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Cour d’appel de Rouen, chambre sociale et des affaires de sécurité sociale, 11 septembre 2025. La décision porte sur l’articulation entre rupture conventionnelle collective et période de mobilité volontaire sécurisée, ainsi que sur la recevabilité d’une contestation de licenciement en appel. Un salarié recruté en 2003 a demandé le bénéfice d’une rupture conventionnelle collective prévue par un accord d’entreprise de décembre 2021. L’employeur l’a orienté vers une période de mobilité volontaire sécurisée, conclue par avenant pour dix-huit mois à compter du 30 janvier 2022, puis l’a licencié pour faute grave en novembre 2023.
Le conseil de prud’hommes de Rouen a rejeté les demandes du salarié le 17 janvier 2024, au motif d’un prétendu non‑respect du contradictoire. L’appelant a saisi la Cour pour voir dire le contradictoire respecté, obtenir la requalification de la mobilité en rupture conventionnelle collective et le paiement d’indemnités afférentes, outre des dommages‑intérêts. L’employeur a opposé l’irrecevabilité de la contestation du licenciement, au regard des règles de concentration des prétentions et de la prescription, et a soutenu l’impossibilité d’obtenir judiciairement une rupture conventionnelle collective.
La Cour écarte d’abord le raisonnement des premiers juges sur le contradictoire et procède à l’examen des prétentions. Elle déclare ensuite irrecevables les demandes relatives au licenciement, en raison de l’article 910‑4 du code de procédure civile et de la prescription de douze mois prévue par l’article L. 1471‑1 du code du travail. Elle rejette enfin la requalification de la mobilité en rupture conventionnelle collective, en affirmant l’incompétence du juge pour prononcer une telle rupture et la nécessaire réparation, le cas échéant, par dommages et intérêts. Le jugement est confirmé par substitution de motifs.
I. L’office du juge en appel et la rigueur des exigences procédurales
A. Le contradictoire n’autorise pas, à lui seul, le rejet des prétentions
La Cour rappelle le cadre général, en citant d’abord l’article 15 du code de procédure civile sur l’échange utile des moyens et des preuves. Elle ajoute, au regard des spécificités prud’homales, la formulation de l’article R. 1453‑5 du code du travail concernant les écritures assistées par avocat. Elle tranche cependant explicitement la sanction encourue, en relevant que « Mais en tout état de cause, un éventuel irrespect du principe de la contradiction par l’une des parties n’est pas un motif de débouté de ses prétentions. Le jugement ne peut donc être confirmé sur un tel motif, et il convient d’examiner, le cas échéant la recevabilité, sinon le bien fondé, des prétentions formées devant la cour. »
Ce rappel recentre l’office du juge d’appel sur l’examen des conditions de recevabilité et du bien‑fondé, plutôt que sur une sanction générale de rejet. La solution est conforme à la logique du procès équitable, où l’atteinte alléguée au contradictoire ne dispense pas d’instruire les prétentions selon leur régime propre. La confirmation par substitution de motifs illustre cette méthode, qui corrige la motivation initiale tout en préservant l’issue procédurale.
B. La concentration des prétentions et la prescription en matière de licenciement
La Cour applique ensuite strictement la discipline des écritures d’appel, en reprenant le texte décisif: « S’agissant de la demande relative au licenciement, l’article 910-4 du code de procédure civile dans sa version en vigueur lors de la déclaration d’appel et jusqu’au 1er septembre 2024 (désormais article 915-2), impose aux parties de présenter l’ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 908 à 910, à peine d’irrecevabilité. » Elle ajoute la seconde censure temporelle, distincte et autonome: « En outre, il n’a saisi le juge de cette prétention que par conclusions du 5 mai 2025, au-delà du délai de douze mois suivant la notification de la rupture, prescrit à l’article L. 1471-1 du code du travail. »
Ce double fondement consacre une irrecevabilité cumulative, tenant à la fois à la concentration des demandes et à la prescription abrégée des litiges de rupture. La Cour réaffirme ainsi la finalité d’ordre public de célérité et de loyauté procédurale, en exigeant la présentation complète et en temps utile de toute contestation du licenciement dans le cadre de l’appel.
II. L’indisponibilité judiciaire de la RCC et le cantonnement aux réparations
A. L’impossibilité de requalifier une mobilité sécurisée en rupture conventionnelle collective
La Cour refuse de transformer une suspension en rupture par voie judiciaire. Elle énonce clairement que « S’agissant de la demande de requalification de la période de mobilité volontaire sécurisée en rupture conventionnelle collective : celle-ci ne peut aboutir dès lors qu’il n’appartient pas au juge de décider d’une rupture conventionnelle collective, et qu’en aucune manière une suspension du contrat ne peut être requalifiée en rupture de celui-ci. » Cette affirmation distingue nettement deux mécanismes autonomes, l’un collectif et administrativement encadré, l’autre conventionnel et suspensif.
Ce faisant, l’arrêt délimite strictement l’office du juge prud’homal face aux dispositifs de gestion prévisionnelle des emplois. La rupture conventionnelle collective suppose une procédure spécifique et validée, que le juge ne peut ni initier ni substituer par la requalification d’une situation de suspension. La demande de versement des indemnités propres au dispositif collectif ne pouvait donc prospérer, faute de base légale d’exécution.
B. La voie indemnitaire comme unique remède en cas de manquement à l’accord collectif
La Cour précise la seule voie ouverte en cas d’inexécution fautive alléguée de l’accord collectif. Elle décide que « Un éventuel manquement de l’employeur dans l’application de l’accord collectif litigieux ne saurait se résoudre qu’en dommages et intérêts. » Le cantonnement à la réparation par équivalent exclut tout bénéfice automatique des mesures de départ, étrangères à l’office juridictionnel.
Cette orientation implique une charge probatoire complète, portant sur le manquement, le préjudice et le lien de causalité, dont l’insuffisance emporte rejet. Elle rappelle, plus largement, que l’éligibilité éventuelle à un dispositif collectif ne se confond ni avec son bénéfice effectif, ni avec l’attribution judiciaire de ses indemnités. L’arrêt adopte ainsi une position de principe, mesurée et prévisible, qui sécurise la frontière entre normes négociées et pouvoir de juger.