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Rendue par la Cour d’appel de Rennes le 25 juin 2025, la décision tranche un litige relatif à la fixation du taux d’incapacité permanente partielle d’un marin-pêcheur, après consolidation au 10 mai 2019. L’organisme gestionnaire du régime spécial avait initialement évalué l’atteinte à 3 % et refusé la pension, tandis que le premier juge avait fixé le taux à 12 %, dont 2 % au titre du coefficient professionnel. L’appelant sollicitait l’infirmation et, subsidiairement, une nouvelle expertise, tandis que l’assuré demandait la confirmation. La question portait sur l’application du barème indicatif des accidents du travail aux séquelles du genou, l’office du juge dans la détermination globale du taux, et la pertinence d’une mesure d’instruction supplémentaire. La cour fixe finalement le taux à 10 %, dont 2 % de coefficient professionnel, refuse l’expertise, et confirme le surplus, retenant que « le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge […] ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle » et que « les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction ».
I. Le sens de la décision
A. Cadre normatif et office du juge
La décision s’adosse au texte spécial applicable aux marins et aux principes communs de l’évaluation de l’incapacité. Elle rappelle d’abord que « après consolidation de la blessure […], le marin reçoit une pension s’il est atteint d’une invalidité permanente d’au moins 10 % évaluée d’après le barème en vigueur pour les accidents du travail ». La cour se réfère ensuite à l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, selon lequel « le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales […] ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle ». Elle souligne, conformément à la jurisprudence, que « il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci », ce qui commande une appréciation synthétique, à la date de la consolidation, de toutes les données médicales et médico-sociales.
La place du barème indicatif est précisée avec mesure. La cour cite le chapitre préliminaire de l’annexe I, rappelant que « ce barème […] ne peut avoir qu’un caractère indicatif. Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens ». Elle insiste sur la marge d’appréciation du praticien et du juge, qui peuvent s’écarter des chiffres proposés en motivant les raisons liées au cas. S’agissant du genou, elle vise le passage selon lequel « mouvements anormaux. — résultant d’une laxité ligamentaire (latéralité tiroir, etc.) 5 à 35 », tout en notant que « ces taux s’ajoutent éventuellement à ceux attribués pour les autres atteintes fonctionnelles du genou ».
B. Application aux faits et délimitation temporelle
Sur la base des constatations concordantes, la cour retient des « petites douleurs d’effort » et une « très discrète raideur », déjà évaluées à 3 %, auxquelles s’ajoute un « léger tiroir antéro‑postérieur » en lien avec la lésion du ligament croisé postérieur. Elle qualifie ce tiroir de « mouvement anormal » au sens du barème, pour lequel elle fixe une valeur de 5 %, dans le bas de la fourchette, en l’absence d’atrophie marquée, de laxité latérale, d’hydarthrose ou de limitation majeure de la flexion. Elle écarte la chondropathie patellaire comme état antérieur non imputable, et situe rigoureusement l’examen à la date de consolidation, excluant des éléments postérieurs.
La composante médico‑sociale est distinctement appréciée. Constatant des restrictions d’aptitude durablement incompatibles avec les travaux sur le pont, la cour retient un coefficient professionnel de 2 %, fidèle au texte qui intègre « les aptitudes et la qualification professionnelle ». L’ensemble aboutit à « 10 % dont 2 % de coefficient professionnel », seuil ouvrant droit à pension au regard du décret spécial. Enfin, face à la demande d’expertise, la cour rappelle que « les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction » et que « il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’expertise sollicitée », les éléments versés étant suffisants.
II. La valeur et la portée
A. Pertinence méthodologique et cohérence interne
La motivation adopte une démarche progressive, articulant barème, clinique et impact professionnel, sans double comptabilisation des symptômes. En fixant 5 % pour le tiroir, 3 % pour douleurs et raideur, puis 2 % pour le coefficient professionnel, la cour respecte la logique cumulative prévue par le chapitre genou, tout en restant dans la moyenne des taux. La solution ajuste le jugement de première instance, jugé trop élevé au regard des déficits objectifs modestes, et répare la sous‑évaluation initiale limitée à 3 %.
La délimitation temporelle est juridiquement précise. La cour apprécie à la date de consolidation, tire les conséquences des lésions imputables, et neutralise l’état antérieur, conformément à l’économie de l’article L. 434‑2. Elle demeure fidèle au caractère « indicatif » du barème, citant que « les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens », et exerce son pouvoir d’appréciation en conformité avec la règle selon laquelle « il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui‑ci ». Le refus d’expertise s’inscrit dans le cadre des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile, sans atteinte au contradictoire, les pièces étant jugées suffisantes.
B. Incidences pratiques et enseignements jurisprudentiels
La solution confirme un mode opératoire utile en pathologie du genou traumatique. D’abord, le signe de tiroir isolé, objectivé et peu marqué, justifie un taux plancher autonome au titre des « mouvements anormaux », « 5 à 35 », sans exiger d’arthrose ou d’hydarthrose associée, les cumuls restant maîtrisés. Ensuite, les douleurs d’effort et la raideur discrète peuvent être valorisées modestement, sans franchir les seuils réservés aux limitations angulaires plus sévères, ce que le barème structure clairement.
Surtout, la décision illustre l’articulation entre la clinique et la situation de travail du marin. Les restrictions pérennes aux travaux sur le pont justifient un coefficient professionnel mesuré, rendant effective la prise en compte des « aptitudes et [de la] qualification professionnelle ». La portée est pratique pour le contentieux du régime spécial: elle rappelle que l’atteinte de 10 % résulte d’une addition motivée et que la pension suppose une synthèse rigoureuse, éclairée par un barème indicatif. En ce sens, l’arrêt stabilise une méthode, sans excès de formalisme ni abandon de l’examen individualisé, et laisse aux praticiens comme aux juges une grille claire d’appréciation.