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La chambre sociale de la Cour d’appel de Rouen, 4 septembre 2025, statue sur l’appel d’un jugement prud’homal du 21 juin 2024. L’affaire porte sur l’allégation de harcèlement moral, la nullité du licenciement pour inaptitude subséquente, et des demandes pécuniaires accessoires.
La salariée, engagée à temps partiel en 2007, a été déclarée inapte en mars 2022, puis licenciée en avril 2022 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. En première instance, le harcèlement moral et la nullité avaient été écartés, bien que des manquements contractuels aient été retenus. L’appel vise la reconnaissance du harcèlement, la nullité de la rupture et l’allocation de rappels salariaux et de congés payés.
La question de droit tient aux conditions d’administration de la preuve du harcèlement moral, à l’articulation entre harcèlement et inaptitude justifiant la nullité du licenciement, et aux conséquences pécuniaires afférentes. La Cour retient que « Les faits ainsi présentés, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral », constate que « le harcèlement moral est au moins en partie à l’origine de l’inaptitude », et « dit le licenciement nul ». Elle écarte un préjudice distinct au titre de l’obligation de sécurité, et statue sur les salaires dus « un mois après l’avis d’inaptitude et jusqu’au licenciement » ainsi que sur l’acquisition de congés payés « durant l’intégralité de son arrêt de travail pour maladie professionnelle ».
I. La qualification du harcèlement et ses effets
A. La présomption de harcèlement construite sur un faisceau d’indices
La Cour récapitule le cadre probatoire issu du code du travail, rappelant que le salarié présente des éléments laissant supposer l’existence d’agissements, puis que l’employeur justifie par des éléments objectifs. Elle retient des attestations concordantes sur des propos et attitudes dévalorisants, une surveillance intrusive et des comportements humiliants. Le raisonnement se concentre sur la cohérence des témoignages et leur convergence temporelle avec les griefs disciplinaires contestés.
La motivation reproduit la formule déterminante selon laquelle « Les faits ainsi présentés, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral », l’employeur n’apportant « aucun élément de nature à les justifier ». Le contrôle de proportionnalité entre les indices et la présomption s’opère sans excès de formalisme, conformément à l’économie du renversement de la charge de la preuve. La qualification est ensuite consolidée par l’atteinte avérée à la santé, appréciée au regard des pièces médicales.
B. La nullité de la rupture et l’unicité du préjudice de sécurité
La Cour constate un lien causal direct entre les agissements retenus et l’inaptitude, exprimant que « le harcèlement moral est au moins en partie à l’origine de l’inaptitude ». Cette imputation objective entraîne la nullité du licenciement, solution conforme à la logique de protection renforcée en cas de rupture viciée par une atteinte prohibée. L’indemnisation est fixée au plancher légal, à défaut d’éléments sur la situation postérieure.
La demande distincte de réparation du manquement à l’obligation de sécurité est écartée, la Cour relevant que « le préjudice qui en est résulté est cependant identique, sans aucun préjudice distinct ». La motivation privilégie une approche anti-cumul, réservant la pluralité des chefs indemnitaires aux hypothèses de dommages autonomes. L’économie de la réparation évite la redondance indemnisatoire tout en assurant l’effectivité de la sanction de la nullité.
II. La valeur et la portée de la décision
A. Un office conforme à l’économie du contentieux du harcèlement
La solution s’inscrit dans le cadre probatoire équilibré qui organise une présomption simple, déclenchée par des éléments précis et concordants. La Cour en fait une application concrète, sans exiger une preuve impossible de l’intention, ni fragmenter artificiellement des faits qui ne prennent sens que cumulés. L’office du juge se lit dans l’agrégation des indices et leur appréciation d’ensemble, répondant à la finalité protectrice sans dénaturer le contradictoire.
La nullité du licenciement découle ici du lien causal entre harcèlement et inaptitude, ce qui confère à la sanction une portée structurante. L’exclusion d’un double paiement au titre de la sécurité, faute de préjudice distinct, préserve la lisibilité indemnitaires des chefs de demande. L’ensemble compose une motivation à la fois fidèle au droit positif et pragmatique dans sa mise en œuvre.
B. Les incidences pratiques en matière salariale et de congés payés
La Cour rappelle clairement l’exigence de reprise du salaire après l’issue du délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude, en retenant que l’employeur « aurait dû reprendre le paiement du salaire […] un mois après l’avis d’inaptitude et jusqu’au licenciement ». L’application chiffrée valorise un salaire de référence réaliste, et neutralise les incertitudes en retenant une période déterminée et brève.
Surtout, la Cour affirme que la salariée « a pu acquérir des congés payés durant l’intégralité de son arrêt de travail pour maladie professionnelle ». La portée est notable, car elle consolide le droit au repos annuel malgré l’arrêt, et admet un calcul sur la base de 2,5 jours par mois sur toute la période. La solution assure une restitution monétaire intégrale des droits ainsi constitués.
Enfin, la décision ordonne le remboursement des allocations de chômage « dans la limite de trois mois », ce qui renforce l’effectivité de la nullité en faisant peser sur l’employeur fautif une conséquence financière externe mesurée. L’ensemble articule répression des agissements, réparation proportionnée et sécurité des droits à congés, au terme d’une motivation sobre et cohérente.