Cour d’appel de Rennes, le 25 juin 2025, n°24/05212

La Cour d’appel de Rennes, 25 juin 2025, statue sur une requête en rectification d’erreur matérielle dirigée contre un arrêt du 15 décembre 2021. L’affaire trouve son origine dans des opérations de recouvrement d’indus, motivées notamment par des prescriptions irrégulières, avec des condamnations prononcées à l’issue de l’instance d’appel. Le litige porte désormais sur l’alignement du dispositif sur les motifs, en raison d’un montant omis et d’une imputation erronée.

À la suite de l’arrêt de 2021, l’organisme de sécurité sociale a saisi la juridiction d’appel, en août 2024, afin de corriger deux inexactitudes affectant le dispositif. Les professionnels concernés, représentés par avocat, n’ont pas formé d’opposition à la demande. L’audience s’est tenue en avril 2025, le prononcé est intervenu en juin, suivant la procédure de rectification prévue par le code.

Le demandeur sollicitait, d’une part, l’ajout d’un montant de 104,20 euros figurant dans les motifs, omis au dispositif. D’autre part, il demandait la rectification d’une condamnation totale annoncée à 2 560,77 euros, alors que les motifs conduisaient à un total réel de 691,12 euros, une part ayant été imputée, par erreur, à un professionnel qui n’en était pas redevable. Les défendeurs, pour leur part, s’en rapportaient à justice.

La question de droit était classique. Sous l’empire de l’article 462 du code de procédure civile, la cour pouvait‑elle corriger une omission et une transposition fautive entre motifs et dispositif, sans altérer la substance de la décision ni porter atteinte à l’autorité de la chose jugée. La cour rappelle que « les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées ». Elle constate l’omission d’un chef de condamnation partiel, l’erreur d’imputation d’un autre, et rectifie, en conséquence, le dispositif. Elle précise encore que « le présent arrêt rectificatif sera mentionné sur la minute et sur les expéditions de l’arrêt rectifié ». Les autres dispositions demeurent inchangées.

I. Le fondement et l’office de la rectification matérielle

A. Le critère matériel sous l’article 462 du code de procédure civile

L’arrêt s’inscrit dans la ligne d’une rectification strictement mécanique, excluant toute appréciation nouvelle du litige. La cour énonce que « les erreurs ou omissions matérielles […] peuvent toujours être réparées », selon les pièces du dossier ou « ce que la raison commande ». Cette formulation, classique, enferme l’office du juge dans un contrôle de pure concordance.

La rectification ne crée pas de droit nouveau et ne tranche pas un point litigieux. Elle vise à corriger une discordance manifeste entre le raisonnement et son expression dispositive. L’arrêt vérifie, à partir des motifs antérieurs, que la somme de 104,20 euros a été omise et qu’une part de 1 006,80 euros a été mal imputée. Le critère matériel est rempli, la correction s’impose, sans revisiter le fond.

B. La cohérence motifs/dispositif comme boussole de la correction

La cour relève, de manière circonstanciée, que l’omission est explicite. Elle le formule nettement : « il a été omis de reporter la somme de 104,20 euros au dispositif ». Cette indication identifie une simple défaillance de transcription, aisément réparable, à rebours de toute réouverture du débat.

Elle corrige encore l’imputation erronée, en recourant à une formule strictement opérationnelle. Elle précise qu’« il convient de procéder à la rectification de l’arrêt en ce sens », puis ajuste le total dû par la professionnelle concernée à 691,12 euros. La cohérence est rétablie entre les motifs antérieurs et le dispositif rectifié, tandis que « les autres dispositions de l’arrêt demeurent inchangées », ce qui circonscrit précisément l’ampleur de l’intervention.

II. Appréciation de la solution et effets dans le contentieux des indus

A. Une solution respectueuse de la chose jugée et de la sécurité juridique

La cour respecte l’économie de l’article 462 en s’interdisant toute réévaluation du fond. La correction ne modifie ni la qualification, ni l’assiette des indus, mais aligne l’expression normative sur le raisonnement. Le rappel selon lequel le rectificatif « sera mentionné sur la minute et sur les expéditions de l’arrêt rectifié » renforce la traçabilité de l’altération, gage de sécurité pour les parties et les tiers.

L’autorité de la chose jugée n’est pas fragilisée, car la cour ne substitue pas une solution nouvelle à l’arrêt initial. Elle répare une dissonance de plume, conformément à la jurisprudence constante. La réduction du montant total, désormais de 691,12 euros, reflète la stricte restitution des motifs initialement adoptés, à droit constant.

B. Des incidences pratiques claires pour le recouvrement et la lisibilité des titres

La décision éclaire utilement la pratique des organismes de sécurité sociale et des professionnels de santé. L’outil de l’article 462 garantit que les titres exécutoires correspondent aux chefs effectivement jugés, sans qu’un nouveau contentieux au fond soit requis. L’énoncé « il a été omis de reporter la somme de 104,20 euros » montre comment identifier, puis réparer, une omission ponctuelle et objective.

La mention expresse des formalités de publicité interne du rectificatif sécurise l’exécution. Elle évite les incertitudes nées des divergences entre motifs et dispositif pendant les poursuites. Enfin, la solution confirme que la charge des dépens peut rester neutre, la cour décidant que « les dépens [sont] à la charge du Trésor public », ce qui préserve l’équilibre du procès lorsqu’aucune résistance n’est opposée à la rectification.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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