Cour d’appel de Toulouse, le 10 juillet 2025, n°24/00106

Rendu par la Cour d’appel de Toulouse le 10 juillet 2025, l’arrêt infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Montauban du 12 décembre 2023. Le litige porte sur la prise en charge au titre des risques professionnels d’un accident déclaré le 20 mai 2022, survenu la veille lors d’une chute dans l’escalier menant au vestiaire, en fin de service. L’employeur a établi une déclaration avec réserves, des certificats médicaux successifs ont décrit une entorse puis une rupture ligamentaire, et une intervenante sociale a mentionné un appel le jour des faits.

Après rejet par la commission de recours amiable, puis par le premier juge, l’assurée a interjeté appel. Elle sollicitait la reconnaissance de l’accident du travail et l’allocation d’une indemnité procédurale. La caisse demandait la confirmation, invoquant l’absence de témoin, le caractère indirect de l’attestation, et l’insuffisance de présomptions concordantes.

La question posée tenait à la mobilisation de la présomption d’imputabilité en cas d’accident survenu au temps et au lieu du travail, et aux exigences probatoires pour établir la matérialité du fait accidentel. La cour répond affirmativement, retenant que les éléments versés caractérisent l’accident au travail, et que l’organisme social ne rapporte pas la preuve d’une cause totalement étrangère. Elle énonce notamment que « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée », puis rappelle que « L’accident survenu pendant le temps et sur le lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf la faculté pour l’employeur ou l’organisme social de rapporter la preuve qu’il a une cause totalement étrangère. »

I. La réaffirmation de la présomption d’imputabilité et son office

A. Le cadre normatif et la charge de la preuve

La cour reprend le texte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale et l’économie de la présomption liée au temps et au lieu de travail. L’assuré doit établir la survenance d’un fait accidentel, fût-ce par de simples éléments objectifs, la présomption jouant ensuite à plein. Le juge rappelle que, si les circonstances demeurent indéterminées, la prise en charge est exclue, mais qu’une fois le noyau factuel établi, la charge se renverse.

L’arrêt insiste sur la finalité probatoire de la présomption, qui dispense l’assuré d’une démonstration causale approfondie dès lors que la matérialité et le contexte professionnel sont suffisamment établis. La possibilité d’une cause totalement étrangère demeure, mais elle incombe exclusivement à l’employeur ou à l’organisme social, dans un cadre probatoire rigoureux.

B. L’appréciation des éléments de preuve et la qualification opérée

La cour retient une combinaison d’indices concordants, sans exiger une preuve testimoniale ou oculaire. Elle souligne que « L’absence de témoins n’est pas de nature à écarter l’existence de l’accident, lequel est suffisamment établi par : » la déclaration circonstanciée, l’information donnée sans délai à l’employeur, l’attestation d’une intervenante sociale relatant un appel le jour même, et des constats médicaux cohérents et rapprochés.

L’accès au vestiaire, en fin de service, participe de l’exécution contractuelle et ancre le fait dans le temps et le lieu de travail. Le faisceau probatoire crédibilise le récit initial, en sorte que la présomption d’imputabilité s’applique pleinement. L’organisme social ne démontre pas l’existence d’une cause totalement étrangère, ce qui conduit à la reconnaissance de l’accident du travail.

II. La cohérence jurisprudentielle et les enseignements pratiques

A. La conformité aux lignes directrices et la clarification utile

La solution s’inscrit dans la jurisprudence constante admettant la preuve par tout moyen de la matérialité du fait accidentel, lorsque des éléments contemporains et cohérents l’étayent. Les décisions admettent régulièrement qu’un accident survenant dans les circulations internes, à la fin du service, se rattache au travail. La portée de l’attestation indirecte est appréciée à l’aune de sa contemporanéité alléguée, de sa précision et de sa concordance avec les données médicales.

La cour conforte ainsi une lecture protectrice, attachée à l’effectivité de la présomption et à l’équilibre des charges probatoires. Elle souligne que l’exigence principale concerne la crédibilité du noyau factuel, non la perfection formelle du dossier probatoire, ce qui répond à la finalité assurantielle du régime.

B. Les conséquences pratiques et les limites de la solution retenue

L’arrêt rappelle l’utilité d’une information rapide de l’employeur, d’un certificat médical initial circonstancié, et d’attestations contemporaines, même indirectes, pour sécuriser la qualification. Il confirme que la preuve testimoniale n’est pas un préalable, dès lors que le dossier présente des indices précis et concordants. L’organisme social doit, pour écarter la présomption, établir positivement une cause étrangère, et non se prévaloir de simples doutes.

La solution n’ouvre pas pour autant la voie à une automaticité déliée de toute vérification. Elle invite les acteurs à documenter immédiatement les circonstances, à préciser l’ancrage temporel et spatial, et à rapprocher les éléments médicaux du récit initial. La décision tranche nettement le litige, en énonçant que « Le jugement sera donc infirmé et il sera dit que l’accident litigieux est pris en charge au titre de la législation professionnelle. »

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Hassan KOHEN
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