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La cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 10 septembre 2025, a eu à connaître d’un désistement d’appel intervenu après accord des parties dans un litige prud’homal opposant un établissement public à l’une de ses salariées et à un syndicat agissant en son nom.
Une salariée avait saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir des rappels de salaire en application d’un accord d’entreprise du 5 juillet 2002. La formation de départage du conseil de prud’hommes de Nantes avait, par jugement du 11 mars 2021, fait droit à sa demande principale tout en rejetant sa demande de dommages et intérêts. L’employeur avait interjeté appel par deux déclarations successives des 19 avril et 21 octobre 2021, intimant respectivement le syndicat intervenant et la salariée elle-même, ces deux procédures ayant été jointes. Les parties avaient régulièrement conclu et la clôture avait été prononcée le 10 avril 2025. L’affaire avait été plaidée le 24 avril suivant. En cours de délibéré, le conseil de l’employeur a informé la cour de l’existence d’un accord de principe. Par conclusions du 28 août 2025, l’appelant a sollicité qu’il lui soit donné acte de son désistement. Par conclusions du 5 septembre 2025, les intimés ont accepté ce désistement et renoncé à leur appel incident.
La question posée à la cour était celle des conditions dans lesquelles il convenait de constater le désistement d’appel accepté par les intimés et les conséquences procédurales à en tirer.
La cour d’appel de Rennes a révoqué l’ordonnance de clôture, constaté le désistement réciproque des parties et prononcé l’extinction des instances, renvoyant les parties à l’exécution de leur accord et laissant les dépens à la charge de l’employeur à défaut de meilleur accord.
Cette décision illustre le mécanisme du désistement d’appel comme mode d’extinction de l’instance au stade ultime de la procédure (I), tout en soulevant la question de l’aménagement procédural nécessaire à la prise en compte d’un accord intervenu en cours de délibéré (II).
I. Le désistement d’appel comme mode conventionnel d’extinction de l’instance
Le désistement d’appel constitue un acte de volonté unilatéral de l’appelant qui met fin à l’instance d’appel (A). Ses effets sont toutefois subordonnés, en présence d’un appel incident, à l’acceptation des intimés (B).
A. La nature et les conditions du désistement d’appel
Le désistement d’appel est régi par les articles 400 et suivants du code de procédure civile. Il se distingue du désistement d’action en ce qu’il ne porte pas sur le droit substantiel lui-même mais seulement sur l’instance engagée devant la juridiction du second degré.
La cour relève que « FRANCE TRAVAIL des PAYS de la [Localité 7] demande à la cour de lui décerner acte de son désistement tant à l’encontre du syndicat CGT que de Mme [W] [P] ». Cette formulation révèle la volonté non équivoque de l’appelant principal de renoncer à son recours. Le désistement d’appel n’est soumis à aucune condition de forme particulière et peut intervenir à tout moment de la procédure, y compris après la clôture des débats comme en l’espèce.
La particularité du cas d’espèce réside dans le contexte dans lequel ce désistement intervient. Un accord de principe avait été trouvé entre les parties, annoncé par courrier du 21 juillet 2025, soit près de trois mois après les plaidoiries. Le désistement n’apparaît donc pas comme un acte isolé mais comme la traduction procédurale d’une transaction entre les parties. Cette circonstance éclaire la décision de la cour de renvoyer les parties à l’exécution de leur accord.
B. L’acceptation du désistement et la renonciation à l’appel incident
L’article 401 du code de procédure civile dispose que le désistement d’appel n’a besoin d’être accepté que si l’intimé a préalablement formé un appel incident. En l’espèce, les intimés avaient effectivement relevé appel incident du jugement de première instance.
La cour constate que « le SYNDICAT CGT FRANCE TRAVAIL des PAYS DE LA [Localité 7] agissant au nom de Mme [W] [P] et Mme [W] [P] demandent à la cour de leur décerner acte de leur acceptation pure et simple du désistement de l’appel principal et de leur désistement d’appel à titre incident ». Cette double manifestation de volonté, à la fois acceptation et désistement, révèle la nature véritablement transactionnelle de l’accord intervenu.
Le caractère réciproque du désistement souligne que les concessions ont été mutuelles. L’employeur renonce à contester le jugement qui lui était défavorable sur le rappel de salaire. La salariée et le syndicat renoncent à poursuivre leur appel incident, vraisemblablement dirigé contre le rejet de la demande de dommages et intérêts. Cette réciprocité constitue la contrepartie caractéristique de la transaction au sens de l’article 2044 du code civil.
II. Les aménagements procéduraux liés à l’intervention du désistement en cours de délibéré
L’intervention d’un désistement après la clôture des débats nécessite une adaptation de la procédure (A). Les effets de ce désistement sur l’instance et sur le jugement de première instance méritent également examen (B).
A. La révocation de l’ordonnance de clôture
L’accord entre les parties étant intervenu en cours de délibéré, il a fallu rouvrir les débats pour permettre aux parties de formaliser leur désistement. La cour indique « Qu’il convient de révoquer l’ordonnance de clôture du 10 avril 2025 pour permettre d’inclure aux débats les conclusions postérieures de désistement réciproque des parties ».
Cette révocation s’inscrit dans le cadre de l’article 803 du code de procédure civile qui permet au juge de révoquer l’ordonnance de clôture en cas de cause grave survenue depuis celle-ci. L’accord transactionnel des parties constitue assurément une telle cause grave justifiant la révocation. Il serait en effet contraire à une bonne administration de la justice de statuer au fond alors que les parties ont manifesté leur volonté de mettre fin au litige.
La pratique de la révocation de clôture en cours de délibéré pour accueillir un désistement ou une transaction illustre la souplesse du droit processuel face aux manifestations concordantes de volonté des parties. Elle témoigne également de la faveur accordée par le droit français aux modes alternatifs de règlement des litiges.
B. Les effets du désistement sur l’instance et sur le jugement de première instance
Le désistement d’appel emporte des effets spécifiques tant sur l’instance d’appel que sur la décision de première instance. La cour prononce « l’extinction des instances ouvertes sous les numéros de RG 21/2426 et 21/6624 jointes sous le RG 21/2426 ».
En application de l’article 403 du code de procédure civile, le désistement d’appel emporte acquiescement au jugement. Le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 11 mars 2021 acquiert donc force de chose jugée. Les condamnations prononcées au bénéfice de la salariée deviennent définitives. Ce mécanisme explique que la cour renvoie « les parties à l’exécution de leur accord », lequel vient vraisemblablement préciser les modalités d’exécution du jugement devenu définitif.
La décision de laisser « les dépens à la charge de FRANCE TRAVAIL PAYS DE LA [Localité 7] à défaut de meilleur accord entre les parties » traduit l’application de l’article 399 du code de procédure civile. Celui qui se désiste supporte en principe les dépens, sauf convention contraire. La formule retenue par la cour préserve la liberté contractuelle des parties tout en fixant une règle supplétive conforme au droit commun du désistement.