Cour d’appel de Rennes, le 18 juin 2025, n°22/04786

Par un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 18 juin 2025, la formation sociale tranche un litige relatif au taux d’incapacité permanente partielle opposable à l’employeur. Une maladie professionnelle de l’épaule droite a été prise en charge le 3 mai 2016, puis consolidée le 27 juillet 2020. La caisse a fixé le 14 août 2020 un taux d’IPP de 20 % à compter du 28 juillet 2020. L’employeur a saisi la commission médicale, puis le pôle social de Vannes, qui a retenu 12 % après expertise sur pièces. Une expertise sur pièces avait été ordonnée le 5 juillet 2021 et déposée le 26 octobre 2021. Par jugement du 20 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Vannes a homologué l’expertise et fixé 12 %. En appel, la caisse sollicitait 20 %, l’employeur la confirmation de 12 %, subsidiairement de nouvelles mesures d’instruction. S’agissant d’une pièce communiquée la veille de l’audience, la cour retient que « Il n’y a donc pas lieu d’écarter des débats cette pièce n° 6 de la société qui ne fait qu’actualiser les précédentes observations du médecin de la société. » La question posée portait sur l’articulation de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale et du barème indicatif, la valeur de l’avis expertal et la prise en compte des douleurs et d’un éventuel état antérieur. La cour énonce que « les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction demandées ». Elle statue en ces termes : « Dès lors, le taux d’IPP sera fixé à 20%. » et « Il y a lieu d’infirmer le jugement et de déclarer le taux d’incapacité de 20 % opposable à l’employeur. »

I. Le sens de la décision: référentiel barémique et contrôle du juge

A. Le cadre légal et barémique de l’évaluation

La cour rappelle l’article L. 434-2, qui impose une appréciation globale, éclairée par un barème indicatif annexé aux textes régissant les AT/MP. Elle cite le barème en rappelant que « Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l’évaluation garde, lorsqu’il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l’entière liberté de s’écarter des chiffres du barème; il doit alors exposer clairement les raisons qui l’y ont conduit. » Elle s’adosse encore à la jurisprudence en retenant que « Comme l’a jugé la cour de cassation, il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci. » Ce cadre règle l’office judiciaire: le juge vérifie la motivation médicale, confronte les données cliniques au barème et fixe souverainement le taux.

B. La qualification des séquelles et la prise en compte de la douleur

La cour constate la convergence des appréciations médicales vers une limitation modérée, objectivée par des amplitudes actives et passives douloureuses. Elle le souligne expressément : « Tant le médecin-conseil que l’expert sont donc d’accord pour retenir une limitation modérée des mouvements. » Appliquant le référentiel, elle retient que « Or en cas de limitation modérée, le barème indicatif précité prévoit un taux de 20%. » L’argument d’un état antérieur dégénératif est écarté, faute de preuve d’un retentissement invalidant antérieur à la déclaration de la maladie. Surtout, l’avis expertal n’explique pas l’abaissement du taux, puisqu’il se borne à affirmer : « Conformément au barème de référence, le taux d’incapacité permanente de l’intéressé à la date de consolidation peut être évalué à 12 %. » La cour tient compte des douleurs résiduelles, leur intensité étant constatée, et en déduit une évaluation conforme au barème pour une épaule dominante, aboutissant à la fixation judiciaire du taux.

II. La valeur et la portée: office du juge et opposabilité du taux

A. La maîtrise du juge sur l’instruction et l’évaluation

Sur les mesures d’instruction, la cour rappelle avec netteté que « Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction demandées. » Constatant un dossier suffisant, elle refuse toute mesure complémentaire, en ce sens que « Au regard de l’ensemble des pièces produites, qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de consultation et d’expertise sollicitées. » Le contrôle opéré est entier et conforme à l’affirmation selon laquelle « il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci. » Face à un avis lapidaire, la cour exige la motivation requise par le barème et rétablit un taux cohérent avec les constatations médicales retenues.

B. Les enseignements pratiques pour les contentieux de taux

L’arrêt confirme que l’écart au barème suppose une justification explicite, notamment lorsque la limitation est qualifiée de modérée et que des douleurs persistantes sont établies. Il précise encore que de simples remaniements dégénératifs, non prouvés comme invalidants avant la déclaration, ne caractérisent pas un état antérieur interférent. Pour la relation caisse/employeur, la solution renforce la sécurité juridique de l’opposabilité, en rappelant le rôle structurant du barème et la centralité des douleurs. L’issue est explicite : « Il y a lieu d’infirmer le jugement et de déclarer le taux d’incapacité de 20 % opposable à l’employeur. » Par cette réaffirmation, la cour offre un guide opérationnel, alliant motivation exigeante et application cohérente du référentiel.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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