Cour d’appel de Rennes, le 9 septembre 2025, n°24/04388

Par un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 9 septembre 2025, la cour confirme une ordonnance de référé relative à une verrière. Un maître d’ouvrage avait commandé une étude technique facturée 9 600 euros et signé un devis de 300 000 euros prévoyant un acompte de 30 pour cent. Après une mise en demeure, l’entrepreneur a saisi le juge des référés, qui a alloué deux provisions et rejeté diverses demandes d’injonctions et de garanties.

En appel, le maître d’ouvrage conteste le solde de l’étude et l’acompte, invoquant l’absence d’accord valable et des carences techniques, tandis que l’entreprise sollicite des mesures complémentaires. La question posée est celle des conditions d’octroi d’une provision lorsque l’existence de l’obligation serait contestée et du contrôle procédural en cause d’appel.

I. La qualification d’obligations non sérieusement contestables en référé

A. Le solde de l’étude technique et l’accord implicite
La cour retient que le règlement partiel de l’étude, l’émission d’une facture de solde et l’absence de contestation immédiate caractérisent un accord suffisant sur la prestation préalable. Elle rappelle utilement que « Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer qu’il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande ». L’expertise amiable, non contradictoire, ne suffit pas à créer une contestation sérieuse, surtout lorsque l’inexécution invoquée ne résulte pas d’une impossibilité avérée mais d’incertitudes techniques. Sur le quantum, la cour souligne que « Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée ».

B. L’exigibilité de l’acompte contractuel de 30 %
La solution relative à l’acompte repose sur la force obligatoire du contrat et la clarté d’une clause prévoyant le versement à la commande. La cour énonce d’abord que « Conformément à l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Elle relève ensuite la stipulation contractuelle selon laquelle « en l’absence de stipulations particulières, il sera versé un acompte de 30 % du montant TTC des travaux à la commande (…) ». L’argument d’une impossibilité d’exécution demeure inopérant en référé, dès lors que les éléments produits n’établissent qu’un risque de non‑conformité et non une inexécution certaine. L’exception d’inexécution ne fait donc pas obstacle à l’octroi d’une provision, l’acompte étant exigible avant tout commencement d’exécution. Elle corrige incidemment un motif de première instance, rappelant qu’une somme non réglée ne peut être réputée acquise par avance.

II. Le contrôle procédural et les limites du référé

A. La discipline des écritures sous l’article 954 CPC
La cour rappelle avec précision la fonction normative de l’article 954 du code de procédure civile et borne son office à ce qui est valablement soutenu. Elle cite que « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ». Elle ajoute que « Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ». « A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées ». De telles précisions justifient la confirmation des rejets visant les injonctions et la garantie de paiement, les moyens faisant défaut dans les dernières conclusions.

B. La portée pratique: provision, sécurité contractuelle et office du juge
L’arrêt illustre un office du juge des référés centré sur l’évidence des obligations, sans trancher le fond, mais en sécurisant la trésorerie contractuelle. La chambre souligne que « L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». En conséquence, les contrats munis de clauses d’acompte claires reçoivent exécution provisoire, sauf preuve stricte d’une impossibilité ou d’un manquement caractérisé, ce qui fait défaut ici. Le message aux praticiens est net: la contestation sérieuse suppose des éléments contradictoires et précis, tandis que les demandes mal motivées encourent un rejet immédiat.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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