Cour d’appel de Riom, le 30 juillet 2025, n°24/01422

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La cour d’appel de Riom, 30 juillet 2025, statue sur un litige né d’une livraison d’aliments pour porcs prétendument non conformes, source de troubles sanitaires. L’appelante, négociante en aliments, réclamait le paiement de factures d’octobre et novembre 2018, assorties d’intérêts conventionnels. L’intimé, éleveur, opposait une exception d’inexécution en invoquant une contamination par des mycotoxines et sollicitait la réparation de ses préjudices.

Deux expertises amiables contraires puis une expertise judiciaire ont rythmé l’instruction. Le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, le 23 juillet 2024, a rejeté la demande en paiement, indemnisé le préjudice économique, écarté le préjudice moral et, par jugement complémentaire, rejeté l’appel en garantie faute de production du contrat. L’appelante a interjeté appel, subsidiairement pour une contre‑expertise. L’intimé a conclu à la confirmation, avec reconnaissance de son préjudice moral. L’assureur, appelé en garantie, n’a pas constitué avocat.

La question tranchée tient à la preuve de la non‑conformité et du lien causal, permettant d’opposer l’exception d’inexécution au paiement des factures, et aux suites indemnitaires et assurantielles. La juridiction retient un faisceau d’indices graves, précises et concordants, confirme l’exception d’inexécution, évalue les dommages, accorde un préjudice moral, refuse une contre‑expertise tardive et condamne l’assureur à garantir.

I. La reconnaissance de la non‑conformité causale et l’admission de l’exception d’inexécution

A. Un faisceau probatoire suffisant au soutien du lien causal

La motivation s’appuie sur des résultats d’analyses convergentes, un tableau clinique compatible et l’absence d’alternative crédible. Le rapport judiciaire retient que « les troubles constatés correspondent à ceux observés lors d’une intoxication aux mycotoxines DON ». La cour souligne que les analyses diligentées par chaque partie ont révélé un dépassement de la recommandation européenne, même après correction d’incertitude. Elle relève encore que « ces éléments produits ne permettent donc pas d’écarter l’hypothèse d’une contamination des aliments […] ». La critique de l’échantillonnage, non contradictoire, est neutralisée par la concordance des prélèvements adverses et par le respect du principe de sondage.

La juridiction écarte les causes exogènes alléguées. L’hygiène des silos n’est pas démontrée déficiente au regard des pratiques constantes et des contrôles vétérinaires. Une origine hydrique ou environnementale n’expliquerait pas l’atteinte sélective des animaux à l’engraissement. La cour en tire la formule décisive: « Dès lors, ces différents éléments constituent des présomptions graves, précises et concordantes […] ». La référence textuelle est classique, mais efficace ici, tant le faisceau réunit analyses, symptômes, chronologie des troubles et disparition des désordres après changement d’aliment.

B. La mise en œuvre de l’article 1219 pour écarter la demande en paiement

Établie la non‑conformité, l’exception d’inexécution s’impose pour des factures concomitantes aux troubles. La cour rappelle la règle selon laquelle « une partie peut refuser son exécution, alors même que celle‑ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne ». Appliquant cette exigence de gravité, elle constate l’ampleur des effets sur l’élevage et conclut que l’acheteur « pouvait donc régulièrement se prévaloir de l’exception d’inexécution » pour les échéances d’octobre et novembre 2018. La demande en paiement, jointe aux agios conventionnels, est dès lors évincée.

La démarche privilégie la cohérence fonctionnelle du contrat de vente d’aliments. La charge probatoire est calibrée sur la plausibilité scientifique et la constance clinique plutôt que sur une certitude analytique impossible à atteindre a posteriori. La cour refuse ainsi de faire dépendre le droit d’exception d’un standard probatoire inatteignable en contexte agroalimentaire.

II. Les suites indemnitaires et assurantielles de la solution retenue

A. La réparation économique et la reconnaissance d’un préjudice moral

La cour retient l’évaluation amiable concordante, ventilée entre mortalité accrue, surconsommations liées au retard de croissance, pertes de marge et frais vétérinaires. Elle entérine des calculs précis et documentés, jugés non sérieusement contredits. La solution s’inscrit dans le cadre de l’article 1231‑1 du code civil, l’inexécution contractuelle ouvrant droit à réparation intégrale des conséquences certaines.

La reconnaissance d’un préjudice moral est moins fréquente en matière agricole, mais demeure concevable lorsque l’atteinte aux animaux génère une souffrance particulière chez l’éleveur. La cour retient que, « compte tenu de sa profession d’éleveur et de l’importance des troubles constatés sur ses animaux », l’intéressé « est bien fondé à solliciter l’allocation d’une somme en réparation de son préjudice moral ». Le quantum demeure mesuré, ce qui traduit une appréciation prudente, proportionnée à la nature extrapatrimoniale du dommage allégué.

B. La garantie d’assurance et le rejet de la contre‑expertise

Sur la garantie, l’instance de première instance avait relevé la carence probatoire, faute de production des conditions contractuelles. Devant la juridiction d’appel, une attestation postérieure couvrant l’activité déclarée est produite. La cour en déduit que l’assureur « sera condamné à garantir […] de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre ». La solution est pragmatique, centrée sur l’adéquation du risque déclaré à l’activité dommageable. Elle invite toutefois, en pratique, à une vigilance accrue sur la date de prise d’effet et le régime d’occurrence ou de réclamation prévu par la police.

La contre‑expertise est refusée, au terme d’un contrôle d’opportunité rigoureux. La cour note qu’« il convient de relever que sept ans se sont écoulés depuis les faits », rendant illusoires toute visite de site et tout nouvel examen d’échantillons. Elle juge le rapport existant « très complet » et précise qu’il a répondu aux dires de chacune des parties. « En conséquence, la demande de contre‑expertise […] sera rejetée. » La motivation évite un perfectionnisme probatoire sans objet, préservant l’économie procédurale et la sécurité des preuves constituées.

Ainsi, l’arrêt articule avec cohérence la preuve technique de la non‑conformité, l’effectivité de l’exception d’inexécution et l’ajustement des conséquences réparatrices, y compris assurantielles. L’économie d’ensemble favorise la stabilité contractuelle et la sécurité des échanges dans une filière sensible aux aléas sanitaires, sans exiger l’impossible d’un point de vue probatoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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