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La cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 2 juillet 2025, statue sur un désistement d’instance en matière de contentieux de la sécurité sociale. Cette décision, bien que procédurale, illustre les mécanismes de contestation par l’employeur du taux d’incapacité permanente partielle attribué à un salarié victime d’un accident du travail.
Un salarié exerçant les fonctions d’opérateur de nettoyage industriel a été victime d’un accident du travail le 12 septembre 2018, pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels. La date de consolidation a été fixée au 24 juin 2019. Par décision du 4 juillet 2019, la caisse a notifié à l’employeur un taux d’incapacité permanente partielle de 15 %, applicable à compter du 25 juin 2019.
Contestant ce taux, la société a saisi la commission médicale de recours amiable le 3 septembre 2019. En l’absence de décision rendue dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes le 5 février 2020. La commission a finalement rejeté le recours lors de sa séance du 19 novembre 2019. Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal a confirmé l’opposabilité du taux de 15 % à l’employeur et l’a débouté de ses demandes. La société a interjeté appel le 15 juin 2022.
Devant la cour d’appel, la société sollicitait à titre principal la réduction du taux à 5 % et, subsidiairement, l’organisation d’une expertise médicale judiciaire. La caisse concluait à la confirmation du jugement. Par courrier électronique du 12 juin 2025, la société a déclaré se désister de l’instance, désistement réitéré à l’audience. La caisse a indiqué ne pas s’y opposer.
La question posée à la cour était celle de la régularité et des effets du désistement d’instance formulé par l’appelant en cours de procédure d’appel.
La cour d’appel de Rennes constate que « le désistement est parfait », prononce « l’extinction de l’instance » et condamne la société aux dépens d’appel.
L’arrêt commenté permet d’examiner les conditions de validité du désistement d’instance en matière de contentieux de la sécurité sociale (I), avant d’en mesurer les conséquences sur la situation de l’employeur contestant un taux d’incapacité permanente partielle (II).
I. La perfection du désistement d’instance en contentieux social
Le désistement prononcé par la cour répond aux exigences procédurales requises par le code de procédure civile (A), tout en s’inscrivant dans le cadre spécifique du contentieux de l’inopposabilité du taux d’incapacité permanente partielle (B).
A. Les conditions procédurales du désistement
L’article 394 du code de procédure civile dispose que « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». En l’espèce, la société appelante a manifesté sa volonté de se désister par courrier électronique du 12 juin 2025, puis a réitéré cette intention à l’audience du 17 juin 2025.
L’article 395 du même code précise que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur lorsque celui-ci a présenté une défense au fond ou une fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. La caisse avait effectivement conclu à la confirmation du jugement, ce qui constituait une défense au fond. Son acceptation était donc requise pour parfaire le désistement. La cour relève que la caisse, « par message électronique en date du 12 juin 2025 », a « confirmé ne pas s’opposer au désistement sollicité ».
La réunion de ces deux conditions permet à la cour de constater la perfection du désistement. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui subordonne la validité du désistement à l’absence d’opposition de la partie adverse dès lors que celle-ci a pris position sur le fond du litige.
B. Le contexte particulier du contentieux du taux d’incapacité
Le litige s’inscrivait dans le cadre du contentieux technique de la sécurité sociale, régi par les articles L. 142-1 et suivants du code de la sécurité sociale. L’employeur contestait le taux d’incapacité permanente partielle de 15 % attribué à son salarié, taux qui lui était opposable et influait directement sur ses cotisations au titre des accidents du travail.
Ce contentieux présente une particularité notable : l’assuré victime n’est pas partie à l’instance opposant l’employeur à la caisse. La contestation de l’employeur ne peut aboutir qu’à réduire le taux qui lui est opposable, sans affecter les droits du salarié. Cette configuration procédurale explique que le désistement de l’employeur n’emporte aucune conséquence pour la victime de l’accident du travail.
La société avait sollicité, à titre subsidiaire, une expertise médicale judiciaire aux fins d’évaluation du taux. Le désistement intervenu rend cette demande sans objet et cristallise le taux de 15 % dans les rapports entre l’employeur et la caisse.
II. Les effets de l’extinction de l’instance sur la contestation du taux
Le désistement emporte extinction de l’instance d’appel sans remise en cause du jugement de première instance (A), tout en laissant à la charge de la société les frais de la procédure (B).
A. La consolidation du taux d’incapacité opposable
L’article 398 du code de procédure civile dispose que le désistement d’instance « emporte extinction de l’instance » mais « n’emporte pas renonciation à l’action ». En pratique, cette distinction revêt une portée limitée dans le cas d’espèce. Le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 20 mai 2022, qui avait confirmé l’opposabilité du taux de 15 % à l’employeur, n’est pas infirmé par la cour d’appel.
En l’absence de dispositions procédurales contraires, le désistement d’appel laisse subsister le jugement de première instance. La société demeure donc liée par le taux d’incapacité permanente partielle fixé à 15 % pour le calcul de ses cotisations accidents du travail. Ce taux, applicable depuis le 25 juin 2019, continuera de produire ses effets sur la tarification de l’employeur pendant toute la durée prévue par les dispositions réglementaires.
Le choix de se désister peut s’expliquer par diverses considérations pratiques. La société a peut-être estimé que les chances de succès de son appel étaient insuffisantes au regard des coûts de procédure. Elle a également pu reconsidérer l’impact économique réel du différentiel entre le taux contesté de 15 % et le taux de 5 % qu’elle revendiquait.
B. L’imputation des dépens à l’employeur
La cour condamne la société « aux dépens d’appel ». Cette solution découle directement de l’article 399 du code de procédure civile qui dispose que le désistement « emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ». La cour applique ce principe en relevant que « le désistement emportant soumission de payer les frais de l’instance éteinte, la société sera condamnée aux dépens ».
Cette règle se justifie par l’idée que la partie qui renonce à son action après avoir engagé une procédure doit en assumer les conséquences financières. L’employeur qui a fait le choix de contester le taux d’incapacité devant la commission médicale de recours amiable, puis devant le tribunal judiciaire, et enfin devant la cour d’appel, supporte l’ensemble des frais générés par cette contestation.
L’arrêt ne statue pas sur les frais irrépétibles au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la caisse n’ayant apparemment pas formulé de demande à ce titre. Le désistement permet ainsi à la société de limiter sa condamnation aux seuls dépens, sans indemnité complémentaire au profit de la caisse.