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Par un arrêt du 2 juillet 2025, la Cour d’appel de Rennes statue sur la péremption d’une instance en matière de sécurité sociale. L’enjeu tient à la détermination des diligences interruptives et du point de départ du délai après un sursis à statuer.
Un salarié a déclaré une pathologie lombaire prise en charge au titre du tableau n°97 des maladies professionnelles. L’employeur a contesté l’opposabilité de cette décision, soutenant que l’atteinte ne correspondait pas aux critères du tableau invoqué.
Le Tribunal des affaires de sécurité sociale du Morbihan, le 11 juin 2018, a rejeté le recours. Saisi par déclaration du 31 juillet 2018, le juge d’appel a ordonné, par arrêt du 21 avril 2021, une expertise sur pièces et sursis à statuer jusqu’au dépôt du rapport. Celui-ci a été déposé au greffe le 21 avril 2022, la cause étant radiée en attendant la diligence de la partie la plus diligente.
Le débat porte sur la computation du délai de péremption, la nature des actes interruptifs et l’effet du sursis à statuer jusqu’à l’expertise. La juridiction précise que « le point de départ du délai de deux ans réside dans la saisine de la juridiction, soit la date de la déclaration d’appel ». Elle rappelle aussi que « le dépôt du rapport d’expertise ne constitue pas une diligence au sens de l’article 386 du code de procédure civile ». Constatant l’absence de diligence des parties entre le 21 avril 2022 et le lundi 22 avril 2024, la cour énonce : « Dès lors, aucun acte interruptif de péremption n’ayant été accompli […] il y a lieu de constater la péremption d’instance. »
I. Délimitation du délai de péremption
A. Saisine et computation prorogée
La décision confirme la règle selon laquelle la saisine fixe le point de départ du délai biennal. Elle affirme que « le point de départ du délai de deux ans réside dans la saisine de la juridiction, soit la date de la déclaration d’appel ». La référence au régime de prorogation achève la démonstration lorsque l’échéance tombe un jour non ouvrable. La cour rappelle expressément que « l’article 642 du code de procédure civile est applicable au délai de péremption », de sorte que l’échéance survenant un dimanche est reportée au premier jour ouvrable suivant.
Cette mise au point s’inscrit dans une logique de sécurité juridique. Elle distingue utilement la date d’enregistrement par le greffe, dépourvue d’effet, et l’acte de saisine, seul opérant pour le calcul. La clarté de cette solution évite les confusions fréquentes dans les contentieux sans représentation obligatoire, où la chronologie procédurale doit rester lisible.
B. Diligences interruptives admises
La cour affirme la rigueur du régime probatoire des diligences interruptives. Elle rappelle que « seules les diligences émanant des parties ont un effet interruptif de péremption », excluant celles imputables au juge ou à un technicien judiciaire. En conséquence, « le dépôt du rapport d’expertise ne constitue pas une diligence au sens de l’article 386 du code de procédure civile », même lorsque l’expertise a été ordonnée avant dire droit.
Cette exigence rationnalise l’office des parties dans une procédure orale. La juridiction souligne qu’en procédure sans représentation obligatoire, le dépôt de conclusions n’est diligence que s’il est « ordonné par la juridiction pour mettre l’affaire en état d’être jugée ». La solution circonscrit les actes pertinents et confirme que l’inertie persiste malgré la progression technique du dossier par l’expert.
II. Portée et enseignements de la solution
A. Sursis, radiation et devoir de vigilance
La décision éclaire l’articulation entre sursis à statuer, radiation et péremption. En rappelant l’article 392 du code de procédure civile, elle constate que la suspension cesse à la survenance de l’événement déterminé, ici le dépôt du rapport. Le nouveau délai court alors de plein droit, indépendamment de la connaissance effective par les parties. La juridiction souligne à juste titre qu’« il appartient alors aux parties de surveiller l’écoulement du temps de sursis ».
La portée pratique est nette. La radiation prononcée pour défaut de diligence n’interrompt pas le délai. Il incombait à l’appelant de solliciter la remise au rôle et de conclure utilement avant l’échéance prorogée au 22 avril 2024. À défaut, la sanction tombe d’elle-même, le réenrôlement tardif du 5 août 2024 demeurant sans effet salvateur.
B. Appréciation critique et sécurité procédurale
La solution s’accorde avec le droit positif et renforce la prévisibilité des délais. En refusant d’ériger le dépôt du rapport d’expertise en diligence interruptive, la cour maintient l’équilibre entre l’instruction technique et la charge d’impulsion procédurale pesant sur les parties. Cette orthodoxie prévient l’aléa né des calendriers d’expertise, souvent indépendants des justiciables.
Une réserve d’opportunité peut toutefois s’exprimer sur l’information des parties lors de la fin du sursis. La mention selon laquelle le rapport comporte « Copies adressées à toutes les parties » atténue le grief, mais n’épuise pas les difficultés pratiques de transmission. La solution incite les acteurs du contentieux social à formaliser, sans délai, une demande de remise au rôle accompagnée de conclusions, afin d’éviter qu’une instruction technique diligente ne coexiste paradoxalement avec une instance périmée. En définitive, l’arrêt clarifie, en des termes constants et lisibles, la discipline des délais et la nécessaire vigilance procédurale des plaideurs.