Cour d’appel de Rennes, le 31 juillet 2025, n°23/07055

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Rendue par la Cour d’appel de Rennes le 31 juillet 2025, cette décision tranche un litige né d’un dépôt de permis incomplet destiné à préserver l’éligibilité au dispositif Pinel. La demande complémentaire de pièces n’ayant pas été satisfaite, le permis a été rejeté, provoquant la contestation des chefs indemnitaires initialement admis en première instance. La cour qualifie le manquement du constructeur, mais restreint la réparation à une perte de chance locative, écartant tout préjudice fiscal certain.

Les faits tiennent à une tentative de dépôt en fin d’année 2017 pour obtenir un récépissé avant l’échéance légale et à l’inertie persistante dans la production des pièces exigées par l’autorité instructrice. L’engagement contractuel du constructeur à mener les formalités s’est doublé d’alertes explicites sur l’urgence imposée par les délais réglementaires. Le refus de permis est intervenu après trois mois, en application des textes, faute de transmission intégrale des pièces requises.

Sur le plan procédural, le premier juge a indemnisé un préjudice financier global et un préjudice moral. En appel, la juridiction a invité les parties à débattre du moyen d’office relatif à la perte de chance, avant de réformer partiellement le jugement. Le débat a porté sur la faute imputée au constructeur, la certitude du préjudice fiscal allégué et la méthode d’évaluation du manque à gagner locatif.

La question posée tient à la détermination des effets juridiques de l’inexécution d’un mandat de dépôt de permis, lorsque cette carence fait perdre l’accès à un régime de défiscalisation conditionné par la date de dépôt. Il s’agissait de savoir si l’ensemble des gains fiscaux et locatifs invoqués présentait un caractère suffisamment certain, ou s’il convenait de retenir une perte de chance mesurée.

I. Défaillance du constructeur et condition d’éligibilité Pinel

A. Le mandat et l’obligation de diligence

La cour rappelle un élément structurel du dossier, source d’une obligation de moyens renforcée. Elle énonce que « Il existait, ainsi que l’ont retenu les premiers juges, d’ores et déjà un mandat donné au constructeur pour déposer le permis de construire, lequel a été confirmé à la signature du contrat de construction de maison individuelle ». Le cœur du manquement réside dans l’absence de régularisation du dossier dans le délai de trois mois prévu par les articles R. 423-38 et R. 423-39 du code de l’urbanisme.

L’issue de la procédure administrative confirme la portée de cette abstention. La décision de rejet a été motivée « en l’absence de réception de certaines pièces complémentaires réclamées conformément à l’article R423-39 b) du code de l’urbanisme. » Le manquement est donc rattaché à une carence documentée et non à un aléa d’instruction. Le fait générateur du dommage est ainsi établi dans sa matérialité et son imputabilité.

B. Le lien entre dépôt avant échéance et agrément en zone B2

La cour resitue le dispositif applicable en 2017 et sa condition temporelle. Elle souligne qu’« Il était cependant impératif pour le maître de l’ouvrage de déposer son permis de construire et d’obtenir le récépissé avant le 31 décembre 2017 », la commune étant située en zone B2 avec agrément préfectoral et l’avantage subordonné au respect de cette date butoir. L’exigence d’un dossier complet dans le mois suivant demeure, à défaut, suppléée par le mécanisme de demande de pièces puis de rejet.

La faculté de déposer par mandataire est clarifiée par le renvoi à la jurisprudence administrative, la cour rappelant que « l’autorité instructrice n’a pas à vérifier la qualité du demandeur ». Le maintien de l’éligibilité dépendait donc exclusivement de la diligence dans la complétude du dossier. Le lien de causalité entre carence et perte d’accès temporel au régime est suffisamment caractérisé pour fonder la responsabilité.

II. Caractérisation et évaluation du préjudice

A. L’exclusion du préjudice fiscal pour défaut de certitude

La cour refuse d’indemniser la réduction d’impôt escomptée faute de preuve d’imposabilité et de démonstration individualisée des conditions fiscales. Elle énonce un principe opératoire et général: « Le dispositif loi Pinel ne peut donner lieu à des crédits d’impôt. » L’absence de justificatifs déclaratifs, jointe à une note non étayée, interdit de tenir l’avantage fiscal pour certain.

Cette appréciation s’inscrit dans une orthodoxie classique du lien de causalité et de la certitude du dommage. L’évaluation ne peut se satisfaire d’une projection théorique, déliée des plafonds de loyers, des ressources des locataires et de la situation fiscale effective. Le préjudice fiscal allégué relève donc d’une éventualité insusceptible d’indemnisation intégrale.

B. L’indemnisation d’une perte de chance locative strictement mesurée

La cour retient un manque à gagner locatif, mais sous l’angle de l’aléa, dès lors que l’exploitation du bien dépend d’éléments de marché et de continuité d’occupation. Elle formule un rappel de méthode décisif: « La perte de chance qui doit être mesurée à la chance perdue, ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. » La période pertinente est fixée à dix-sept mois, avec un abattement de vingt pour cent.

L’indemnité arrêtée à treize mille cent euros reflète cette logique de réduction proportionnelle à la probabilité. Le refus du préjudice moral complète l’économie de la décision, en l’absence de troubles distincts objectivés. La solution concilie la sanction d’un manquement certain avec une réparation contenue, appropriée à l’incertitude inhérente à la location.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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