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Par un arrêt du 29 août 2025, la chambre sociale de la cour d’appel de Saint‑Denis statue sur la fixation du taux d’incapacité permanente partielle consécutif à un accident du travail. À la suite d’une chute survenue le 3 septembre 2018 lors d’une manutention, la lésion d’épaule a été consolidée au 13 janvier 2022, puis évaluée à 25 %. Le pôle social du tribunal judiciaire de Saint‑Denis de la Réunion, le 19 mars 2024, a réduit ce taux à 20 %. L’appelante sollicitait 18 %, à titre subsidiaire une expertise, tandis que l’intimée demandait la confirmation et l’opposabilité du taux. La question posée concernait la qualification barémique des séquelles d’une épaule dominante, au regard des critères légaux et des données cliniques rapportées. La cour confirme le taux de 20 %, refuse l’expertise, et statue sur les dépens et l’article 700.
I. Le cadre barémique et son maniement par le juge
A. Les critères légaux et la force d’orientation du barème indicatif
La cour rappelle d’abord le fondement normatif applicable. Elle cite en ces termes: « L’article L.434-2 du code de la sécurité sociale énonce que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. » Ce renvoi balise l’office du juge: l’évaluation reste individualisée, mais elle s’inscrit dans un référentiel technique.
Elle précise ensuite l’articulation des barèmes: « Il résulte de l’article R.434-32 alinéa 2 du code de la sécurité sociale que les barèmes indicatifs d’invalidité […] sont annexés au livre IV. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail. » Cette hiérarchie sécurise la méthode et évite les divergences arbitraires, notamment pour les lésions de l’épaule où les amplitudes servent d’étalon.
Le barème AT retient un principe comparatif déterminant: « Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. » Il pose un repère chiffré pour l’épaule dominante: « Pour le côté dominant, une limitation moyenne de tous les mouvements correspond à un taux d’incapacité permanente de 20 %, une limitation légère de tous les mouvements à un taux compris entre 10 et 15 %. » La cour se place donc sur ce terrain, où la qualification de la limitation commande l’échelon du taux.
B. La qualification de la limitation moyenne au regard des constatations cliniques
L’appréciation du juge s’arrime aux mesures d’amplitude et aux douleurs testées. Les examens décrivent une abduction et une antépulsion réduites de 170° à 120°, des autres amplitudes diminuées de moitié, un unique mouvement complexe conservé, et des tests tendineux tous positifs. La motivation en tire une inférence claire: « Il résulte de ce qui précède que le salarié conserve, dans les proportions ci-dessus indiquées, une limitation moyenne de tous mouvements à l’exception de deux plus légérement restreints, que contrairement à ce que retient le médecin consultant, seul un mouvement complexe est possible, les autres étant renseignés ‘non’ par le médecin conseil tandis que le testing tendineux positif sur toutes les manoeuves confirme la persistance de douleurs. »
Au regard du référentiel rappelé, l’argument d’une limitation seulement « modérée » ne peut prospérer. Le barème identifie la « limitation moyenne » comme seuil de 20 % pour l’épaule dominante, et les douleurs objectivées n’invitent pas à une minoration. L’absence d’amyotrophie et de retentissement professionnel immédiat ne suffit pas à rompre la cohérence barémique dès lors que la restriction globale des mouvements est caractérisée.
II. La valeur et la portée de la solution retenue
A. Une motivation méthodique, suffisante, et l’absence d’utilité d’une expertise
La cour confirme la qualification et la borne barémique dans une formule nette: « Dans ces conditions, c’est à juste titre que le tribunal a fixé le taux d’incapacité permanente à 20 % à la date de consolidation du 13 janvier 2022. » L’office du juge se borne à apprécier, au vu des éléments médicaux disponibles et du barème indicatif, la cohérence de l’échelon retenu. La demande d’expertise est écartée par une motivation de nécessité probatoire: « Le jugement déféré est, en conséquence, confirmé sans qu’il y ait lieu, en l’absence d’élément utile contraire ou nouveau, de recourir à une mesure d’expertise. »
Cette démarche mérite approbation. Le dossier contenait des données de mobilité comparée et des tests tendineux concordants. L’expertise ne s’impose pas lorsqu’elle ne promet pas d’éclairages nouveaux sur des critères déjà disponibles et décisifs. La motivation reste ainsi proportionnée, fidèle au barème, et conforme à l’exigence d’une évaluation individualisée mais encadrée.
B. Portée pratique: standard probatoire, barème et économie du contentieux
La décision réaffirme un standard probatoire opératoire pour l’épaule dominante: les amplitudes et la comparaison au côté sain, complétées par les tests de douleur, gouvernent le passage du « léger » au « moyen ». À défaut de mesures contraires précises (dynamométrie, quantifications répétées, examens convergents), la borne de 20 % s’impose lorsque la limitation moyenne est caractérisée. La vigilance sur la preuve s’inscrit dans la logique barémique et prévient les décrochages vers des taux intermédiaires imparfaitement justifiés.
La portée contentieuse s’observe enfin sur les accessoires de la décision. La cour « confirm[e] » que « Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibls sont confirmées », puis tire les conséquences de l’échec de l’appel: « Il convient de mettre les dépens d’appel également à la charge de la société appelante qui succombe et, pour ce motif, de la débouter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. » Le signal envoyé est clair: en l’absence d’éléments médicaux nouveaux et significatifs, la contestation d’un taux adossé au barème encourt la confirmation, l’expertise est inutile, et le risque financier d’appel pèse sur l’appelant.