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La Cour d’appel de Saint-Denis, 10 juillet 2025, tranche un contentieux prud’homal relatif à des heures supplémentaires alléguées, au travail dissimulé et à un licenciement pour faute grave. Le salarié, embauché comme responsable réceptionnaire et commercial, a été licencié après mise à pied conservatoire, pour insubordination, abandon de poste et propos grossiers. Le conseil de prud’hommes de Saint-Denis a débouté l’ensemble des demandes indemnitaires et salariales, décision contre laquelle appel a été interjeté.
Les prétentions d’appel portaient, d’une part, sur un rappel d’heures supplémentaires avec travail dissimulé, d’autre part, sur l’absence de faute grave et, subsidiairement, sur l’absence de cause réelle et sérieuse, avec demandes afférentes au préavis, aux salaires sur mise à pied et à un préjudice distinct. L’intimée sollicitait la confirmation intégrale. La question centrale résidait dans la preuve des heures, la portée de la lettre de licenciement, et la qualification de faute grave au regard d’un refus d’exécuter l’intégralité des fonctions contractuelles. La cour confirme le jugement, retient la faute grave et rejette toutes les demandes du salarié.
I. L’encadrement probatoire et la portée de la lettre de licenciement
A. Heures supplémentaires et travail dissimulé: l’exigence d’éléments précis
La cour rappelle que « Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. » L’appelant a bien transmis un décompte hebdomadaire, circonstance de nature à déplacer le débat sur la réponse patronale. L’employeur a opposé le bulletin d’avril 2021 mentionnant dix heures supplémentaires réglées, pièce déterminante en l’absence d’éléments contraires. L’office du juge consiste alors à confronter les pièces contradictoires, et la concordance du bulletin avec le quantum allégué écarte le rappel sollicité.
L’accessoire suit le principal. Le travail dissimulé, fondé exclusivement sur ces mêmes heures, ne pouvait prospérer faute de dissimulation intentionnelle et au regard du paiement justifié. Il en va de même de la demande de bulletins rectifiés, conséquence logique du rejet du rappel de salaire. La solution est cohérente, car la preuve apporte ici non seulement un doute, mais une certitude documentaire incompatible avec l’allégation d’une dissimulation.
B. La lettre de licenciement: précision suffisante et absence d’exigence de datation
La cour énonce à juste titre que « En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. » Elle ajoute que « La motivation de cette lettre fixe les limites du litige. » L’encadrement du débat s’opère ainsi autour des griefs exprimés, dont la cour vérifie la précision concrète.
La juridiction précise encore: « À titre liminaire, il doit être précisé que si la lettre de licenciement doit énoncer des faits précis et matériellement vérifiables, ces derniers n’ont pas à être datés. » La formulation épouse la jurisprudence de principe. L’exigence légale porte sur l’énoncé contrôlable des griefs, non sur la datation exhaustive de chacune des occurrences, dès lors que la matérialité et l’imputabilité peuvent être débattues contradictoirement. Le contrôle de proportion et de loyauté de la motivation n’est pas affaibli; il se déplace sur la vérifiabilité factuelle, qui permet au salarié de répondre utilement.
II. La caractérisation de la faute grave et ses effets
A. Insubordination, fonctions contractuelles et perturbation du service
La définition retenue est classique: « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. » Le contrat, qui combinait accueil, fonctions commerciales et assistance au chef d’atelier, incluait l’organisation, la planification et le contrôle d’équipe. Le refus explicite d’exécuter ces attributions sans avenant ni revalorisation préalable procède du pouvoir de direction mal compris, car il ne s’agissait pas d’une modification du contrat, mais de l’exigence de son exécution intégrale.
La cour retient des éléments concordants: rappels internes sur l’étendue des fonctions, maintien du refus, propos grossiers et interruptions d’exécution sur le poste. Elle constate que « Il résulte de ce qui précède que les faits visés par la lettre de licenciement sont confirmés. » La qualification découle de la perturbation du service et du caractère volontaire des manquements. L’atteinte au lien de subordination, pivot de l’organisation collective, a rendu le maintien impossible; selon la cour, cela « ne permettait pas le maintien du contrat de travail et justifiait sa rupture immédiate pour faute grave. » La motivation est rigoureuse, car elle articule contrat, faits établis et critère d’impossibilité de maintien.
B. Conséquences sur les demandes accessoires et portée de la solution
La faute grave emporte privation du préavis et du salaire afférent; la mise à pied conservatoire n’ouvre aucun droit lorsqu’elle est suivie d’un licenciement de cette qualification. La cour rejette donc les prétentions relatives au préavis, aux congés payés y afférents et aux salaires pendant la mise à pied. Elle écarte aussi la demande tirée d’un prétendu « préjudice distinct ». Le rappel est net: « Les circonstances vexatoires entourant le licenciement peuvent causer au salarié un préjudice distinct même lorsque la rupture est justifiée, y compris par une faute grave. » Faute d’éléments établissant des modalités brutales ou humiliantes, l’action indemnitaire autonome est logiquement refusée.
La portée de la décision est double. Sur le terrain probatoire, la solution confirme l’équilibre posé en matière d’heures supplémentaires, où la présentation d’éléments précis par le salarié appelle une contradiction documentaire effective. Sur le terrain disciplinaire, elle rappelle que le refus d’exécuter des missions entrant dans le périmètre contractuel, combiné à des comportements irrespectueux perturbant l’activité, caractérise l’insubordination de degré suffisant pour justifier une rupture immédiate. L’économie générale de l’arrêt s’inscrit ainsi dans un droit positif stabilisé, sans rigidifier la lettre de licenciement et sans éluder l’exigence de vérifiabilité des griefs.