs condamné l’auteur tiers des violences, ce qui éclaire l’appréciation du second incident sans absorber l’analyse disciplinaire.
I. L’obligation de sécurité face aux agressions de tiers
A. Fondements et charge probatoire
La cour rappelle d’abord la répartition des charges de preuve, en des termes qui structurent le contentieux. « Le salarié est tenu de démontrer la connaissance du risque par l’employeur, notamment en rapportant l’alerte émise sur le risque, sauf si cette connaissance est présumée. » « Ensuite, il suffit au salarié d’alléguer la violation de l’obligation de sécurité sans avoir à la démontrer et il incombe à l’employeur d’établir qu’il a effectivement pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité. » La formulation conjugue l’exigence d’alerte avec une obligation de résultat procédural pesant sur l’employeur.
S’agissant des faits de tiers, la cour articule le principe et son tempérament. « Toutefois, lorsqu’un salarié est victime d’une agression sur son lieu de travail par un tiers, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il a bien pris les mesures de préventions prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Soc., 22 septembre 2016, n°15-14.005). » Le raisonnement ne nie pas l’extranéité de l’auteur, mais exige une prévention effective et vérifiable.
La finalité préventive est ainsi précisée. « Le résultat attendu de l’employeur est donc, en plus de la démonstration qu’il a fait cesser le trouble, la mise en ‘uvre d’actions de prévention, d’information et de formation de nature à prévenir les risques d’atteinte à la santé et à la sécurité des salariés. » La norme implique des dispositifs opérationnels, traçables et adaptés aux postes exposés.
B. Appréciation in concreto et constat du manquement
Au cas d’espèce, la cour relève l’absence de preuves tangibles des formations invoquées, l’absence de production du document d’évaluation des risques, et l’insuffisance des procédures utilisables par les conducteurs. Elle souligne le défaut d’assistance effective lors des incidents, malgré les alertes radio mentionnées par les déclarations d’incident.
La juridiction retient aussi une inertie fautive après l’agression, marquée par un signalement tardif de l’accident du travail et par l’absence d’accompagnement pour le dépôt de plainte. Elle note l’annulation d’une formation de gestion du stress non reprogrammée, alors que les entretiens faisaient état d’un malaise persistant.
L’ensemble révèle une politique de prévention non démontrée et une réaction lacunaire. Le manquement est caractérisé, justifiant l’allocation d’une indemnité spécifique, indépendamment de la procédure disciplinaire. Cette solution s’inscrit dans la ligne qui exige, pour l’exonération, des mesures précises, traçables et adaptées aux risques d’exposition au public.
II. La faute disciplinaire et le refus de la gravité
A. Établissement des griefs et critères de gravité
La cour rappelle les standards applicables, de portée générale et exigeants pour l’employeur. « La faute grave privative du préavis prévu à l’article L. 1234-1 du même code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » « La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur. » La construction oblige à démontrer une rupture immédiate du lien de confiance rendue inévitable par les faits.
Les faits du premier incident établissent un manquement réel, le salarié ayant quitté son poste avec passagers à bord. Toutefois, le second incident s’inscrit dans le cadre d’une agression caractérisée par un tiers, postérieurement sanctionné pénalement, ce qui nourrit la qualification de réaction défensive, sans banaliser la violence. L’appréciation demeure concrète et globale.
B. Portée pratique et conséquences
La cour tranche clairement l’articulation entre contexte et gravité. « En considération de l’ensemble de ces éléments, si la rupture du contrat de travail du salarié, au demeurant précédemment sanctionné d’un avertissement le 8 juin 2018, est fondée, en revanche la rupture immédiate et sans préavis du contrat de travail n’est pas justifiée, de telle sorte que les premiers juges ont à juste titre considéré que les faits ne caractérisent pas une faute grave, mais une cause réelle et sérieuse de licenciement. » La sanction devient proportionnée, avec préavis et indemnité légale de licenciement.
La portée est nette pour les opérateurs exposés aux incivilités. Le contexte d’agression et l’insuffisance des dispositifs de prévention atténuent l’intensité fautive, sans effacer la réalité des manquements initiaux. Les demandes accessoires sont justement écartées faute de preuve, s’agissant de la médaille et de la formation, ce qui confirme l’exigence probatoire cohérente sur l’ensemble du litige.