Cour d’appel de Rennes, le 10 septembre 2025, n°22/05385

Par arrêt du 10 septembre 2025, la Cour d’appel de Rennes a statué en matière de recouvrement social à l’issue d’un contrôle portant sur les exercices 2011 à 2013. Après une lettre d’observations du 7 novembre 2014, une mise en demeure du 23 décembre 2014 a réclamé cotisations et majorations sur plusieurs chefs. Le cotisant a saisi la commission de recours amiable, puis le pôle social de Nantes, qui a rejeté ses prétentions par jugement du 4 septembre 2020. En appel, étaient invoquées la nullité de la mise en demeure, l’irrégularité du contrôle, et l’exclusion d’assiette d’une prime dite de “bilan d’équivalence” ainsi que d’une indemnité de préavis prévue par un plan social. La juridiction d’appel confirme intégralement le jugement entrepris, au terme d’un raisonnement articulé autour de la régularité formelle et de la qualification des sommes litigieuses.

La question de droit portait d’abord sur l’efficacité d’une mise en demeure mentionnant une date erronée au regard de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale. Elle visait ensuite la conformité du contrôle aux exigences de l’article R. 243-59, puis la détermination de l’assiette au sens de l’article L. 242-1 s’agissant d’une prime d’accompagnement liée à un transfert de contrats et d’une indemnité de préavis versée lors d’un départ volontaire. La cour énonce que « La mise en demeure du 23 décembre 2014 est donc régulière et le jugement sera confirmé sur ce point » et que « La procédure de contrôle et de redressement est donc régulière et le jugement sera confirmé sur ce point ». Au fond, elle retient que « la société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le bilan d’équivalence a le caractère de dommages-intérêts » et affirme que « L’indemnité compensatrice de préavis est soumise aux cotisations sociales dans les mêmes conditions que le salaire ».

I. Régularité de la mise en recouvrement et du contrôle

A. Mise en demeure et exigence d’information du débiteur

Le débat portait sur une erreur matérielle de date mentionnée dans la mise en demeure, alors que la lettre d’observations était bien datée et reçue en novembre 2014. Selon l’article L. 244-2, l’acte doit permettre au redevable de connaître nature, cause et étendue de son obligation, sans exigence de preuve d’un préjudice. La cour constate que les mentions relatives aux chefs, aux montants, aux périodes et au fondement légal étaient complètes, et que la minoration opérée par la réponse de l’inspecteur du 17 décembre 2014 avait été notifiée et intégrée. Elle souligne que l’erreur de millésime n’a pas altéré l’intelligibilité de l’obligation ni induit le cotisant en erreur.

Dans cette logique, l’affirmation selon laquelle « La procédure est donc régulière. (2ème civ 07/01/2021 19-22.921) » s’inscrit dans une ligne constante admettant que seule l’insuffisance d’information entache la mise en demeure de nullité. L’extrait décisif du motif précise encore que « Dès lors, la société n’a pu se méprendre sur la nature, la cause et l’étendue de son obligation », ce qui verrouille l’office du juge autour de la fonction informative de l’acte. La solution est doctrinalement mesurée, car elle préserve l’exigence de précision tout en neutralisant les vices purement matériels dès lors que l’ensemble des éléments essentiels permettait la contestation utile.

B. Lettre d’observations et exigences formelles de l’article R. 243-59

La critique visait ensuite l’absence alléguée de signature conjointe et une prétendue insuffisance de la réponse de l’inspecteur aux observations du cotisant. La cour rappelle le principe suivant : « La lettre d’observations doit être signée, éventuellement sous une forme électronique, à peine de nullité. » Elle constate la production d’une lettre d’observations signée par les deux inspecteurs ainsi qu’une réponse point par point adressée le 17 décembre 2014, reçue le 22 décembre 2014, respectant le délai et la structure imposés. Elle juge que « Cette lettre apparaît conforme à l’article précité », ce qui emporte la validation du contradictoire de contrôle.

