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Rendue par la cour d’appel de Rouen le 4 juillet 2025, la décision tranche un litige de voisinage portant à la fois sur un ravalement de mur pignon et sur l’existence alléguée d’une servitude d’évacuation des eaux pluviales par destination du père de famille. L’appelante avait acquis, en 2008, un ensemble de maisons contiguës, tandis que l’intimée, devenue propriétaire en 2013 d’une parcelle attenante, y a édifié des constructions d’habitation et professionnelles. Des désordres d’humidité et de température sont invoqués pour exiger la réfection d’un ravalement supposé inachevé, ainsi que la remise en état d’un réseau d’évacuation pluviale prétendument ancien.
Le tribunal judiciaire du Havre, le 9 novembre 2023, a débouté l’appelante de ses demandes. En appel, l’appelante sollicite la condamnation de sa voisine au ravalement sous astreinte, la reconnaissance d’une servitude par destination du père de famille et la remise en état du système pluvial, avec dommages et intérêts. L’intimée demande la confirmation du jugement, forme une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et, subsidiairement, la prise en charge intégrale des frais si une servitude devait être retenue. La question posée tient d’abord à la preuve des droits réels invoqués, spécialement la mitoyenneté et la servitude, puis à la caractérisation d’un abus du droit d’agir. La cour confirme intégralement, rejette les prétentions principales et prononce une indemnisation pour abus de procédure au profit de l’intimée et de son dirigeant.
I. L’exigence probatoire stricte en matière de ravalement et de servitudes
A. L’insuffisance des preuves relatives au ravalement et à la mitoyenneté du mur pignon
La juridiction de renvoi souligne l’absence de fondement probant quant à une obligation de ravalement pesant sur le voisin. Les actes de vente ne mentionnent aucune mitoyenneté ; aucun plan de géomètre contradictoire ne précise l’assiette du mur pignon litigieux. Les constats versés ne suffisent pas à démontrer la causalité entre les désordres allégués et l’état du mur, faute d’analyse technique rigoureuse. La cour retient que « La production des procès-verbaux établis par huissier de justice du 17 janvier 2015 au 17 août 2020 n’apporte aucun élément utile à l’analyse des dommages allégués’; en effet, la seule existence d’humidité ou la variation de température dans un logement relevée une fois n’a aucune force probante en l’absence de données vérifiées par des professionnels du bâtiment compétents pour identifier la cause des difficultés. » Cette exigence de preuve causale, appliquée sereinement, conduit logiquement au rejet.
Le rapport technique communiqué ne comble pas ces lacunes. La cour estime qu’il ne permet pas d’identifier une obligation précise incombant au voisin, ni d’établir le lien entre les désordres imputés et le ravalement. L’énoncé est clair et ferme, puisqu’elle conclut : « En l’absence de tout élément pertinent, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. » En somme, la preuve d’une obligation propter rem reste défaillante, dans un cadre où l’assiette du droit sur le mur n’est pas même solidement caractérisée.
B. Le rejet de la servitude pluviale par destination du père de famille
La cour rappelle la trilogie textuelle gouvernant la destination du père de famille. D’abord, « Aux termes de l’article 692 du code civil, la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes. » Ensuite, « L’article 693 suivant précise qu’il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude. » Enfin, « L’article 694 ajoute que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l’un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d’exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné. »
Appliquant ces textes, la cour examine procès-verbaux, attestations et avis technique. Les éléments produits attestent au mieux l’existence de gouttières anciennes, sans prouver un signe apparent établi et maintenu par l’auteur de la division, ni une assiette précise compatible avec les règles d’assainissement. L’énoncé décisif est explicite : « L’analyse de ces pièces ne permet pas d’établir la preuve d’une servitude continue et apparente’: les pièces communiquées visent dans l’hypothèse la plus favorable l’existence d’une gouttière mais dont il n’est pas établi qu’elle ait été précisément implantée à l’endroit décrit par le précédent propriétaire, auteur de la division des parcelles, qu’elle ait été maintenue en outre par ses soins. » En l’absence d’assiette et de portée déterminées, la prétention est justement écartée, la cour confirmant le rejet des demandes de travaux et de réparation.
II. La portée de la décision et la sanction de l’abus de procédure
A. Une solution conforme au droit positif des servitudes et à la rigueur probatoire
La décision renforce des exigences bien ancrées. La destination du père de famille, titre exceptionnel, suppose un signe apparent imputable au propriétaire commun avant division et une continuité objectivable après l’aliénation. La cour refuse, à bon droit, les déductions spéculatives et réclame une démonstration circonstanciée, techniquement instruite, de l’assiette, de la fonctionnalité et de la conformité réglementaire des écoulements en milieu urbain. Le rappel des textes permet de recentrer l’analyse sur l’objet même du droit réel invoqué, sans s’égarer dans des griefs de voisinage déconnectés des conditions légales.
La solution sur le ravalement s’inscrit dans la même logique. Sans base juridique précise ni expertise établissant une cause imputable et une obligation corrélative, la demande ne peut prospérer. La phrase de principe garde sa valeur opératoire, en droit comme en méthode : « En l’absence de tout élément pertinent, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. » La cohérence globale de l’arrêt tient à cette discipline probatoire, qui évite d’ériger des servitudes ou des obligations réelles sur des indices équivoques.
B. La qualification d’abus du droit d’agir et ses conséquences pratiques
La cour rappelle avec justesse le standard applicable : « L’action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas de faute née de la malice ou de la mauvaise foi de son auteur. » L’appréciation factuelle retient une persistance contentieuse malgré des propositions amiables raisonnables, une première décision motivée défavorable et un dossier insuffisamment documenté. La mauvaise foi se déduit du décalage entre la gravité alléguée des atteintes et la faiblesse des preuves réunies, alors que des solutions simples étaient identifiées depuis plusieurs années.
La qualification de l’atteinte est nette : « Cette persistance déraisonnable a causé un dommage tant à la structure sociale qu’à son dirigeant. » La réparation est calibrée, avec allocation de dommages et intérêts distincts et application des règles d’intérêts et de capitalisation, en complément d’une indemnité substantielle au titre des frais irrépétibles. La portée pratique de la décision est claire : elle responsabilise les plaideurs dans la conduite des litiges de voisinage, encourage l’expertise utile en amont et dissuade l’escalade contentieuse lorsque la preuve des droits réels fait défaut.