Cour d’appel de Toulouse, le 11 septembre 2025, n°24/00400

Par un arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse, 4e chambre, section 2, le 11 septembre 2025, la juridiction confirme le jugement d’un conseil de prud’hommes ayant retenu la faute grave d’un salarié absent depuis plusieurs mois. L’affaire interroge d’abord l’étendue de l’effet dévolutif de l’appel, puis la portée du statut protecteur après transfert conventionnel, et enfin les conséquences salariales d’une absence injustifiée.

Les faits sont simples et significatifs. Un agent de sécurité, titulaire d’un mandat de membre suppléant du comité social et économique chez son précédent employeur, voit son contrat transféré au repreneur du marché. Il cesse de se présenter à partir du 18 novembre 2020, malgré des mises en demeure, et signe tardivement l’avenant de transfert en février 2021. L’employeur le licencie pour faute grave en août 2021, après convocation à entretien préalable.

La procédure est marquée par un rejet intégral des prétentions du salarié par le conseil de prud’hommes de Toulouse, le 28 décembre 2023. En appel, le salarié sollicite la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, subsidiairement l’absence de cause réelle et sérieuse, ainsi que des rappels salariaux et la prime d’ancienneté. L’intimé soutient l’absence d’effet dévolutif et, subsidiairement, la faute grave. La cour écarte l’exception procédurale, retient l’absence injustifiée, et confirme la faute grave. Elle statue aussi sur la prime d’ancienneté et les demandes accessoires.

La question de droit se concentre sur trois points. D’abord, la suffisance de la déclaration d’appel au regard de l’article 901 du code de procédure civile. Ensuite, l’exigence d’une autorisation administrative lorsque l’absence reprochée a débuté durant la période de protection mais que la notification intervient après son expiration. Enfin, l’incidence de l’absence non rémunérée sur la prime d’ancienneté conventionnelle.

La solution est nette. La cour retient que la déclaration d’appel vise les chefs critiqués, que la protection avait expiré au jour de la notification, et que l’abstention durable de reprise, malgré mises en demeure, caractérise une faute grave. Elle rappelle la définition prétorienne: «La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.» Elle ajoute, au volet salarial, un principe clair: «Sur ce, il est de principe que les absences non rémunérées réduisent en proportion la prime d’ancienneté, sauf disposition contraire.»

I. Le sens de la décision

A. L’effet dévolutif de l’appel est pleinement préservé

La cour vérifie d’abord la régularité de la saisine. Elle constate que la déclaration d’appel identifie les chefs critiqués en visant le débouté des demandes et la condamnation aux dépens. Cette approche, conforme à l’article 901 du code de procédure civile, satisfait à l’exigence d’identification précise des chefs attaqués.

La formulation retenue est sans ambiguïté: «Ainsi, l’effet dévolutif a bien joué.» La solution rejoint la jurisprudence constante qui admet une désignation claire par référence au débouté des prétentions, dès lors qu’elle fait ressortir les chefs du dispositif visés. La cour écarte, en outre, une fin de non-recevoir non argumentée, conformément à l’exigence d’un moyen d’irrecevabilité explicitement développé dans les motifs.

B. L’absence injustifiée caractérise la faute grave après l’expiration de la protection

Au fond, la cour retient que la période de protection issue de l’article L. 2411‑5, alinéa 2, était échue lors de la notification du licenciement. Elle juge, dès lors, qu’aucune autorisation administrative n’était requise, peu important que l’absence ait débuté pendant la période de protection. Le cœur du raisonnement tient à l’imputabilité de l’abstention durable de reprise, et à l’inertie procédurale du salarié.

La motivation insiste sur l’absence de démarche juridictionnelle propre à encadrer le différend. La cour souligne en effet: «Il n’a pas non plus saisi le conseil de prud’hommes aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail, ni pris acte de la rupture de ce contrat en raison de manquements de l’employeur à ses obligations.» Cette phrase éclaire la solution: l’auto‑suspension unilatérale de l’exécution du contrat, sans justification médicale ni action contentieuse, ne saurait légitimer une absence prolongée.

La qualification de faute grave découle alors de la combinaison de l’absence persistante, des mises en demeure restées vaines, et de la perturbation résultant d’un abandon de poste. La définition précitée, rappelée par la cour, fonde la confirmation du jugement et l’exclusion des indemnités de rupture.

II. Valeur et portée de la solution

A. Une articulation cohérente du statut protecteur avec la discipline contractuelle

La décision convainc d’abord sur le terrain du statut protecteur. Elle fixe le critère temporel au jour de la notification, conformément à une logique de sécurité juridique. L’exigence d’autorisation ne subsiste pas après expiration de la protection, même si des faits initiaux sont antérieurs. La motivation, sobre, entérine cette ligne directrice et refuse d’instrumentaliser la protection pour neutraliser la discipline au-delà du terme.

Le rappel des exigences pesant sur le salarié est opportun. Le juge marque la frontière entre contestation des conditions de travail et suspension unilatérale de la prestation. En cela, la solution paraît équilibrée, car elle n’interdit pas la contestation, mais exige qu’elle emprunte les voies idoines. La formule est lapidaire et utile: «Il vient d’être jugé que l’employeur n’avait pas violé le statut du salarié protégé.» La cohérence logique est respectée, et la conformité au droit positif mieux assurée.

B. Les incidences salariales et l’accessoire de rémunération en cas d’absence

Sur la prime d’ancienneté, la cour pose un principe de portée pratique, rappelé en termes généraux et transposables: «Sur ce, il est de principe que les absences non rémunérées réduisent en proportion la prime d’ancienneté, sauf disposition contraire.» Le rattachement conventionnel à un salaire minimal n’altère pas l’accessoire, lequel suit le principal. Si le salaire n’est pas dû, l’accessoire se trouve logiquement privé de base.

La conséquence, nette et pédagogique, est assumée: «Par suite, aucun salaire n’étant dû, la prime ne l’est pas non plus, le débouté étant confirmé.» La solution prévient des revendications déconnectées de l’exécution effective et sécurise l’interprétation de la clause conventionnelle. Elle s’articule, enfin, avec les demandes documentaires: «Le salarié qui perd au principal sera débouté de sa demande de remise de documents sociaux rectifiés.» L’économie d’ensemble se tient, l’accessoire suivant le sort du principal, sans ajout d’équité procédurale au titre des frais irrépétibles.

Cette décision consolide, à un niveau opérationnel, trois lignes claires: intégrité de l’effet dévolutif en cas de désignation suffisant des chefs, exigence de notification postérieure à l’expiration de la protection pour l’absence d’autorisation, et stricte corrélation entre rémunération due et prime d’ancienneté. Elle rappelle au salarié la nécessité de saisir le juge lorsqu’il conteste l’exécution, et à l’employeur la charge probatoire de la faute grave, ici satisfaite par l’inaction prolongée après mises en demeure.

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