- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
La Cour d’appel de Rennes, 18 juin 2025, statue sur un recouvrement d’indu réclamé à une infirmière libérale pour des anomalies de facturation relevées entre 2016 et 2018. La caisse avait notifié un indu d’un montant de 14 647,91 euros pour non-respect de la nomenclature, absence d’accord préalable, irrégularités de prescriptions, modalités de majorations et falsification d’une ordonnance. L’intéressée a saisi la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, puis a interjeté appel après rejet de ses prétentions.
Devant la juridiction d’appel, la professionnelle contestait la régularité de la procédure, invoquait la nécessité d’un agrément et d’une assermentation des agents, se prévalait d’exigences issues d’une charte et de la protection des données, critiquait l’insuffisance de motivation, et contestait enfin la matérialité des griefs. La caisse sollicitait la confirmation intégrale de la décision de première instance et la validation de l’indu.
La question centrale portait sur l’articulation des garanties procédurales applicables au recouvrement d’indus fondé sur l’article L.133-4 du code de la sécurité sociale et, corrélativement, sur l’étendue des obligations de motivation et de preuve, au regard des règles de facturation de la nomenclature. La cour confirme le jugement, écarte la question préjudicielle, valide la régularité de la procédure et retient le bien-fondé de l’indu au vu des prescriptions et des cotations litigieuses.
I. L’encadrement procédural du recouvrement d’indu fondé sur l’article L.133-4
A. L’autonomie du régime de contrôle au regard de l’article L.114-10 et de la charte
La juridiction rappelle que, selon la jurisprudence de la deuxième chambre civile, les dispositions relatives aux agents agréés et assermentés de l’article L.114-10 « ne sont pas applicables aux contrôles de l’observation des règles de tarification et de facturation des actes […] qui obéissent exclusivement aux dispositions de l’article L.133-4 » (2e Civ., 9 sept. 2021, n° 20-17.030). L’argument tiré de l’illégalité d’un agrément individuel est donc indifférent à la solution du litige, dès lors que le contrôle entrepris repose sur l’article L.133-4 et non sur les vérifications visées par l’article L.114-10.
La cour écarte également le grief tiré de la charte applicable aux contrôles, au motif que « cette charte est dépourvue de toute portée normative » (2e Civ., 16 mars 2023, n° 21-11.471). Il ne saurait en résulter une cause de nullité autonome lorsque la procédure respecte les garanties prévues par L.133-4 et R.133-9-1. Le courrier de notification, rappelant le cadre légal, les griefs, les montants et les voies de recours, satisfait ici à ces exigences.
B. Prérogatives de puissance publique, agrément et données: une exigence ciblée
Si le contrôle L.133-4 est par principe administratif et sur pièces, la jurisprudence impose l’agrément et l’assermentation lorsque des « prérogatives de puissance publique » sont mises en œuvre, « notamment lorsqu’ils procèdent à une audition » (2e Civ., 16 mars 2023, n° 21-11.470 et n° 21-14.971). La cour constate une seule audition de patiente, conduite par un agent justifiant d’un agrément et d’une assermentation réguliers, ce qui purge tout grief à ce titre.
S’agissant de l’usage d’outils de traitement automatisé des données, la deuxième chambre civile a jugé qu’« aucune de ces dispositions n’impose […] de saisir […] d’une demande d’avis allégée […] ni de justifier […] de l’enregistrement des critères et raisonnement » utilisés dans la requête (2e Civ., 7 juill. 2022, n° 20-21.365). L’accès habilité des personnels et la traçabilité interne suffisent, dès lors que le professionnel reçoit un tableau d’indu détaillant patients, actes, dates, montants et motifs, apte à garantir l’exercice utile du recours.
II. La validation de la motivation et l’appréciation du bien-fondé des griefs NGAP
A. Motivation de la notification et office probatoire en matière d’indu
La notification doit « préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées » et mentionner les dates des versements, le délai et les voies de recours (R.133-9-1). La cour relève que la lettre adressée à la professionnelle, assortie d’un tableau récapitulatif très circonstancié, répond pleinement à ces exigences. Le moyen tiré d’une insuffisance de motivation est logiquement rejeté.
Au fond, la charge initiale de la preuve incombe à l’organisme: « il appartient à l’organisme social […] d’établir l’existence du paiement […] et son caractère indu » (2e Civ., 7 avr. 2022, n° 20-20.930). La haute juridiction admet que « cette preuve peut être rapportée par tout moyen » (2e Civ., 30 nov. 2023, n° 21-24.899) et que « les tableaux établis par la caisse […] sont suffisants à établir la nature et le montant de l’indu » (2e Civ., 23 janv. 2020, n° 19-11.698). En l’espèce, le tableau et les prescriptions produites établissaient les manquements; la professionnelle n’apportait pas d’éléments contraires de nature à renverser l’analyse.
B. Application des règles de cotation: séance, entente préalable et prescriptions
La décision restitue correctement les principes de la nomenclature des actes infirmiers. La séance AIS est forfaitaire, d’une durée de trente minutes, et « les actes suivant le second ne donnent pas lieu à honoraires » au sein d’une même séance. Il a été jugé que, même si la séance se prolonge, « le professionnel ne pouvait facturer 2 AIS 3 pour la même séance » (Soc., 12 oct. 2000, n° 99-12.014; 2e Civ., 17 déc. 2015, n° 14-29.007). La cour en déduit, à bon droit, l’impossibilité de cumuler un AIS 3 supplémentaire avec un pansement simple déjà absorbé dans l’AIS, ou un AIS 3 du soir sans soin d’hygiène prescrit.
La solution est identique pour l’accord préalable requis au-delà d’un mois à propos d’AMI 1 majoré MAU dans un contexte psychiatrique. L’absence d’entente préalable, dûment relevée pour plusieurs assurés, fonde l’indu correspondant. Enfin, l’exigence d’une prescription écrite, datée et signée demeure déterminante: des actes non prescrits, non conformes à l’ordonnance ou fondés sur une prescription altérée ne sont pas remboursables. La cour constate une falsification d’ordonnance et valide, en conséquence, le montant de l’indu afférent.
L’ensemble révèle une application maîtrisée du couple motivation/preuve et une lecture fidèle de la nomenclature. En validant la procédure et en confirmant le bien-fondé des griefs, la Cour d’appel de Rennes s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle stable et cohérente avec le régime propre de l’article L.133-4.