- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
La protection du consommateur en matière de crédit affecté constitue un édifice législatif dont la Cour de cassation et les juridictions du fond assurent le respect avec constance. La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt du 1er juillet 2025, vient préciser les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l’encontre d’un établissement de crédit.
En l’espèce, un particulier avait souscrit le 19 décembre 2019 un crédit affecté à l’acquisition d’un véhicule deux roues, d’un montant de 18 783,95 euros, remboursable en soixante mensualités au taux de 5,58 % l’an. Des impayés étant survenus, l’établissement prêteur avait adressé à l’emprunteur une mise en demeure le 16 mai 2022, puis l’avait assigné en paiement devant le juge des contentieux de la protection de Foix. Par jugement du 22 décembre 2023, cette juridiction avait prononcé la déchéance du droit aux intérêts et condamné l’emprunteur au paiement de 5 750,88 euros. L’établissement de crédit avait interjeté appel, contestant le quantum de la condamnation et sollicitant la capitalisation des intérêts au taux légal.
La cour d’appel de Toulouse était donc saisie de deux questions distinctes. La première portait sur le montant exact de la créance résiduelle après déchéance du droit aux intérêts conventionnels. La seconde concernait la possibilité de prononcer la capitalisation des intérêts au taux légal dans le cadre d’un crédit à la consommation.
La cour infirme partiellement le jugement entrepris. Elle condamne l’emprunteur au paiement de 10 537,77 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, mais rejette la demande de capitalisation des intérêts.
L’arrêt retient l’attention en ce qu’il articule le calcul de la créance après déchéance du droit aux intérêts (I) et précise les limites de la sanction pécuniaire applicable à l’emprunteur défaillant (II).
I. La détermination de la créance après déchéance du droit aux intérêts
La cour procède à une vérification rigoureuse des sommes versées par l’emprunteur (A), tout en rappelant le régime des intérêts au taux légal après déchéance (B).
A. Le contrôle du quantum de la créance résiduelle
La cour relève que « la banque ne conteste aucunement la déchéance du droit aux intérêts prononcée à son encontre par le premier juge ». Cette déchéance, prévue par les articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation, sanctionne le manquement du prêteur à ses obligations précontractuelles d’information. Elle entraîne la réduction de la créance au seul capital restant dû, déduction faite des versements effectués.
La cour procède à une comparaison minutieuse des pièces produites. Elle constate que « le montant des versements réalisés […] atteint la somme de 8 246,18 euros ». Ce montant diffère de celui retenu tant par le premier juge que par l’établissement appelant. La créance résiduelle s’établit donc à 10 537,77 euros, soit la différence entre le capital initial de 18 783,95 euros et les sommes versées.
Cette méthode de calcul illustre l’office du juge en matière de crédit à la consommation. Même en l’absence de comparution de l’intimé, la cour vérifie d’office la régularité et le bien-fondé des prétentions de l’appelant, conformément à l’article 472 du code de procédure civile. Le juge ne saurait entériner un décompte erroné au seul motif que l’emprunteur ne le conteste pas.
B. L’application des intérêts au taux légal après déchéance
La cour rappelle que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels n’interdit pas au prêteur de solliciter les intérêts au taux légal. Elle précise toutefois que, « afin de garantir l’effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48/CE, il incombe au juge de réduire d’office […] le taux résultant de l’application des articles 1231-6 du Code civil et L. 313-3 du Code monétaire et financier, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel ».
Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 novembre 2016, qui impose aux juridictions nationales de garantir l’effet dissuasif des sanctions. En l’espèce, le taux légal de 3,71 % étant inférieur au taux conventionnel de 5,58 %, la cour considère que « l’effectivité de la sanction est donc assurée sans qu’il ne soit besoin de réduire le taux d’intérêt légal ».
La condamnation aux intérêts au taux légal court à compter du 16 mai 2022, date de la mise en demeure. Ce point de départ, conforme à l’article 1231-6 du code civil, permet au prêteur d’obtenir une indemnisation du retard de paiement sans pour autant reconstituer le bénéfice que lui aurait procuré l’application du taux conventionnel.
II. L’interdiction de la capitalisation des intérêts en matière de crédit à la consommation
La cour rejette la demande de capitalisation des intérêts (A), solution qui s’inscrit dans le cadre protecteur du droit de la consommation (B).
A. L’obstacle tiré de l’article L. 313-52 du code de la consommation
La cour juge que « la règle édictée par l’article L. 313-52 du Code de la consommation […] fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts ». Ce texte prévoit qu’aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux limitativement énumérés à l’article L. 313-51 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur défaillant.
L’article L. 313-51 autorise le prêteur à exiger, en cas de défaillance de l’emprunteur, le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus et non payés, ainsi qu’une indemnité plafonnée. La capitalisation des intérêts, mécanisme par lequel les intérêts échus produisent eux-mêmes des intérêts, constitue un coût supplémentaire qui n’entre pas dans cette énumération limitative.
Cette interprétation stricte du texte s’impose au regard de la finalité protectrice du droit de la consommation. La capitalisation des intérêts, prévue à l’article 1343-2 du code civil, relève du droit commun des obligations. Son application aux crédits à la consommation reviendrait à alourdir la dette de l’emprunteur défaillant au-delà de ce que le législateur a expressément autorisé.
B. La portée de la solution au regard de la protection du consommateur
L’arrêt confirme l’autonomie du régime des crédits à la consommation par rapport au droit commun. Le caractère d’ordre public des dispositions du code de la consommation interdit au prêteur de se prévaloir de mécanismes de droit commun qui aggraveraient la situation de l’emprunteur.
Cette solution présente une cohérence avec la déchéance du droit aux intérêts précédemment prononcée. Il serait paradoxal de sanctionner le prêteur pour manquement à ses obligations d’information tout en lui permettant d’obtenir, par le biais de la capitalisation, une majoration de sa créance. L’économie générale de la protection du consommateur commande une lecture restrictive des droits du prêteur défaillant dans ses obligations légales.
La cour refuse également d’accorder une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, estimant que « les circonstances de l’espèce ne justifient pas qu’il soit alloué d’indemnités ». Cette décision, qui relève du pouvoir souverain des juges du fond, témoigne d’une appréciation équilibrée des intérêts en présence. L’établissement de crédit, bien qu’obtenant partiellement gain de cause sur le quantum de sa créance, supporte les conséquences de ses propres manquements ayant conduit à la déchéance du droit aux intérêts.