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Cour d’appel de Rennes, 18 juin 2025. À la suite d’un accident du 5 juin 2018, un salarié, responsable traiteur, a subi des lésions graves à l’index gauche, avec fractures ouvertes et atteintes vasculo-nerveuses, opérées immédiatement. Après consolidation au 30 avril 2019, la caisse a fixé le taux d’incapacité permanente partielle à 10 %, opposé à l’employeur. La commission médicale de recours amiable a confirmé cette évaluation, puis le tribunal judiciaire de Saint‑Brieuc, le 28 avril 2022, a débouté l’employeur de son recours.
Devant la juridiction d’appel, l’employeur sollicite l’infirmation et une expertise judiciaire, invoquant une surévaluation du taux, qui devrait, selon lui, être limité à 8 %. La juridiction énonce que « Le présent litige doit être tranché par application des dispositions de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale et de l’article R. 434-32 du code de la sécurité sociale ». La question porte donc sur l’appréciation du taux médical au regard du barème indicatif applicable aux accidents du travail et sur l’utilité d’une mesure d’instruction complémentaire. L’arrêt confirme le taux de 10 % et refuse l’expertise, en retenant une raideur caractérisée et une évaluation fonctionnelle conforme au barème.
I. Le cadre légal du taux d’IPP et sa mise en œuvre
A. Les critères normatifs du barème et la centralité de la fonction
La décision rappelle le rôle directif du barème indicatif annexé à l’article L. 434‑2 du code de la sécurité sociale, précisant les éléments médicaux déterminants avant la proposition du taux. La prise en compte de la nature de l’infirmité, de l’état général, de l’âge, et des facultés physiques et mentales, conduit à une appréciation nuancée, adaptée à l’individu et à la fonction affectée. La juridiction mobilise le chapitre dédié aux doigts, citant que « Les séquelles seront appréciées selon le degré de limitation de l’enroulement du doigt (dont la pulpe normalement atteint la paume) ou de l’extension de celui-ci ». Elle souligne également l’exigence d’une évaluation globale de la main plutôt que cumulative, en reprenant que « L’appréciation sera faite sur la fonction globale de la main plus que sur l’addition des différentes lésions ».
Cette orientation fonctionnelle gouverne la plage de taux applicable à l’index non dominant en cas de raideur, comprise entre 6 et 12 %. Elle permet d’intégrer l’incapacité à réaliser certains types de prises et la limitation d’enroulement ou d’extension, tout en réservant l’assimilation à l’amputation aux seuls extrêmes, selon la formule suivante : « Les deux extrêmes sont réalisées par le doigt raide ou le doigt en crochet ; dans ces cas, l’incapacité est égale à celle de l’amputation du doigt ». L’arrêt aligne ainsi sa méthode sur les principes généraux du barème, sans dissocier le taux de l’épreuve fonctionnelle concrète.
B. La qualification de la raideur de l’index et la cohérence du taux de 10 %
L’instruction médicale retient un déficit d’enroulement avec distance pulpe‑paume persistante, une flexion limitée aux interphalangiennes, et un déficit d’extension, auxquels s’ajoutent douleurs à l’appui et troubles sensitifs. La cour relève l’impossibilité de plusieurs prises essentielles, parmi lesquelles « les prises de crochet, d’empaumement et la pince unguéale sont impossibles à gauche », ce qui affecte la valeur fonctionnelle de la main. À partir de ces éléments objectifs, elle tranche que « Ces constations caractérisent la raideur du doigt ».
En rapprochant ces données de la plage barémique applicable, la juridiction juge que « L’évaluation effectuée par le médecin conseil est donc conforme au barème indicatif précité », et précise qu’il est surabondant de raisonner par référence à la table des amputations, dès lors qu’une raideur non totale suffit à fonder le taux au sein de la fourchette retenue, « sans qu’il soit besoin de se référer au barème relatif à l’amputation du doigt ». La critique tirée d’une absence de cotation formalisée de la douleur ne renverse pas l’appréciation fonctionnelle, la preuve médicale versée demeurant suffisante au regard des critères opérants du barème.
II. La valeur et la portée de la solution rendue
A. Un contrôle juridictionnel suffisant justifiant le refus d’expertise
La juridiction motive le refus d’expertise par l’adéquation du dossier aux exigences du contrôle, après rappel du déroulement de la procédure médicale et du réexamen intervenu devant la commission. Elle retient l’utilité concrète des mesures déjà réalisées, leur cohérence avec les critères barémiques, et l’absence d’éléments de nature à créer un doute légitime sur la qualification de raideur. Elle énonce ainsi que « Au regard de l’ensemble des pièces produites, qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’expertise sollicitée ». Le contrôle exercé apparaît réel et substantiel, car la cour vérifie la concordance des constatations cliniques avec la fourchette barémique, sans se substituer au médecin pour recomposer l’examen, mais sans s’y lier aveuglément.
Cette approche s’inscrit dans une logique de proportion, où l’expertise constitue un instrument subsidiaire destiné à combler une carence probatoire ou une discordance significative. À défaut de tels indices, l’expertise allongerait le procès sans valeur ajoutée, alors que la méthode fonctionnelle du barème offre déjà un cadre stable et vérifiable pour apprécier l’atteinte.
B. L’opposabilité du taux et la sécurisation des contentieux similaires
Confirmant le jugement, la cour déclare le taux de 10 % opposable à l’employeur, après avoir validé l’assiette médicale et la pertinence de la qualification retenue. Cette opposabilité s’appuie sur la conformité barémique et sur l’examen circonstancié de la fonction digitale et de la main, conditions suffisantes pour clore le débat sans mesure d’instruction additionnelle. Le dispositif consacre, dans cette espèce, l’autorité d’une évaluation structurée, adossée à des critères publiés, vérifiables et appliqués de manière cohérente au cas d’espèce.
La portée de la solution est pragmatique. Elle rappelle que, dans l’intervalle barémique, l’argument d’une simple préférence pour un taux moindre ne suffit pas, en l’absence d’éléments objectifs contraires, à renverser une appréciation fonctionnelle solidement étayée. Elle souligne, corrélativement, que la contestation doit concentrer ses moyens sur des discordances médicales substantielles ou sur la méconnaissance du barème, et non sur une substitution d’évaluation. En refermant ainsi le litige, l’arrêt concourt à la sécurité des décisions relatives à la raideur digitale, guidées par l’analyse de la main dans son ensemble et par l’épreuve concrète des prises.