La solution éclaire la portée réelle de l’article R. 243-59. Les garanties de signature, d’indication des bases et du délai de réponse ne sont pas formelles pour la forme. Elles assurent un débat contradictoire effectif, préalable au recouvrement. La cour exige la preuve positive des irrégularités alléguées et, faute d’éléments inverses, confirme la régularité formelle. La cohérence avec la jurisprudence de la deuxième chambre civile assure la sécurité juridique du contrôle tout en préservant le droit au contradictoire du cotisant.

II. Qualification des sommes et conséquences financières

A. Prime de “bilan d’équivalence” et critères d’indemnisation véritable

La prime d’accompagnement était versée aux salariés transférés dans le cadre d’une réorganisation avec location-gérance, avec maintien transitoire d’avantages puis perte prévisible. Son calcul reposait sur des éléments de rémunération antérieurement perçus (intéressement, participation, primes diverses), modulés par un coefficient d’ancienneté. La cour rappelle d’abord que l’article L. 242-1 inclut, dans l’assiette, toutes les sommes versées en contrepartie ou à l’occasion du travail, sauf frais professionnels et dommages-intérêts. Elle précise la charge probatoire : « Il appartient à l’employeur, dans ce dernier cas, de rapporter la preuve que les sommes versées concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice. »

Au vu des modalités de calcul et de l’objet affiché de compensation d’avantages perdus, la qualification indemnitaire est écartée. La formule retentit, sans équivoque : « Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le bilan d’équivalence a le caractère de dommages-intérêts réparant un préjudice réel et certain […] distinct de la compensation de la perte de rémunérations. » La solution est convaincante en droit positif. Une somme calculée par référence à des éléments de rémunération passés traduit un lien étroit avec l’activité salariée, ce qui la rattache normalement à l’assiette. Elle avertit, en pratique, que l’intitulé d’“équivalence” ne suffit pas, sans démonstration d’un préjudice autonome, à soustraire une prime au champ contributif.

B. Indemnité de préavis dans un départ volontaire et majorations de retard

Le plan social prévoyait, pour les candidats à la gérance, une prime spécifique et une indemnité égale au préavis légal, bien qu’aucun préavis ne soit dû en cas de rupture amiable. La cour constate que l’indemnité de préavis est distincte de la prime de gérance, et retient sa nature salariale. Elle cite sans détour le principe applicable : « L’indemnité compensatrice de préavis est soumise aux cotisations sociales dans les mêmes conditions que le salaire. » Cette qualification découle de l’économie de l’article L. 242-1, qui vise les sommes versées en contrepartie ou à l’occasion du travail, indépendamment de leur source conventionnelle ou transactionnelle.

L’accessoire suit ensuite le principal. En application de l’article R. 243-18, les majorations courent à compter de l’exigibilité jusqu’au paiement. La cour fixe le quantum en ces termes : « Ces majorations s’élèvent à 370 382 euros à la date du 26 janvier 2015 pour tous les chefs de redressement. » La conséquence financière est classique et proportionnée à la nature des redressements validés. Elle renforce l’incitation à la sécurisation ex ante des dispositifs d’accompagnement, spécialement lorsque des départs volontaires s’articulent avec des avantages monétaires à base salariale.

L’arrêt réaffirme ainsi une ligne jurisprudentielle constante de précision formelle et de rigueur matérielle en matière d’assiette. Il protège le contradictoire sans ériger les erreurs matérielles inoffensives en causes autonomes de nullité, et rappelle que seule la preuve d’un préjudice réel, distinct d’une perte d’avantage salarial, permet l’exclusion d’assiette. Dans cette perspective, la confirmation prononcée, « Confirme le jugement en toutes ses dispositions », s’inscrit dans une cohérence à la fois textuelle et prétorienne, utile aux entreprises comme aux organismes pour calibrer pratiques et contrôles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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