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La Cour d’appel de Rennes, 8e chambre prud’homale, 3 septembre 2025, statue sur la rupture d’un contrat à durée indéterminée prononcée pour faute grave. Le salarié, attaché commercial depuis 2014, a été convoqué, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié le 8 août 2019 au motif d’une prétendue « mauvaise volonté délibérée » dans l’exécution d’un plan d’actions. Saisi, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a alloué diverses sommes, notamment une indemnité de rupture et des dommages-intérêts. L’employeur a interjeté appel. Il sollicitait la reconnaissance de la faute grave, subsidiairement d’une cause réelle et sérieuse, tandis que le salarié demandait la confirmation et l’organisme chargé de l’indemnisation du chômage l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail. La juridiction d’appel confirme l’absence de faute grave et de cause réelle et sérieuse, réévalue toutefois l’indemnité réparatrice dans le cadre du barème de l’article L. 1235-3, et ordonne le remboursement partiel des allocations de chômage.
La question posée portait d’abord sur la qualification des manquements invoqués, au regard de la frontière stricte entre faute disciplinaire et insuffisance professionnelle. Elle concernait ensuite la réparation de la perte injustifiée d’emploi, à l’aune du barème légal.
I. Qualification des griefs et régime de la faute disciplinaire
A. Exigence d’objectivisation des motifs et charge de la preuve
La cour rappelle, en termes généraux, que « La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. » Elle ajoute que « La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. » Le principe probatoire est fermement souligné, puisque « Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Ces énonciations guident l’ensemble de l’examen des pièces, lesquelles doivent corroborer des griefs circonstanciés, datés, et imputables.
Au fond, l’employeur invoquait des actions non réalisées dans un plan ciblant des clients déterminés et un suivi CRM déficient. La cour fait observer que les éléments produits illustrent surtout une insuffisance de résultats, et non des manquements disciplinaires établis, et que l’absence d’objectifs contractuels pertinents affaiblit la démonstration. L’argument d’une inertie fautive se heurte à l’exigence d’éléments concrets et constants. L’analyse s’arrime donc à la lettre de rupture, car « Le caractère disciplinaire ou non du licenciement est nécessairement déterminé à partir des motifs de rupture mentionnés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. » Faute d’indices probants d’un refus d’exécuter des consignes, le doute profite au salarié.
B. Frontière entre faute grave et insuffisance professionnelle
Le rappel des définitions est décisif. La cour énonce que « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » Une telle qualification suppose un comportement délibéré de manquement, distinct d’une simple inaptitude ou inadéquation.
Dans la même logique, « Le licenciement pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire et l’insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif sauf si elle procède d’une mauvaise volonté délibérée ou d’une abstention fautive. » La cour en tire une règle de stricte alternative : « Ces deux motifs de licenciement sont donc exclusifs l’un de l’autre. » Enfin, elle rappelle l’illégalité d’un « licenciement disciplinaire fondé sur l’insuffisance professionnelle » qui « est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. » En l’espèce, les manquements allégués relèvent au plus d’une insuffisance de résultats. L’élément volontaire, traduisant l’insubordination, n’est pas démontré. La faute grave est écartée, et la cause réelle et sérieuse l’est également.
II. Réparation barémée et conséquences accessoires
A. Application de l’article L. 1235-3 du code du travail
La juridiction d’appel retient le cadre légal d’indemnisation et corrige l’erreur des premiers juges. Elle affirme : « C’est à tort que les premiers juges ont décidé que le barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail, étant contraire à l’article 10 de la convention de l’Organisation Internationale du travail ainsi qu’à l’article 24 de la charte sociale européenne, et qu’il devait par conséquent être écarté. » Le contrôle de conventionalité n’emporte pas, ici, l’éviction du barème. La cour fixe le quantum à 12 000 euros, après avoir retenu l’ancienneté supérieure à cinq ans, l’âge lors de la rupture, la durée de chômage, et le salaire de référence.
La motivation respecte l’économie du barème, en combinant plancher et plafond applicables, et en mobilisant des critères concrets propres à la réparation du préjudice. L’appréciation apparaît alignée sur la finalité de prévisibilité et de proportionnalité. Le juge d’appel module dans la fourchette, sans s’affranchir de l’encadrement légal, ce qui confère cohérence au raisonnement indemnitaire.
B. Suites financières de l’absence de cause réelle et sérieuse
Le rejet de la faute grave entraîne le paiement du salaire durant la mise à pied conservatoire, ainsi que les congés payés afférents. L’indemnité légale de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis sont également dues, leurs montants n’étant pas contestés de manière utile. Les intérêts légaux courent selon la nature salariale ou indemnitaire des créances, conformément au rappel effectué dans le dispositif.
La cour ordonne, en outre, le remboursement partiel des allocations de chômage, dans la limite de six mois, sur le fondement de l’article L. 1235-4 du code du travail. Les dépens d’appel sont supportés par l’employeur, et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile est allouée au salarié et à l’organisme intervenant. L’ensemble consacre la portée pratique de la solution retenue sur la qualification, laquelle commande mécaniquement ces conséquences accessoires.