Cour d’appel de Saint-Denis, le 29 août 2025, n°22/01754

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Rendue par la Cour d’appel de Saint‑Denis le 29 août 2025, la décision ici commentée tranche un appel d’une ordonnance de référé refusant une expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile. Le litige naît de baux conclus pour des locaux destinés à une activité de restauration, que les demandeurs estiment inutilisables, avec des conséquences prétendues sur la validité des actes et la charge des indemnités d’occupation.

Les demandeurs avaient saisi le juge des référés afin d’obtenir une expertise sur l’état des lieux et l’évaluation de leurs préjudices. Le premier juge avait écarté leur demande au motif d’une irrégularité tenant à la société preneuse, présentée comme en formation au jour des baux, et avait prononcé l’irrecevabilité de l’action. Les intéressés ont interjeté appel, par deux déclarations successives, tandis que les défendeurs invoquaient l’absence d’effet dévolutif et, subsidiairement, l’inutilité et l’infondé d’une mesure d’instruction avant tout procès.

La cour devait préciser, d’abord, les exigences de l’acte d’appel quant à l’effet dévolutif, puis, ensuite, les conditions de la recevabilité d’une expertise probatoire au regard de la capacité et de l’intérêt à agir. Elle juge que « DIT que l’effet dévolutif de l’appel résulte des deux déclarations d’appel jointes » et qu’il convient d’« INFIRMER l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions », avant d’ordonner l’expertise sollicitée. Ces énonciations appellent une analyse du sens de la solution, puis de sa valeur et de sa portée.

I. L’effet dévolutif de l’appel et sa régularisation temporelle

A. Les exigences combinées des articles 542, 562 et 901 du code de procédure civile

La cour rappelle le cadre textuel applicable à la déclaration d’appel et sa fonction dévolutive. Elle cite les prescriptions impératives, en retenant notamment l’énoncé suivant: « La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant […] à peine de nullité […] 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité ». Elle ajoute une formule de principe décisive pour la dévolution: « Il résulte des articles 542, 562 et 901 du même code que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation d’un jugement sans faire mention des chefs de jugement critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas ». L’analyse se place donc au confluent de l’objet de l’appel et de la précision des chefs critiqués.

La juridiction insiste sur l’articulation entre nullité de forme et grief, mais dissocie ce débat de la question autonome de l’effet dévolutif. Elle admet, dans le périmètre du bref délai, la possibilité d’une régularisation par une seconde déclaration, dès lors qu’elle intervient dans le temps utile. La solution concilie la rigueur des mentions obligatoires avec une économie de procédure qui évite les sanctions excessives pour des irrégularités corrigées à bref délai.

B. L’appréciation concrète des deux déclarations d’appel successives

La décision confronte les textes au contenu précis de chaque déclaration d’appel. Elle note que la seconde déclaration mentionne explicitement la réformation de l’ordonnance et réitère l’énumération des chefs critiqués. Ainsi, « Ces deux déclarations d’appel énumèrent donc les chefs du jugement expressément critiqués, tout en sollicitant expressément dans la seconde, la réformation de l’ordonnance querellée, de sorte que l’effet dévolutif a bien opéré ». La cour valide en outre la régularisation temporelle, en relevant que « la seconde déclaration d’appel, déposée le 16 février 2023, est recevable comme une régularisation de la première ».

Cette motivation, sobre et graduée, réaffirme qu’un acte d’appel suffisamment ciblé sur les chefs critiqués réalise la dévolution, et que la mention expresse d’une réformation, ajoutée dans le même délai utile, sécurise définitivement le périmètre de l’appel. L’approche consolide l’équilibre entre sécurité juridique de l’intimé et effectivité du double degré de juridiction.

II. La recevabilité de la mesure d’expertise et l’office du juge des référés

A. Capacité et intérêt à agir au regard des articles 31 et 32 du code de procédure civile

La cour dissocie nettement la question de la recevabilité procédurale de celle du bien‑fondé des prétentions. Elle rappelle que « la question de la qualité ou celle de l’intérêt à agir doit être tranchée sans préjudice du bien‑fondé de la demande ». Elle souligne, au vu des éléments produits, l’immatriculation de la société demanderesse à la date de l’assignation et la situation de l’autre demandeur, apte à justifier d’un intérêt à agir en raison d’engagements invoqués. En conséquence, l’irrecevabilité prononcée par le premier juge ne pouvait prospérer.

La formation de référé refuse ainsi de statuer sur la régularité des baux, appréciation relevant du juge du fond. Elle l’énonce clairement en indiquant qu’il n’est « pas permis au juge des référés de statuer sur la régularité du contrat de bail, relevant de l’office du juge du fond ». Le rappel est classique, mais opportun dans un contexte de contestation sur une société en formation et sur les effets d’une éventuelle nullité contractuelle.

B. Motif légitime d’une expertise probatoire et mesure utile avant tout procès

La cour contrôle l’existence d’un litige plausible sur l’état des locaux et ses conséquences économiques, financières et juridiques. Elle retient la valeur probante de pièces récentes et pertinentes, en jugeant que celles‑ci « suffi[t] à démontre[r] l’existence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ». Elle écarte l’argument tenant aux modifications ultérieures des lieux, l’expertise pouvant reconstituer les conditions d’occupation et les travaux réalisés.

Dans cette logique, la solution s’impose: « En conséquence, eu égard à la justification d’un motif légitime et sans préjudice de la solution qu’apportera éventuellement le juge du fond, il convient d’accueillir la demande d’expertise ». La cour en tire les conséquences procédurales, en prononçant qu’elle « INFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions » et en précisant, pour l’économie de la mesure, le contrôle ultérieur par le juge chargé des mesures d’instruction. L’équilibre est complet, jusque dans le sort des frais: « LAISSE les parties supporter leurs propres dépens de première instance et d’appel ».

Ainsi, la décision fixe avec clarté le cadre procédural de l’appel, conforte l’accès à la preuve sur le fondement de l’article 145, et réserve au juge du fond l’examen des nullités alléguées et des responsabilités subséquentes. Par ce double mouvement, elle assure la protection des droits procéduraux tout en préservant la rigueur des conditions de la mesure probatoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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