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La Cour d’appel de Rennes, par arrêt du 18 juin 2025, statue sur un litige relatif à l’opposabilité d’une décision de reconnaissance de maladie professionnelle. Un salarié conducteur avait déclaré une sciatique par hernie discale, prise en charge au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles. L’employeur contestait cette décision.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Un salarié a complété le 30 juillet 2018 un formulaire de reconnaissance de maladie professionnelle pour une hernie discale accompagnée de lumbago. Le certificat médical initial avait été établi le 16 juillet 2018. Après instruction et avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse a pris en charge cette affection le 3 avril 2019.
L’employeur a contesté l’opposabilité de cette décision devant la commission de recours amiable le 3 juin 2019, puis devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes le 8 janvier 2020. Par jugement du 3 mai 2022, les premiers juges ont déclaré la décision de prise en charge inopposable à l’employeur. La caisse a interjeté appel de ce jugement.
Devant la cour, la caisse soutenait avoir respecté le principe du contradictoire en informant l’employeur par courrier du 7 janvier 2019 de la possibilité de consulter le dossier avant transmission au comité. L’employeur répliquait que ce courrier ne précisait pas la date effective de transmission et que le dossier avait été alimenté postérieurement à l’ouverture de la phase d’observations.
La question posée à la cour était celle de savoir si la caisse avait respecté ses obligations d’information à l’égard de l’employeur lorsqu’elle transmet le dossier au comité régional avant l’expiration du délai imparti pour formuler des observations.
La Cour d’appel de Rennes confirme le jugement par substitution de motifs. Elle retient que la caisse n’a pas respecté le délai qu’elle avait elle-même fixé puisque le comité a été saisi le 24 janvier 2019 alors que l’employeur disposait jusqu’au 27 janvier pour consulter le dossier.
La position adoptée par la cour consacre une exigence rigoureuse du respect des délais dans la procédure contradictoire (I), tout en révélant les enjeux pratiques de l’opposabilité des décisions de reconnaissance des maladies professionnelles (II).
I. Une exigence rigoureuse du respect des délais procéduraux
La cour fonde sa décision sur le non-respect par la caisse du délai qu’elle avait elle-même accordé à l’employeur (A), ce qui traduit une conception substantielle du contradictoire (B).
A. Le non-respect du délai auto-imposé par la caisse
La cour relève que la caisse avait adressé un courrier le 7 janvier 2019 indiquant que l’employeur disposait « jusqu’au 27 janvier 2019 pour venir consulter les pièces constitutives du dossier avant transmission au [comité] et formuler des observations ». Le comité régional a pourtant reçu le dossier complet dès le 24 janvier 2019, soit trois jours avant l’échéance annoncée.
Cette chronologie suffit à caractériser le manquement. La cour se réfère expressément à un arrêt de la deuxième chambre civile du 31 mai 2018 qui avait jugé que la caisse ne peut méconnaître le délai qu’elle a elle-même imparti sans vicier la procédure. Le raisonnement est simple : l’organisme social ne saurait promettre un délai puis s’en affranchir.
La solution retenue ne distingue pas selon l’importance du préjudice effectivement subi par l’employeur. La cour n’examine pas si celui-ci aurait formulé des observations utiles durant les trois jours manquants. La seule atteinte au délai annoncé emporte inopposabilité.
B. Une conception substantielle du principe du contradictoire
La cour rappelle que l’information de l’employeur « sur la procédure d’instruction et sur les points susceptibles de lui faire grief s’effectue avant la transmission du dossier » au comité. Elle cite l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale qui impose à la caisse une obligation d’information.
Cette exigence trouve son fondement dans le caractère définitif de l’avis du comité régional qui s’impose à la caisse. L’employeur doit pouvoir exercer effectivement son droit de consultation avant que le dossier ne soit figé. Un délai amputé, même de quelques jours, compromet cette possibilité.
La cour confirme par substitution de motifs, écartant le grief tiré de l’ajout tardif d’un avis du médecin du travail daté du 11 janvier 2019. Elle privilégie un motif plus objectif tenant au seul non-respect du calendrier annoncé.
II. Les enjeux pratiques de l’opposabilité en matière de maladie professionnelle
L’inopposabilité prononcée préserve les intérêts patrimoniaux de l’employeur (A) sans remettre en cause les droits du salarié (B).
A. La protection des intérêts patrimoniaux de l’employeur
L’inopposabilité de la décision de prise en charge signifie que l’employeur ne supportera pas les conséquences financières de la reconnaissance de la maladie professionnelle. Le compte employeur ne sera pas imputé des prestations versées au salarié ni des éventuelles majorations de cotisations.
Cette sanction constitue un levier efficace pour contraindre les caisses au respect scrupuleux des formalités procédurales. L’employeur qui n’a pu exercer effectivement son droit de consultation ne saurait subir les conséquences d’une instruction à laquelle il n’a pas pleinement participé.
La cour rejette implicitement la demande subsidiaire d’expertise médicale formulée par l’employeur. L’irrégularité procédurale suffit à fonder l’inopposabilité sans qu’il soit nécessaire d’examiner le fond médical du dossier.
B. La préservation des droits du salarié
L’inopposabilité ne remet pas en cause la reconnaissance de la maladie professionnelle elle-même. Le salarié conserve le bénéfice des prestations et indemnités auxquelles cette reconnaissance lui donne droit. Seule la relation entre la caisse et l’employeur est affectée.
La charge financière définitive de la maladie professionnelle sera reportée sur la collectivité des employeurs par le biais de la mutualisation. Cette répartition peut susciter des interrogations quant à l’équité du système lorsque l’irrégularité procède de la seule négligence de la caisse.
La solution rappelle aux organismes sociaux leur devoir de rigueur dans la conduite des procédures d’instruction. Un manquement même minime au calendrier annoncé suffit à priver la décision d’effet à l’égard de l’employeur.