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L’obligation de restitution en bon état d’un véhicule loué constitue un enjeu récurrent du contentieux locatif. Elle soulève des difficultés probatoires que la Cour d’appel de Saint-Denis a eu l’occasion d’examiner dans un arrêt du 18 juillet 2025.
Une société de location avait consenti à deux particuliers la location d’un véhicule automobile pour un loyer mensuel de 3 345 euros. Des impayés s’étant accumulés, le bailleur a assigné les colocataires en résiliation du contrat, restitution du véhicule et paiement des sommes dues. Par jugement réputé contradictoire du 20 juin 2023, le tribunal de proximité de Saint-Paul a condamné l’un des locataires au paiement de 15 052,50 euros au titre des loyers impayés et déclaré irrecevable la demande relative aux frais de réparation. Ce locataire a interjeté appel, contestant le montant de sa dette et sollicitant des délais de paiement. En cause d’appel, le bailleur a renouvelé sa demande au titre des frais de remise en état du véhicule.
La question principale soumise à la Cour portait sur les conditions de preuve du défaut d’entretien d’un véhicule restitué sans état des lieux contradictoire. Il s’agissait également de déterminer si des virements effectués depuis le compte bancaire d’une société tierce pouvaient être imputés au paiement de la dette personnelle du locataire.
La Cour d’appel confirme la condamnation au paiement des loyers impayés. Elle infirme le jugement sur la recevabilité de la demande relative aux réparations mais la rejette au fond. Elle retient que « au jour de la restitution du véhicule au bailleur […] aucun état des lieux du véhicule n’a été réalisé contradictoirement » et que les devis produits « ne sauraient tenir lieu d’état contradictoire ». Elle en déduit que le véhicule « doit donc être réputé avoir été restitué en bon état ».
Cette décision présente un intérêt certain quant à la charge de la preuve en matière de restitution locative (I) et à l’imputation des paiements effectués par un tiers (II).
I. La preuve du défaut d’entretien à la restitution du bien loué
La Cour rappelle les exigences probatoires pesant sur le bailleur (A) avant de consacrer une présomption de bon état en l’absence de constat contradictoire (B).
A. L’exigence d’un état des lieux contradictoire
Le contrat de location stipulait que « le matériel restitué à la société TCI devra être en bon état d’entretien et de fonctionnement ». Cette clause trouve son fondement dans les dispositions générales du droit du bail qui imposent au preneur de restituer la chose louée en l’état où il l’a reçue.
La Cour relève que le bailleur produit des devis établis par un concessionnaire automobile pour justifier sa demande de remboursement des frais de remise en état. Ces documents présentaient toutefois plusieurs insuffisances. Ils avaient été établis au nom d’une société tierce, « non de M. [M] ». Ils étaient en outre postérieurs à la date de restitution alléguée par le locataire. Surtout, ils avaient été réalisés de manière unilatérale.
La juridiction d’appel souligne l’importance du caractère contradictoire de l’état des lieux en matière locative. Cette exigence procède du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. Un constat établi par le seul bailleur, fût-il réalisé par un professionnel, ne saurait lier le preneur qui n’y a pas participé.
B. La présomption de bon état au profit du preneur
En l’absence d’état des lieux contradictoire, la Cour pose une règle protectrice du locataire. Elle affirme que le véhicule « doit donc être réputé avoir été restitué en bon état ». Cette solution s’inscrit dans la logique de l’article 1731 du Code civil qui prévoit une présomption semblable en matière de baux d’immeubles.
Le bailleur n’apportait pas davantage la preuve du manquement à l’obligation d’entretien pendant l’exécution du contrat. La Cour note « l’absence d’explications sur la nature des items – peu explicites – mentionnés aux devis et d’éléments apportés sur les types d’entretien réguliers conseillés par le constructeur ». Le bailleur échouait ainsi à démontrer que les réparations facturées correspondaient à des obligations contractuelles incombant au preneur.
Cette solution incite les bailleurs professionnels à organiser systématiquement un état des lieux contradictoire lors de la restitution. À défaut, ils s’exposent à ne pouvoir obtenir réparation des dégradations ou du défaut d’entretien, quand bien même ceux-ci seraient avérés. La décision confirme l’application aux locations mobilières des principes dégagés en matière immobilière.
II. L’imputation des paiements effectués par un tiers
La question de l’imputation des virements effectués depuis le compte d’une société tierce révèle les difficultés de preuve incombant au débiteur (A) et illustre l’exigence de cohérence du créancier (B).
A. La charge de la preuve de l’affectation du paiement
Le locataire soutenait que le montant de sa dette devait être réduit à raison de versements effectués depuis le compte bancaire d’une société dont il était le gérant. Ces virements avaient été réalisés au bénéfice du bailleur pendant l’exécution du contrat.
La Cour examine la mention figurant sur l’ordre de virement litigieux. Celui-ci portait l’intitulé « Virement Web Tci contrat [immatriculation] février » sans préciser qu’il concernait le contrat conclu par le locataire à titre personnel. Or les virements antérieurs comportaient la mention explicite du nom du locataire et la référence à son contrat individuel. Cette différence rédactionnelle n’était pas anodine.
Il est en outre établi qu’un contrat antérieur avait lié le bailleur à cette même société tierce pour la location du même véhicule. Le « solde des obligations des parties au terme du contrat » demeurait inconnu. Dans ces conditions, la Cour juge que le locataire « n’apporte pas la preuve qui lui incombe que la somme de 1 672,50 euros émanant du compte bancaire d’une société tierce aurait été virée à TCI à son bénéfice dans le cadre du contrat de location de véhicule litigieux ».
B. L’exigence de cohérence du créancier dans ses décomptes
La Cour fait toutefois preuve de nuance dans son appréciation. Elle relève que le bailleur avait intégré dans ses propres décomptes certains versements provenant de la société tierce. Les paiements de décembre 2021, janvier 2022 et février 2022 avaient ainsi été imputés sur la dette du locataire. Le bailleur ne pouvait dès lors « de bonne foi, soutenir que ces versements ne peuvent venir en réduction de la dette ».
Cette observation illustre l’exigence de cohérence imposée aux parties dans leurs prétentions. Un créancier qui accepte certains paiements provenant d’un tiers et les impute sur la dette de son cocontractant ne saurait ultérieurement refuser le même traitement à des versements similaires sans justification valable.
En l’espèce, la distinction opérée par la Cour repose sur des indices objectifs. Le virement litigieux ne mentionnait pas le nom du locataire. Un précédent contrat existait entre le bailleur et la société tierce. L’échéance de février 2022 avait déjà été réglée par un autre virement explicitement affecté au contrat du locataire. Ces éléments suffisaient à écarter l’imputation sollicitée.
Cette solution rappelle que le paiement effectué par un tiers libère le débiteur principal uniquement si l’affectation du paiement est établie de manière certaine. La preuve de cette affectation incombe à celui qui s’en prévaut. En présence d’ambiguïté, le doute profite au créancier.