Cour d’appel de Rennes, le 10 septembre 2025, n°21/02430

La Cour d’appel de Rennes, 10 septembre 2025 (RG 21/02430 et 21/06621, 8e chambre prud’homale), statue sur des appels joints en matière prud’homale. L’arrêt est rendu sur l’appel d’un jugement du 11 mars 2021 du Conseil de prud’hommes de Nantes, formation de départage.

Le litige porte sur des rappels de salaire fondés sur un accord d’entreprise du 5 juillet 2002, appliqué par une délibération du 11 juin 2018, le premier juge ayant accueilli la demande principale. L’employeur a relevé appel principal, tandis que le salarié et l’organisation syndicale ont formé un appel incident contre le rejet de leurs autres prétentions.

La procédure d’appel a été clôturée le 10 avril 2025 et plaidée le 24 avril, le délibéré ayant été fixé au 10 septembre. En cours de délibéré, un accord de principe a été porté à la connaissance de la cour, puis des conclusions de désistement principal et d’acceptation, avec renonciation à l’appel incident, ont été déposées.

La cour vise d’abord les textes pertinents et rappelle: « Vu les articles 384, 385, 400 et suivants du Code de procédure civile ». Elle décide ensuite de rouvrir la procédure afin d’intégrer les écritures relatives au règlement amiable. Elle affirme: « Qu’il convient de révoquer l’ordonnance de clôture du 10 avril 2025 pour permettre d’inclure aux débats les conclusions postérieures de désistement réciproque des parties ».

La question posée est celle des conditions et effets du désistement d’appel en cours de délibéré: possibilité de révoquer la clôture, constatation du retrait, extinction des instances, dessaisissement et sort des dépens. La solution, procédurale et pragmatique, est résumée par le dispositif: « Prononce la révocation de l’ordonnance de clôture datée du 10 avril 2025 », « Constate le désistement réciproque des parties des appels interjetés les 19 avril et 21 octobre 2021 », « Prononce en conséquence l’extinction des instances ouvertes sous les numéros de RG 21/2430 et 21/6621 » et « Renvoie les parties à l’exécution de leur accord ».

I. Le régime du désistement d’appel en cours de délibéré

A. Révocation de l’ordonnance de clôture et recevabilité des conclusions de désistement

La cour admet la recevabilité d’écritures postérieures à la clôture lorsque survient un acte mettant fin à l’instance, ce que consacre la formule: « Qu’il convient de révoquer l’ordonnance de clôture du 10 avril 2025 pour permettre d’inclure aux débats les conclusions postérieures de désistement réciproque des parties ». La révocation de la clôture, exceptionnelle, répond ici à une cause sérieuse née après l’ordonnance, liée à un accord transactionnel et à des désistements concordants.

Le visa combiné des articles 384, 385, 400 et s. du Code de procédure civile éclaire la démarche. Le premier texte organise l’extinction de l’instance, le second son effet de dessaisissement, tandis que le troisième et suivants régissent le désistement d’appel et ses modalités d’acceptation. La solution garantit l’efficacité des actes mettant fin au litige, sans sacrifier le contradictoire puisque chaque partie a conclu sur le désistement.

En pratique, l’office du juge d’appel consiste à reconfigurer utilement le cadre procédural lorsque les conclusions tardives ne visent pas à débattre du fond mais à entériner l’abandon de la voie de recours. La révocation de l’ordonnance de clôture devient l’instrument nécessaire d’une justice d’accompagnement des accords.

B. Acceptation des intimés et dissolution procédurale de l’instance d’appel

Le désistement d’appel produit effet lorsqu’il a été accepté par l’adversaire, spécialement en présence d’un appel incident. L’arrêt en prend acte en des termes clairs: « Constate le désistement réciproque des parties des appels interjetés les 19 avril et 21 octobre 2021 ». L’acceptation ici est pure et simple; elle s’accompagne de la renonciation à l’appel incident, ce qui purifie le litige de toute contestation pendante.

L’effet immédiat est l’extinction des instances et le dessaisissement corrélatif de la juridiction d’appel, conformément à l’économie des articles 384 et 385. La cour le décide expressément: « Prononce en conséquence l’extinction des instances ouvertes sous les numéros de RG 21/2430 et 21/6621 ». Le renvoi « à l’exécution de leur accord » situe utilement la suite: l’instance s’éteint, la solution relève désormais de l’engagement contractuel des parties, hors du prétoire.

La charge des dépens suit le retrait de la voie de recours, selon une logique d’imputation à l’auteur de l’appel, sauf meilleur accord. La solution respecte ainsi l’équilibre entre liberté de se désister et responsabilité procédurale, tout en ménageant l’autonomie des parties pour convenir d’un aménagement.

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. Promotion de la transaction et économie de procédure

L’arrêt illustre une politique juridictionnelle favorable au règlement amiable des différends en phase avancée. La décision fait une place aux conséquences procédurales d’un protocole en cours de délibéré, sans rigidité formaliste, pourvu que l’acceptation soit non équivoque. La phrase: « Renvoie les parties à l’exécution de leur accord » consacre cette articulation apaisée entre justice et transaction.

L’économie de procédure est manifeste: la cour évite de statuer sur le fond d’appels devenus sans objet, la clôture est révoquée à seule fin d’intégrer l’accord, et le contentieux est dénoué proprement. La solution promeut une gestion efficiente du temps judiciaire et réduit le risque de décisions inutiles, tout en assurant la sécurité juridique du retrait.

B. Conséquences juridiques: chose jugée, dépens et sécurité des accords

L’extinction des instances d’appel redonne son plein effet au jugement de première instance, sauf stipulations contraires issues de l’accord. La cour, en se dessaisissant, fige le cadre contentieux; la suite relève d’abord de l’exécution conventionnelle, sous le contrôle du droit commun des contrats et, au besoin, du juge de l’exécution.

Le régime des dépens est conforme à l’économie du désistement: sauf « meilleur accord », ils pèsent sur l’auteur du recours. La solution concilie responsabilité procédurale et liberté d’arrangement, en incitant les parties à internaliser le coût de la voie de recours abandonnée.

La portée dépasse le cas d’espèce. La révocation mesurée de la clôture pour intégrer des désistements réciproques constitue un outil fiable de pacification contentieuse. Elle sécurise les transactions conclusives intervenues tardivement, ménage l’autorité de la chose jugée du premier degré, et conforte la fonction régulatrice de l’appel lorsque la contestation s’est éteinte d’elle-même.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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