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Je constate que la décision a été fournie directement dans votre message. Je procède à la rédaction du commentaire d’arrêt sur la base des éléments communiqués.
Toutefois, le texte de la décision semble tronqué à la fin (« il n’a pas détourné »). Je vais rédiger le commentaire d’arrêt à partir des éléments disponibles, en me concentrant sur la question centrale de la responsabilité pour insuffisance d’actif du dirigeant.
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Par un arrêt du 27 août 2025, la chambre commerciale de la cour d’appel de Saint-Denis s’est prononcée sur la responsabilité pour insuffisance d’actif d’un gérant de société à responsabilité limitée dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.
Une société spécialisée dans les travaux d’assainissement et d’électricité à Mayotte avait été créée le 9 décembre 2003. Son gérant, également associé unique depuis une cession de parts intervenue le 20 décembre 2014, avait déclaré l’état de cessation des paiements le 1er février 2019. Après deux rejets successifs de la demande d’ouverture de liquidation judiciaire par le tribunal mixte de commerce de Mamoudzou pour défaut de pièces, une nouvelle déclaration avait été effectuée le 19 juin 2020 devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, à la suite du transfert du siège social. La liquidation judiciaire avait été ouverte le 24 juin 2020, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 24 décembre 2018.
Le liquidateur judiciaire avait assigné le gérant le 21 juin 2023 aux fins de le voir condamner au comblement du passif à hauteur de 690 000 euros. Par jugement du 26 juin 2024, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis avait retenu deux fautes de gestion et condamné le dirigeant à payer la somme de 140 000 euros. Ce dernier a interjeté appel le 12 juillet 2024.
Devant la cour, le gérant soutenait que le liquidateur échouait à démontrer l’existence de fautes de gestion lui étant imputables et ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Il contestait également le quantum de cette insuffisance, arguant que des créances demeuraient en cours de recouvrement. Le liquidateur demandait la confirmation du jugement entrepris. Le ministère public avait requis la confirmation de la décision.
La question posée à la cour était celle de savoir si les agissements reprochés au dirigeant, notamment le remboursement de son compte courant d’associé en période de difficultés financières et certaines écritures comptables irrégulières, constituaient des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif au sens de l’article L. 651-2 du code de commerce.
L’examen de cette décision conduit à analyser successivement les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pour insuffisance d’actif (I), puis l’appréciation des fautes de gestion retenues par les juges du fond (II).
I. Les conditions de la responsabilité pour insuffisance d’actif
A. L’exigence d’une insuffisance d’actif certaine
L’article L. 651-2 du code de commerce subordonne l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’existence d’une insuffisance d’actif dont le montant doit être établi avec certitude. Le tribunal avait retenu une insuffisance d’actif de 581 143,12 euros qu’il qualifiait de « certaine et incontestable ».
L’appelant contestait cette certitude en faisant valoir que « des créances sont encore en cours de recouvrement ce qui rend l’insuffisance d’actif incertaine en son principe ». Cet argument soulève la question du moment où l’insuffisance d’actif doit être appréciée. La jurisprudence de la Cour de cassation admet que l’insuffisance d’actif puisse être évaluée de manière provisoire dès lors que les éléments comptables permettent de constater que le passif excède manifestement l’actif réalisable. Le fait que certaines créances demeurent en cours de recouvrement ne fait pas obstacle à la caractérisation de l’insuffisance d’actif lorsque le déséquilibre entre l’actif et le passif est suffisamment établi.
La cour disposait en l’espèce d’un rapport d’expertise ordonnée par le juge-commissaire et d’un rapport de ce dernier établissant les anomalies comptables ayant affecté la situation de la société. Ces éléments probatoires permettaient de fonder la conviction des juges quant à la réalité de l’insuffisance d’actif invoquée.
B. L’imputation des fautes au dirigeant de droit
Le gérant avait tenté de se soustraire à sa responsabilité en invoquant une circonstance particulière. S’agissant du remboursement de son compte courant d’associé, il soutenait que « cette décision résulte de la décision d’un associé créancier et non d’une décision de gestion prise par le dirigeant ». Cette argumentation visait à dissocier sa qualité d’associé de celle de gérant.
