- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
Rendue par la Cour d’appel de Saint-Denis le 18 juin 2025, la décision commente les conditions de prononcé des sanctions personnelles à l’encontre d’un ancien dirigeant. La procédure collective a été ouverte en 2018, après un redressement converti en liquidation. Le liquidateur a assigné l’ancien gérant en 2021, sollicitant comblement d’insuffisance d’actif, faillite personnelle, subsidiairement interdiction de gérer. Par jugement du 3 janvier 2024, le Tribunal mixte de commerce a condamné l’intéressé à un comblement de passif et a prononcé une faillite personnelle de dix ans. L’appel a été limité aux sanctions personnelles et aux formalités corrélatives, le ministère public requérant la confirmation.
Au fond, deux fautes de gestion ont été alléguées: absence de comptabilité et poursuite abusive d’une exploitation déficitaire, avec, en outre, une omission de déclaration dans le délai légal. Les prétentions adverses portaient sur l’imputabilité des griefs à un dirigeant sorti de fonctions et sur l’existence d’un intérêt personnel. La cour a retenu l’absence de comptabilité et la poursuite déficitaire sur la période de gérance de droit, mais a exclu l’omission volontaire de déclaration et l’intérêt personnel. Elle a ensuite écarté toute sanction, jugeant la mesure inopportune et disproportionnée. La question tranchée concernait donc l’articulation entre la caractérisation des fautes visées aux articles L.653-3 et L.653-5 du code de commerce, leur imputabilité à un ancien dirigeant, et l’office du juge quant à la nécessité et la proportionnalité des sanctions prévues à l’article L.653-8.
I. Les fautes de gestion et leur imputabilité à l’ancien dirigeant
A. L’absence de comptabilité et la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire
La cour rappelle le cadre légal de l’obligation comptable des commerçants, en relevant l’absence totale de comptabilité à compter du 31 décembre 2015, pendant l’exercice des fonctions de gérant de droit. Elle énonce que « Il en résulte qu’au cours de la période où l’appelant était le gérant de la société, aucune comptabilité n’a été tenue ». La constatation, précise, s’inscrit dans la lettre de l’article L.123-12 du code de commerce et ouvre la voie à la faute de l’article L.653-5, 6°.
Le raisonnement est poursuivi sur le terrain de l’article L.653-3. Les arriérés sociaux et fiscaux, leur ancienneté et l’impossibilité d’y faire face caractérisent la poursuite abusive. La cour adopte une formule qui en marque la rigueur: « Dès lors, l’exercice abusif d’une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale était caractérisée au cours de la période où il était gérant de droit, peu important qu’il n’ait plus eu cette qualité à la date de la cessation des paiements ». La solution harmonise imputabilité des manquements et période de gérance, sans exiger une concordance stricte avec la date de la cessation des paiements.
B. L’absence d’intérêt personnel et l’exclusion de l’omission volontaire de déclaration
La cour refuse d’adosser la poursuite déficitaire à un intérêt personnel, faute d’éléments objectifs. Elle relève notamment l’absence de décision pénale corroborant un détournement et la capacité de l’entreprise à continuer son activité après désignation d’un nouveau responsable transport. Elle tranche nettement: « Il en découle qu’il n’est pas démontré qu’il a retiré un intérêt personnel de la poursuite de l’activité déficitaire de la société ». L’analyse isole utilement l’intérêt personnel, qui n’est pas une condition de la faute de l’article L.653-3, mais peut infléchir l’appréciation de la sanction.
S’agissant de l’omission de déclaration dans les quarante-cinq jours, la cour exige une double connaissance et une véritable direction de fait pendant la période pertinente. Constatant l’absence d’actes positifs de gestion après la fin du mandat, elle conclut: « En conséquence, il ne peut lui être reproché d’avoir volontairement omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements ». La solution distingue la participation aux opérations de la procédure et la gérance de fait proprement dite, ce qui sécurise l’imputabilité temporelle des manquements.
II. L’office du juge en matière de sanctions personnelles: nécessité et proportionnalité
A. Le pouvoir souverain d’appréciation et ses critères directeurs
La cour rappelle d’abord la nature des mesures et le cadre de leur contrôle. Elle énonce que « La faillite personnelle, tout comme l’interdiction de gérer, sont des sanctions personnelles et les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation en la matière ». Elle précise ensuite l’exigence de motivation et son contenu, par une formule de principe: « Du fait de leur nature de sanctions, elles sont soumises aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ce qui impose qu’elles soient motivées dans leur principe et leur quantum, la motivation devant prendre en compte la gravité des fautes et la situation personnelle de l’intéressé ». La grille retient la gravité des manquements, leur contexte, et les effets concrets sur l’intéressé.
L’examen de la situation professionnelle intervient à titre de facteur d’ajustement. La cour prend en compte l’honorabilité professionnelle exigée par le droit des transports, tout en rappelant les mécanismes réglementaires de perte d’honorabilité. L’articulation évite de confondre incidence professionnelle et nécessité intrinsèque de la peine, la première éclairant la seconde sans l’absorber.
B. L’inopportunité de la sanction au regard des circonstances et la portée de la solution
La mise en balance conduit à un refus de sanction. La cour motive par une appréciation circonstanciée de l’expérience du dirigeant, de la brièveté du mandat, de l’absence de dessein frauduleux, et de l’effet dissuasif déjà atteint par la condamnation au comblement de passif. La conclusion est ferme: « Dès lors, le prononcé d’une sanction, que cela soit une mesure de faillite ou une interdiction de gérer, n’est ni opportune en son principe ni proportionnée au regard de la gravité de la faute commise et de sa situation personnelle ainsi que professionnelle actuelle ». L’inopportunité, jointe à la disproportion, fonde l’infirmation du jugement.
La portée est double. D’une part, la caractérisation d’au moins une faute relevant des articles L.653-3 ou L.653-5 n’emporte pas mécaniquement une sanction personnelle, le juge conservant un pouvoir d’abstention motivé. D’autre part, l’imputabilité des manquements est appréciée avec rigueur temporelle, la gérance de droit bornant la responsabilité, et la gérance de fait ne se présumant pas. Cette solution consolide un contrôle substantiel des sanctions, respectueux de la finalité préventive sans sacrifier la proportion aux circonstances de l’espèce. Elle confirme enfin que la répression civile économique demeure un instrument mesuré, orienté par la nécessité et l’équité.