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La procédure de reconnaissance des maladies professionnelles hors tableau obéit à un formalisme précis, destiné à garantir le respect des droits des parties. La question du point de départ des délais d’instruction constitue un enjeu majeur pour les employeurs qui contestent les décisions de prise en charge.
Un salarié exerçant les fonctions de docker a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical faisant état d’une rupture du sus-épineux gauche. Après avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse a notifié à l’employeur sa décision de prendre en charge la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels. L’employeur a saisi la commission de recours amiable, puis le tribunal judiciaire, qui l’a débouté de ses demandes par jugement du 16 décembre 2022.
Devant la cour d’appel de Rouen, l’employeur soutenait avoir été privé du délai réglementaire de trente jours pour consulter et compléter le dossier, n’ayant bénéficié que de vingt-huit jours entre la réception du courrier d’information et l’expiration de la première phase. La caisse répliquait que le délai de quarante jours court à compter de la saisine du comité régional, et non de la réception du courrier par les parties. Elle ajoutait que seule l’inobservation de la seconde phase de dix jours peut être sanctionnée par l’inopposabilité.
La question posée à la cour était la suivante : la méconnaissance du délai de trente jours prévu pour enrichir le dossier est-elle de nature à entraîner l’inopposabilité de la décision de prise en charge à l’employeur ?
La cour d’appel de Rouen, par arrêt du 4 juillet 2025, confirme le jugement et rejette la demande d’inopposabilité. Elle retient que « seule l’inobservation du dernier délai de dix jours avant la fin du délai de quarante jours, au cours duquel les parties peuvent accéder au dossier complet et formuler des observations, est sanctionnée par l’inopposabilité ».
Cette décision précise l’articulation des phases de la procédure d’instruction des maladies professionnelles hors tableau (I) et circonscrit le champ de la sanction de l’inopposabilité (II).
I. La détermination du point de départ du délai d’instruction
La cour clarifie le calcul des délais applicables à la procédure contradictoire (A) en distinguant les fonctions respectives des deux phases successives (B).
A. Le calcul du délai de quarante jours à compter de la saisine du comité régional
L’article R. 461-10 du code de la sécurité sociale prévoit un délai de quarante jours francs durant lequel le dossier est mis à disposition des parties. La cour précise que ce délai, « comme celui de cent-vingt jours prévu pour la prise de décision par la caisse dans lequel il est inclus, commence à courir à compter de la date à laquelle le comité régional est saisi ».
Cette solution s’explique par « l’économie générale de la procédure d’instruction à l’égard de la victime ou ses représentants et de l’employeur » qui « impose la fixation de dates d’échéances communes aux parties ». La caisse ne peut tenir compte de la date de réception du courrier par chaque destinataire. La sécurité juridique commande que toutes les parties disposent simultanément des mêmes informations sur les échéances. Ce point de départ unique permet également au comité régional de disposer d’un délai prévisible pour rendre son avis.
L’arrêt impose néanmoins à la caisse de « démontrer que l’employeur, auquel la décision est susceptible de faire grief, a reçu l’information sur les dates d’échéance des différentes phases de la procédure ». Cette exigence probatoire garantit l’effectivité du contradictoire sans remettre en cause le calcul objectif du délai. La charge de la preuve pèse ainsi sur l’organisme social.
B. La distinction entre la phase d’enrichissement et la phase de consultation
La cour rappelle que le délai de quarante jours « se décompose en effet en deux phases successives ». La première, de trente jours, « permet à la victime ou ses représentants et à l’employeur de verser au dossier toute pièce utile, et de formuler des observations ». Durant cette période, « la caisse et le service du contrôle médical [peuvent] également compléter le dossier ».
La seconde phase, de dix jours, « permet aux parties d’accéder au dossier complet, sur la base duquel le comité régional rend son avis, et de formuler des observations ». Cette distinction fonctionnelle justifie un traitement différencié quant aux conséquences de leur méconnaissance.
La première phase vise à rassembler les éléments utiles à l’instruction. Elle constitue une faculté offerte aux parties de contribuer à l’enrichissement du dossier. La seconde phase garantit l’accès à un dossier figé et complet. Elle seule assure le caractère véritablement contradictoire de la procédure avant la prise de décision.
II. La limitation de la sanction de l’inopposabilité à la méconnaissance du délai final
La cour restreint le champ de l’inopposabilité à la seule phase de consultation (A), ce qui conduit au rejet de la demande de l’employeur (B).
A. L’inopposabilité réservée à l’inobservation des dix derniers jours
La cour énonce que « seule l’inobservation du dernier délai de dix jours avant la fin du délai de quarante jours, au cours duquel les parties peuvent accéder au dossier complet et formuler des observations, est sanctionnée par l’inopposabilité ».
Cette solution se fonde sur la finalité du principe du contradictoire. L’employeur doit pouvoir consulter l’ensemble des pièces et présenter ses observations avant la décision. Cette garantie est assurée par la seconde phase. La première phase, destinée à l’enrichissement du dossier, ne participe pas directement de cette exigence.
La distinction opérée par la cour évite une lecture excessivement formaliste de l’article R. 461-10. Elle préserve l’équilibre entre la protection des droits de l’employeur et l’efficacité de la procédure d’instruction. Un délai d’enrichissement légèrement écourté n’affecte pas la possibilité de faire valoir ses arguments sur le dossier complet.
Cette interprétation s’inscrit dans la jurisprudence qui sanctionne l’inopposabilité lorsque l’employeur n’a pas été « en mesure de faire valoir utilement ses observations préalablement à la prise de décision ». Le critère déterminant réside dans l’effectivité du contradictoire, non dans le respect formel de chaque sous-délai.
B. L’application au cas d’espèce et le rejet de la demande
En l’espèce, la caisse avait informé l’employeur de la possibilité de consulter et compléter le dossier jusqu’au 7 janvier 2021, puis de formuler des observations jusqu’au 18 janvier 2021. La cour relève que, « ayant permis la consultation du dossier et la formulation d’observations du 8 au 18 janvier 2021, la caisse a respecté les obligations mises à sa charge pour assurer le principe du contradictoire ».
La circonstance que l’employeur n’ait « pas préalablement et effectivement bénéficié d’un délai de 30 jours pour enrichir le dossier » est jugée indifférente. Seul importe le respect du délai de dix jours permettant l’accès au dossier complet.
Cette solution présente l’avantage de la prévisibilité. Les caisses disposent d’un critère clair pour apprécier la régularité de leur procédure. Les employeurs savent que leur contestation ne pourra prospérer que s’ils démontrent une atteinte au délai final de consultation.
La portée de cet arrêt dépasse le cas d’espèce. Il fixe une règle générale sur l’articulation des phases de la procédure d’instruction et sur la sanction applicable. Les juridictions du fond disposeront d’un guide pour trancher les contentieux relatifs aux délais de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles hors tableau.