Cette distinction ne saurait prospérer. Le cumul des qualités d’associé unique et de gérant dans une même personne ne permet pas de fractionner artificiellement les décisions prises. Le remboursement d’un compte courant d’associé, lorsqu’il est décidé par celui qui exerce également les fonctions de direction, relève nécessairement de la gestion sociale. La chambre commerciale de la Cour de cassation considère de manière constante que le dirigeant qui procède au remboursement de son propre compte courant d’associé alors que la société connaît des difficultés financières commet une faute de gestion susceptible d’engager sa responsabilité.
Le tribunal avait d’ailleurs relevé que ces remboursements « constituaient des paiements préférentiels effectués à son profit et au détriment des autres créanciers ». Cette qualification de paiement préférentiel est particulièrement significative. Elle implique que le dirigeant a privilégié le désintéressement de sa propre créance au détriment des autres créanciers sociaux, rompant ainsi l’égalité qui doit présider à la répartition de l’actif disponible.
II. La caractérisation des fautes de gestion
A. Le remboursement du compte courant d’associé en période de difficultés
Le gérant soutenait qu’il « procédait régulièrement depuis de nombreuses années au financement de la trésorerie sociale via son compte courant d’associé ce qui donnait lieu à des remboursements sans intérêts, ce droit au remboursement permanent devant être respecté quelle que soit la situation financière de la société ».
Cette argumentation méconnaît la portée de l’obligation de loyauté qui pèse sur le dirigeant. Si l’associé titulaire d’un compte courant dispose en principe d’un droit au remboursement, ce droit s’exerce dans les limites de l’intérêt social. Le dirigeant qui procède à un remboursement alors que la viabilité de l’entreprise est compromise prive la société d’une partie de sa trésorerie au détriment de ses créanciers. Le tribunal avait précisément retenu que « la viabilité de l’entreprise était largement compromise » au moment des remboursements litigieux.
L’appelant invoquait également sa qualité de caution des engagements bancaires, arguant avoir « assumé personnellement le remboursement de ses dettes sociales ». Cet argument ne saurait exonérer le dirigeant de sa responsabilité pour faute de gestion. La qualité de caution n’autorise pas le dirigeant à opérer des prélèvements sur l’actif social pour se prémunir contre les conséquences de son propre engagement. Au contraire, cette circonstance pourrait révéler un conflit d’intérêts entre l’intérêt personnel du dirigeant-caution et l’intérêt social.
B. La dissimulation comptable d’un détournement d’actif
Le tribunal avait retenu qu’« en passant des écritures comptables destinées à pallier son inertie dans la préservation de l’actif de son entreprise, M. [X] avait cherché à maquiller un détournement d’actif qui avait privé la société de la possibilité de bénéficier dans le cadre de la liquidation judiciaire du produit de ces actifs ».
Cette constatation revêt une gravité particulière. Elle ne caractérise pas seulement une négligence ou une imprudence dans la gestion, mais un comportement délibéré visant à dissimuler l’appauvrissement de la société. L’utilisation d’écritures comptables à des fins de dissimulation constitue une faute de gestion autonome, distincte du détournement lui-même.
Le juge-commissaire avait d’ailleurs relevé dans son rapport du 20 novembre 2023 que « les fautes de gestion pointées par le liquidateur judiciaire au travers du remboursement du compte courant d’associé, du défaut de licenciement des salariés et des relations irrégulières entre la société [9] et la société [11] n’ont pas manqué d’aggraver ou générer directement du passif social ».
Le tribunal a cependant fait preuve de mesure dans l’appréciation de la sanction. Alors que le liquidateur réclamait une condamnation à hauteur de 690 000 euros et que l’insuffisance d’actif était évaluée à 581 143,12 euros, les premiers juges ont limité la condamnation à 140 000 euros. Ils ont pris en considération « les efforts personnels réalisés en sa qualité de dirigeant ». Cette modulation témoigne de la nature particulière de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif qui, si elle vise à sanctionner les fautes de gestion, doit également tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et du comportement global du dirigeant.