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Cour d’appel de Rouen, 12 septembre 2025. Un salarié a déclaré une pathologie au titre du tableau 30B, confirmée antérieurement par imagerie. Estimant la condition de délai non remplie, la caisse a saisi le comité régional, puis a pris en charge la maladie le 14 mars 2022. L’employeur a cerné une irrégularité dans la première phase de la procédure contradictoire, et a obtenu l’inopposabilité devant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre le 29 janvier 2024. La caisse a relevé appel et a soutenu que le respect du dernier délai de dix jours conditionne seul l’opposabilité, l’information ayant été régulièrement donnée. Au cœur du litige se trouvent le point de départ et la structure des délais de l’article R. 461-10 du code de la sécurité sociale, ainsi que l’étendue de la sanction attachée à leur méconnaissance. La cour confirme l’opposabilité après avoir fixé le cadre normatif des délais et circonscrit la sanction au seul manquement à la phase finale.
I. Le régime des délais de l’article R. 461-10
A. Point de départ commun et découpage binaire
La décision rappelle le double impératif légal d’information et de mise à disposition du dossier. Elle énonce que « Il résulte de l’article R. 461-10, alinéas 1 à 4, du code de la sécurité sociale, qu’en cas de saisine d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse est tenue, d’une part, de mettre à disposition de la victime ou ses représentants et de l’employeur le dossier mentionné à l’article R. 441-14 durant un délai de 40 jours francs, d’autre part, d’informer les intéressés tant de la date à laquelle elle rendra au plus tard sa décision après cette saisine que des dates précises d’échéance des phases composant le délai de 40 jours. » Le texte organise ensuite la contradiction en deux temps. La cour précise que « Ce dernier délai se décompose en effet en deux phases successives. La première, d’une durée de 30 jours, permet à la victime ou ses représentants et à l’employeur de verser au dossier toutes pièces utiles et de formuler des observations, la caisse et le service du contrôle médical pouvant également compléter le dossier. La seconde, d’une durée de 10 jours, permet aux parties d’accéder au dossier complet, sur la base duquel le comité régional rend son avis, et de formuler des observations. »
Le point de départ est unifié et arrimé à la saisine du comité, ce qui confère une lisibilité commune aux parties. La motivation retient que « L’économie générale de la procédure d’instruction à l’égard de la victime ou ses représentants et de l’employeur impose la fixation de dates d’échéances communes aux parties. Dès lors, le délai de 40 jours, comme celui de 120 jours prévu pour la prise de décision par la caisse dans lequel il est inclus, commence à courir à compter de la date à laquelle le comité régional est saisi par celle-ci. » La solution est cohérente avec la logique d’instruction: une saisine unique déclenche l’ensemble des séquences et commande des échéances synchronisées. En l’espèce, la lettre d’information du 21 décembre a notifié des bornes temporelles claires et a fait courir les deux phases sur des repères accessibles.
B. Champ de la sanction d’inopposabilité
Le pivot du raisonnement réside dans la limitation de la sanction au dernier segment de dix jours, consacré au dossier complet. La cour énonce sans ambiguïté que « Cependant, seule l’inobservation du dernier délai de 10 jours avant la fin du délai de 40 jours, au cours duquel les parties peuvent accéder au dossier complet et formuler des observations, est sanctionnée par l’inopposabilité, à l’égard de l’employeur, de la décision de prise en charge. » Cette formulation circonscrit l’inopposabilité à l’atteinte la plus grave aux droits de la défense, celle qui priverait l’employeur d’un accès final au dossier stabilisé et de la faculté d’observer utilement.
La conséquence est nette pour le grief invoqué ici. Même si la première phase a été marginalement raccourcie, l’exigence essentielle demeure la garantie d’un accès intégral pendant les dix jours finaux. La cour le souligne: « La caisse a en conséquence rempli ses obligations d’information, peu important une éventuelle réduction du délai de 30 jours. » Le jugement entrepris est donc infirmé, la décision demeurant opposable dès lors que l’information fut délivrée et que la phase décisive de contradiction a été respectée.
Le cadre étant fixé, reste à apprécier la pertinence de cette lecture et ses incidences sur la pratique contentieuse.
II. Appréciation de la solution et effets
A. Conformité textuelle et cohérence procédurale
La solution épouse le texte et la finalité du dispositif. Le découpage binaire vise à favoriser l’enrichissement du dossier, puis à garantir une contradiction effective sur un corpus stabilisé. Sanctionner prioritairement la phase où le dossier est complet protège la qualité de la délibération du comité et préserve l’équilibre du contradictoire. La charge de la preuve relative à l’information est justement placée sur l’organisme, ce que la décision rappelle en des termes précis: « Par ailleurs, il appartient à la caisse de démontrer que l’employeur, auquel la décision est susceptible de faire grief, a reçu l’information sur les dates d’échéance des différentes phases de la procédure. » Cette répartition incite l’organisme à tracer les notifications et sécuriser le calendrier.
L’articulation avec le délai de 120 jours renforce la lisibilité et évite les divergences d’interprétation. Un point de départ unique assure une cohérence temporelle entre l’instruction et la décision finale, ce qui sert la sécurité juridique. La restriction de l’inopposabilité au dernier délai prévient les contentieux opportunistes nés de réductions mineures du premier segment, sans affaiblir la protection des droits.
B. Conséquences pratiques pour les acteurs
Pour l’employeur, la stratégie contentieuse doit se concentrer sur la réalité d’un accès aux pièces définitivement versées et sur l’effectivité du délai final. La contestation du seul temps de trente jours a une portée limitée, sauf à démontrer une privation substantielle d’accès au dossier complet durant la phase décisive. L’accent se déplace vers la preuve d’une information lacunaire ou tardive sur les échéances communes et vers la matérialité des conditions de consultation.
Pour la caisse, la décision valorise la rigueur des notifications et la clarté des jalons. La preuve des dates communiquées et de la disponibilité du dossier final devient déterminante pour opposer la décision. La motivation retenue, qui écarte l’inopposabilité en cas de réduction marginale du premier délai, favorise une instruction continue et évite des remises à zéro coûteuses, tout en maintenant un noyau dur du contradictoire autour des dix jours finaux.
Cette approche stabilise le contentieux des maladies professionnelles et recentre la discussion sur l’essentiel: l’accès aux pièces définitives, la possibilité d’observer utilement, et la traçabilité des informations. Elle conforte une lecture pragmatique du texte, protectrice des droits de la défense sans céder à une conception formaliste de la première phase, qui demeure un temps d’enrichissement plus qu’un verrou d’opposabilité.