Cour d’appel de Rouen, le 11 septembre 2025, n°23/04183

La Cour d’appel de Rouen, chambre civile et commerciale, 11 septembre 2025, tranche un différend né d’un contrat d’accès internet et de téléphonie liant deux sociétés. Le prestataire a changé de dénomination en 2021, avant l’envoi d’une résiliation par le client et l’émission de trois factures contestées. Après une injonction de payer, l’opposition du client a conduit le tribunal de commerce d’Evreux, le 7 septembre 2023, à allouer des pénalités. En appel, l’intimée sollicite la confirmation des pénalités de retard et des frais accessoires, quand l’appelante réclame des dommages pour dysfonctionnements allégués et une indemnité pour résistance. La cour devait apprécier l’exigibilité des accessoires de la dette, la recevabilité temporelle de la demande reconventionnelle et la preuve des manquements. Elle confirme les pénalités, accorde 11,50 euros de frais postaux, déclare partiellement prescrite la demande reconventionnelle, et rejette le surplus pour défaut de preuve.

D’abord, le raisonnement s’ouvre sur une clarification probatoire déterminante. La motivation relève que « La Cour constate qu’aucune des parties n’a estimé utile ou nécessaire de verser aux débats le contrat les liant dont l’existence n’est pas contestée ». En l’absence d’écrit contractuel, l’office se recentre sur les éléments objectifs du dossier, à savoir les factures, les courriers et les paiements réalisés tardivement. L’argumentation bascule alors sur le terrain des obligations pécuniaires, dont l’échéance résulte du code de commerce et de la non-contestation des intérêts réclamés.

A. Exigibilité des pénalités de retard

Le cœur de la solution retient l’excès du délai légal applicable aux transactions commerciales. La cour rappelle que « le délai de trente jours prévu par l’article L441-10 du code de commerce avait été dépassé », ce qui suffit à asseoir les pénalités de retard dues en accessoire d’une créance principale finalement honorée. L’appelante ne proposant aucun moyen utile contre l’assiette et le principe des intérêts, la solution prolonge mécaniquement le jugement. L’approche évite tout débat vain sur l’exécution générale du contrat, faute d’écrit probant et de griefs opérants.

B. Frais accessoires de mise en demeure

La reconnaissance des frais postaux illustre une application mesurée mais ferme du principe de réparation des frais utiles. La cour constate la production des avis de réception, rattache ces dépenses à la mise en demeure, et affirme que « Cette somme étant due, le jugement entrepris sera infirmé ». Cette adjonction minime valide la logique d’accessoires indispensables au recouvrement. Elle souligne que le premier juge avait omis de motiver suffisamment ce point pourtant documenté.

Ensuite, la décision affine l’office du juge d’appel en matière d’irrecevabilités et resserre l’exigence probatoire pesant sur la demande reconventionnelle. La compétence pour connaître d’une fin de non-recevoir incitant à toucher le fond ressort de la formation collégiale. La cour rappelle que « seule la cour dans sa formation collégiale pouvait connaître des irrecevabilités », puis vérifie la temporalité exacte de l’action indemnitaire, au regard de la date des conclusions introductives.

A. Prescription quinquennale et office de la cour

Le contentieux est borné par le délai de droit commun applicable aux obligations nées entre commerçants. La cour énonce que « la prescription extinctive de cinq ans prévue par les articles 2224 et L110-4 du code civil a nécessairement éteint la demande de dommages et intérêts portant sur des dysfonctionnements intervenus antérieurement au mois de novembre 2017 ». L’irrecevabilité partielle en résulte, chiffrée à 1 584 euros, sans excès ni requalification. Cette appréciation rappelle l’exigence de situer avec précision les faits générateurs et de caler le décompte sur l’assignation reconventionnelle.

B. Défaillance probatoire et rejet des dommages allégués

Au fond, la charge de la preuve gouverne tout débat indemnitaire. La cour rappelle le principe directeur en indiquant : « Vu l’article 1353 du code civil selon lequel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Aucune donnée technique ne permet d’imputer avec certitude des dysfonctionnements à une obligation déterminée de prestation ou de maintenance, le contrat n’étant pas versé. Surtout, la justification du quantum est déficiente, la cour constatant que « les contrats de travail des salariés concernés ne sont pas produits et que le nombre d’heures perdues n’est pas justifié ». L’allégation d’une résistance fautive ne prospère pas davantage, la cour rappelant que « L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ». L’exigence cumulée d’un fait générateur certain, d’un lien de causalité direct et d’un préjudice chiffré et prouvé reste ici insatisfaite.

La solution s’achève dans une économie de moyens conforme à la cohérence d’ensemble, les autres points ne modifiant pas l’équilibre du litige. À juste titre, « Pour le surplus, le jugement entrepris sera confirmé ». Cette issue consacre une ligne ferme sur les accessoires de créance nettement établis, tout en récusant, pour défaut de base probatoire et prescription partielle, une demande indemnitaire construite sur des tableaux internes non corroborés.

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