Cour d’appel de Rennes, le 2 septembre 2025, n°22/07396

Par un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 2 septembre 2025, la juridiction statue sur la validité d’un testament olographe et sur une demande de réparation d’un préjudice moral liée à des propos tenus pendant le litige. L’affaire trouve son origine dans la transmission d’un immeuble acquis par un couple, l’épouse étant décédée la première en léguant une part à son conjoint survivant et à sa fille issue d’une précédente union. Le conjoint est décédé quelques mois plus tard, un testament olographe daté d’avril 2020 ayant été déposé chez un notaire, par lequel il léguait ses droits à l’enfant de son épouse.

Soutenue par les collatéraux du défunt, l’action en contestation a été engagée devant le tribunal judiciaire de Saint‑Brieuc, qui a rejeté la demande d’annulation et l’expertise sollicitée, puis condamné les demandeurs aux dépens et à une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens. En appel, les demandeurs sollicitaient l’infirmation, un examen judiciaire de la signature, à titre subsidiaire une expertise, et l’allocation de frais irrépétibles. L’intimée demandait la confirmation de la validité, l’écartement de toute expertise, ainsi que des dommages‑intérêts pour préjudice moral et des frais irrépétibles d’appel.

La question posée tenait d’abord à la suffisance, au regard de l’article 970 du code civil, d’une signature peu lisible assortie de la mention manuscrite du nom et du prénom immédiatement sous le texte. Elle portait ensuite sur la caractérisation d’une faute de nature délictuelle justifiant une réparation autonome en raison de propos adressés au cours du différend.

La cour confirme la régularité du testament, écarte l’expertise, et infirme le jugement sur les dommages‑intérêts, en allouant une indemnisation pour préjudice moral, ainsi que des frais irrépétibles d’appel.

I. La validité du testament olographe au regard de l’article 970

A. Les exigences légales et l’office du juge

La cour rappelle le standard légal en des termes fermes et classiques. Elle énonce d’abord: « Aux termes de l’article 970 du code civil, « Le testament olographe ne sera point valable, s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Il n’est assujetti à aucune autre forme. » » Cette formulation, qui recentre le débat sur les trois conditions cumulatives, exclut tout formalisme supplémentaire.

Elle ajoute ensuite la conséquence immédiate de la règle, en précisant: « Le testament olographe n’est donc pas valable s’il n’est signé de la main du testateur et il ne peut être suppléé à la signature du testateur. » La signature demeure l’élément d’appropriation personnelle et définitive de l’acte, distinct des autres mentions.

L’office du juge est ensuite clairement défini. La cour souligne: « Lorsque la signature d’un testament olographe est contestée, il appartient au juge de vérifier l’authenticité de cette signature car il ne peut statuer sur la validité de l’acte sans en tenir compte. » Elle précise enfin la mesure du contrôle opéré par les juges du fond, en rappelant: « Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si la signature est valable et n’admettent cette validité que dès lors que le signataire du testament est clairement identifié, qu’il n’y a aucun doute sur sa volonté de tester et sur son approbation personnelle et définitive du contenu du testament. » Ce cadrage assoit l’analyse sur l’identification du testateur et la volonté de tester, plutôt que sur un modèle unique de signature.

B. L’identification du testateur et l’absence d’expertise utile

Appliquant ces principes, la cour constate que le testament est entièrement manuscrit, daté, et porte, immédiatement sous le texte, la mention écrite du nom et du prénom du testateur, à laquelle s’ajoute une griffe. Elle relève l’identité de graphisme entre ces mentions et le corps du testament, ainsi qu’avec des pièces de comparaison récentes, ce qui rattache sans ambiguïté l’acte à son auteur. La signature, bien que peu déchiffrable, est regardée comme l’appropriation graphique finale, tandis que la mention manuscrite du nom et du prénom, placée à l’endroit usuel, individualise clairement le signataire.

Cette approche est confortée par la référence suivante: « La jurisprudence a admis plusieurs modes de signature. La Cour de cassation a ainsi pu considérer que même si la signature ne constituait pas la signature habituelle du testateur, la mention de la main de celui-ci de ses nom, prénom et domicile répondait aux exigences de l’article 970 du code civil (Cass. civ. 1ère, 25 janvier 1977, Bull. civ. I, n° 46). » La cour mobilise donc une conception fonctionnelle de la signature, centrée sur l’individualisation certaine de l’auteur et l’approbation de l’acte.

Dès lors, aucune utilité d’une expertise graphologique n’est retenue. L’absence d’indices graves, précis et concordants de falsification, jointe au pouvoir souverain d’appréciation, conduit à rejeter une mesure d’instruction qui ne ferait que retarder la liquidation successorale.

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. La réparation du préjudice moral pour propos fautifs

Sur la demande indemnitaire, la cour se fonde sur les principes ordinaires de la responsabilité délictuelle, en rappelant: « Selon l’article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » » Elle précise la charge de la preuve: « En application de l’article 1353 al 1er du même code, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. » »

L’examen des pièces établit que des messages ont imputé, sans fondement, des agissements pénalement répréhensibles à l’intimée, assortis de menaces chiffrées. La cour qualifie ces propos de fautifs, retient un lien de causalité avec un préjudice moral certain, et accorde une indemnité proportionnée. Elle trace ainsi la limite entre le droit d’ester et l’excès fautif, ce dernier engageant la responsabilité délictuelle indépendamment de l’issue du litige principal.

B. Les enseignements jurisprudentiels sur la signature olographe

L’arrêt confirme une orientation souple mais exigeante en matière de signature olographe. Souple, car la juridiction valide une signature non déchiffrable dès lors que l’identification du testateur ressort nettement du faisceau d’indices graphiques, y compris la mention manuscrite du nom et du prénom placée sous le texte. Exigeante, car le contrôle demeure centré sur l’absence de doute quant à la volonté de tester et l’appropriation personnelle de l’acte.

La référence de principe est rappelée avec justesse: « La Cour de cassation a ainsi pu considérer que même si la signature ne constituait pas la signature habituelle du testateur, la mention de la main de celui-ci de ses nom, prénom et domicile répondait aux exigences de l’article 970 du code civil (Cass. civ. 1ère, 25 janvier 1977, Bull. civ. I, n° 46). » L’arrêt d’appel transpose cette solution en soulignant « le pouvoir souverain d’appréciation » des juges du fond quant à l’authenticité et à l’individualisation du signataire. Il circonscrit, en outre, l’office de l’expertise à l’hypothèse d’un doute sérieux né de pièces probantes, non de considérations familiales ou de simples divergences graphiques.

La portée pratique est nette. Le contrôle de la validité d’un testament olographe repose sur l’analyse combinée du support manuscrit, des mentions d’identification, et de la griffe finale, indépendamment d’une signature parfaitement lisible. La décision sécurise les actes olographes tout en rappelant que l’accès au juge ne justifie pas des imputations infamantes, lesquelles exposent leur auteur à une réparation autonome.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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