Cour d’appel de Rennes, le 9 septembre 2025, n°24/04353

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Rendue par la Cour d’appel de Rennes le 9 septembre 2025, la décision oppose un créancier et un débiteur autour d’une saisie-attribution engagée le 16 novembre 2023 à la faveur d’un arrêt de la Cour d’appel de Caen du 15 novembre 2022. Le litige trouve sa source dans un achat à crédit conclu en 2017 et une condamnation prononcée par le tribunal de proximité de Lunéville le 6 avril 2020, dont une première signification a été ultérieurement annulée, avant une nouvelle signification du 20 février 2024. Saisi par voie de contestation, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nantes a, le 8 juillet 2024, ordonné la mainlevée et retenu l’extinction par compensation légale, tout en évaluant un solde au profit du créancier initialement condamné. L’appelant demande l’infirmation, la validation de la saisie et l’exclusion de la compensation légale, tandis que l’intimé sollicite la confirmation et des dommages-intérêts.

La question posée tient à la possibilité d’opposer, devant le juge de l’exécution, une compensation légale pour neutraliser une saisie fondée sur un titre exécutoire, alors que la créance invoquée en compensation résulte d’un jugement dont la signification régulière n’est intervenue que postérieurement à la saisie. La cour admet la compétence du juge de l’exécution, retient la validité de la saisie au jour où elle est pratiquée, exclut la compensation à cette date faute d’exigibilité procédurale, puis constate la réunion des conditions de la compensation à compter de la signification intervenue le 20 février 2024. Elle confirme la mainlevée, mais réforme le compte entre les parties en intégrant les dépens et frais omis, et fixe un solde en faveur de l’appelant.

I. Les conditions et l’office juridictionnel de la compensation légale

A. Le cadre normatif et la compétence du juge de l’exécution
La décision rappelle d’abord l’habilitation du juge spécialisé. Elle souligne que « le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée ». Ce rappel encadre l’exception de compensation, opposée à un acte d’exécution, sans dessaisir la juridiction d’exécution de son contrôle propre.

Le critère d’extinction est posé dans les termes mêmes de la motivation, qui précise que « la compensation opère extinction simultanée des obligations et ce rétroactivement à la date où ses conditions sont réunies ». La cour réaffirme, dans le même mouvement, que « la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles ». Cette affirmation centre le débat sur l’exigibilité et la temporalité, plutôt que sur la simple coexistence de titres.

L’office du juge de l’exécution est affirmé avec netteté. La cour énonce qu’« il appartient au juge de l’exécution de vérifier, puisque la mesure d’exécution est contestée, si celle-ci était justifiée pour son montant au moment où elle a été réalisée ». La validité de l’acte s’apprécie donc in concreto, au jour de la saisie, ce qui commande une appréciation séquencée des conditions de la compensation.

B. La temporalité de l’exigibilité entre pourvoi et signification
La décision distingue utilement deux temps. D’une part, elle rappelle que « le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée », de sorte que l’existence d’un recours extraordinaire ne fait pas obstacle, par principe, à la qualité de titre exécutoire de la condamnation antérieure. D’autre part, elle réinsère l’exigibilité procédurale dans le régime de l’exécution par la référence à l’article 503 du code de procédure civile: « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés ».

Ce double rappel conduit à une solution de transition. La cour constate que la saisie était régulière à sa date, et précise que « la saisie-attribution a été valablement pratiquée […] et qu’à cette date, la compensation n’avait pas lieu d’être retenue ». La compensation ne joue qu’« à compter du 20 février 2024 », date de la signification régulière du jugement de 2020, laquelle rend la dette juridiquement exigible, au sens utile pour opérer l’extinction.

II. La valeur normative de la solution et ses effets pratiques

A. Une articulation convaincante entre exigibilité et exécution
La solution présente une cohérence certaine avec les textes applicables. L’affirmation selon laquelle « la décision, même frappée de pourvoi, constitue un titre exécutoire » garantit la stabilité de l’exécution malgré les voies extraordinaires, et évite les stratégies dilatoires. En parallèle, l’exigence de notification, sous l’angle de l’article 503, délimite la possibilité d’« exécuter contre » et, par ricochet, l’opposabilité d’une compensation privative pour le saisissant.

Cette conciliation prévient une anticipation indue de la compensation et respecte la règle, reprise par la cour, selon laquelle « une mesure d’exécution forcée ne peut prospérer que dans la limite des sommes qui sont dues à un créancier ». La validité de l’acte s’apprécie au jour où il est accompli; l’extinction par compensation ne rétroagit qu’à la date où les conditions d’exigibilité réciproque se trouvent effectivement réunies. L’économie générale de l’exécution forcée y gagne en lisibilité.

Sur le terrain critique, l’option retenue conforte une conception procédurale de l’exigibilité, dont la manifestation est la signification. Certains pourraient soutenir que l’exécutoire de droit suffit à l’exigibilité matérielle. La cour préfère, ici, un critère probatoire et opposable, qui limite le risque de controverses au stade des voies d’exécution et sécurise les tiers saisis.

B. La liquidation des accessoires et la correction du compte entre créanciers réciproques
La décision illustre ensuite les conséquences concrètes de cette temporalité. D’abord, la saisie valablement pratiquée conserve ses effets jusqu’à la date où la compensation devient opérante. Ensuite, l’effet extinctif joue pour l’avenir, sous réserve d’un compte exact des accessoires. La cour rectifie les évaluations, en intégrant les dépens de première instance et d’appel, ainsi que les frais de la saisie valablement engagée.

Cette méthode s’inscrit dans la ligne du contrôle rappelé plus haut. Le juge d’appel vérifie le quantum dû « au moment où [la saisie] a été réalisée », puis tient compte de la compensation postérieure, afin d’aboutir à un solde fiable, les accessoires étant traités selon leur cause et leur date. L’approche évite l’arbitraire, prévient la double imputation, et éclaire les praticiens sur l’impératif d’une signification régulière et diligente pour activer la compensation légale.

En définitive, la solution admet l’exception de compensation dès que ses conditions procédurales et substantielles sont réunies, sans défaire rétroactivement la validité d’une saisie régulièrement accomplie. Le raisonnement, solidement adossé aux textes cités, concilie sécurité de l’exécution et exactitude du compte, dans le respect des exigences de fongibilité, de certitude, de liquidité et d’exigibilité.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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