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Par un arrêt du 9 juillet 2025, la cour d’appel de Riom a statué sur la question de la preuve de la remise du bordereau de rétractation dans le cadre d’un crédit à la consommation.
Un établissement de crédit avait consenti, le 17 août 2020, un prêt personnel de regroupement de crédits d’un montant de 31 000 euros à deux emprunteurs. Des échéances étant demeurées impayées, le prêteur a prononcé la déchéance du terme le 20 novembre 2023 et a assigné les emprunteurs en paiement des sommes dues. Le juge des contentieux de la protection du tribunal de Thiers, par jugement du 27 juin 2024, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur et condamné solidairement les emprunteurs à payer la somme de 17 931 euros. Le prêteur a interjeté appel.
L’appelante soutenait que la preuve de la remise du bordereau de rétractation était établie par l’exemplaire du contrat non signé portant la mention « à conserver » et comportant un formulaire détachable. Les intimés n’ont pas comparu.
La question posée à la cour était de déterminer si un document émanant du seul prêteur peut corroborer l’indice résultant de la clause de reconnaissance de remise du bordereau de rétractation signée par l’emprunteur.
La cour d’appel de Riom a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. Elle a retenu que « si cette pièce comporte un formulaire détachable, elle émane également de la SA Cofidis » et qu’« en conséquence et par application des principes susvisés, elle ne peut utilement corroborer l’indice ».
La confirmation de l’exigence probatoire pesant sur le prêteur (I) entraîne des conséquences significatives en termes de déchéance du droit aux intérêts (II).
I. La confirmation de l’exigence probatoire pesant sur le prêteur
La cour d’appel de Riom rappelle le cadre légal et jurisprudentiel applicable (A) avant d’en faire une application rigoureuse à l’espèce (B).
A. Le rappel du cadre légal et jurisprudentiel
La cour fonde sa décision sur les articles L. 312-21 et L. 341-4 du code de la consommation. Le premier impose qu’un « formulaire détachable est joint à l’exemplaire du contrat de crédit de l’emprunteur » afin de permettre l’exercice du droit de rétractation. Le second prévoit que le prêteur « est déchu du droit aux intérêts » s’il ne satisfait pas à cette obligation.
La cour rappelle ensuite la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle cite l’arrêt de la première chambre civile du 21 octobre 2020, selon lequel « la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires ». La cour vise également deux arrêts plus récents, des 7 juin 2023 et 28 mai 2025, affirmant qu’« un document émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt ».
Cette construction jurisprudentielle traduit la volonté de la Cour de cassation de garantir l’effectivité du droit de rétractation. La clause type signée par l’emprunteur ne saurait constituer une preuve suffisante, car elle figure dans un document prérédigé par le prêteur. L’emprunteur signe cette clause sans nécessairement prêter attention à son contenu ni vérifier qu’il détient effectivement le bordereau.
B. L’application rigoureuse à l’espèce
En l’espèce, l’exemplaire de l’offre préalable signée par les emprunteurs comportait une clause par laquelle ceux-ci reconnaissaient « rester en possession d’un exemplaire du contrat de prêt doté d’un formulaire détachable de rétractation ». La cour qualifie cet élément d’« indice », conformément à la jurisprudence.
Pour corroborer cet indice, le prêteur versait aux débats « un contrat de prêt non signé comportant la mention ‘à conserver’, constituant selon ses dires, l’exemplaire du contrat envoyé aux emprunteurs ». La cour constate que cette pièce comporte effectivement un formulaire détachable. Elle relève toutefois qu’elle « émane également » du prêteur.
La cour en déduit logiquement que cette pièce « ne peut utilement corroborer l’indice ». Le raisonnement est simple : si la clause type ne suffit pas parce qu’elle figure dans un document émanant du prêteur, un autre document provenant de la même source ne peut logiquement la corroborer. Une telle solution serait contraire à l’esprit de la jurisprudence, qui exige un élément extérieur au prêteur.
II. Les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts
La décision emporte des conséquences financières significatives (A) et s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle protectrice du consommateur (B).
A. Les conséquences financières de la sanction
La déchéance du droit aux intérêts constitue une sanction lourde pour le prêteur. En l’espèce, la différence est significative. Le prêteur réclamait la somme de 26 186,67 euros au titre du capital restant dû, 411,18 euros au titre des intérêts, 198,40 euros au titre de l’assurance et 2 094,93 euros au titre de l’indemnité conventionnelle. La cour maintient la condamnation des emprunteurs à la somme de 17 931 euros avec intérêts au taux légal non majoré.
Le tribunal de première instance avait relevé que « le taux de l’intérêt légal majoré de cinq points était supérieur à celui du contrat, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêtait pas de caractère effectif et dissuasif ». Il avait donc écarté l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier. La cour confirme cette solution, le prêteur n’ayant formulé aucun moyen au soutien de sa demande d’infirmation sur ce point.
Cette précision est importante. La déchéance du droit aux intérêts contractuels pourrait perdre son effet dissuasif si les intérêts légaux majorés devaient s’y substituer. La solution retenue préserve l’effectivité de la sanction, conformément aux exigences du droit de la consommation.
B. La portée protectrice de la décision
La cour d’appel de Riom s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante et stricte. L’arrêt du 28 mai 2025, cité par la cour, confirme la position récente de la Cour de cassation. Cette continuité jurisprudentielle renforce la sécurité juridique en matière de crédit à la consommation.
La solution impose au prêteur de se ménager une preuve externe de la remise effective du bordereau. Un accusé de réception signé par l’emprunteur, distinct du contrat, pourrait constituer un tel élément. En pratique, les établissements de crédit devront adapter leurs procédures.
La décision présente toutefois une limite. Les emprunteurs n’ont pas comparu et n’ont présenté aucun moyen de défense. La cour a soulevé d’office la question de la preuve de la remise du bordereau. Cette démarche s’inscrit dans l’obligation faite au juge de relever d’office les moyens tirés du droit de la consommation. Elle illustre le caractère d’ordre public de la protection du consommateur.
L’arrêt confirme que la charge de la preuve pèse exclusivement sur le prêteur professionnel. Cette répartition se justifie par le déséquilibre structurel entre les parties au contrat de crédit. Le consommateur ne dispose pas des moyens de prouver un fait négatif, à savoir l’absence de remise du bordereau.