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Rendue par la Cour d’appel de Toulouse le 11 septembre 2025, l décision tranche un litige relatif au licenciement d’un cadre responsable d’agence employé depuis 2010 par une société HLM. L’employeur a notifié, en mars 2021, un licenciement pour faute simple, fondé sur des manquements managériaux supposés ayant dégradé le climat de travail au sein de l’agence. La juridiction prud’homale toulousaine avait jugé la cause réelle et sérieuse établie en janvier 2024. Le salarié a interjeté appel.
Le débat se concentre sur l’établissement matériel des griefs et la charge probatoire en cas de licenciement disciplinaire. La cour rappelle que « En application des articles L 1232-1, L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ». Elle souligne encore que « Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige », et que « Si un doute persiste, il profite au salarié ». La décision précise enfin que « La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée ». Sur ce fondement, la cour examine successivement les griefs, écarte leur matérialité et retient l’absence de cause réelle et sérieuse, avant d’appliquer le barème légal et d’ordonner le remboursement partiel des allocations de chômage aux organismes intéressés.
I. Exigences probatoires et contrôle du motif disciplinaire
A. Principes directeurs de l’office du juge et de la preuve
La cour articule son contrôle autour de deux axiomes classiques, qu’elle cite expressément. D’abord, la délimitation du litige par l’écrit de rupture, puisque « Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige ». Ensuite, le régime probatoire combinant partage de la charge et bénéfice du doute, la décision retenant que « La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée » et que « Si un doute persiste, il profite au salarié ». L’office consiste donc à apprécier la réalité des griefs, au vu des éléments contradictoirement produits, sans suppléer les carences de l’une des parties.
Deux précisions utiles complètent ce cadre. S’agissant de la qualification disciplinaire, la cour rappelle que « L’employeur était donc en droit de n’invoquer qu’une faute simple ». Quant au grief tenant à la soudaineté de la rupture, elle juge que « Un tel moyen est également inopérant dès lors que l’absence de passif disciplinaire n’est pas de nature à empêcher l’employeur d’engager une procédure de licenciement ». L’analyse demeure ainsi centrée sur la preuve des manquements allégués, plutôt que sur l’opportunité de la qualification ou sur un passé disciplinaire dépourvu d’incidence directe.
B. Appréciation in concreto des griefs et déficit de matérialité
La cour adopte une méthode séquentielle, fidèle à la lettre de rupture, rappelant qu’« Il convient donc d’examiner successivement les différents griefs évoqués dans la lettre de licenciement ». S’agissant d’abord des réactions du responsable d’agence au mal‑être d’une responsable clientèle, le dossier révèle une évaluation annuelle globalement positive, des recommandations d’organisation et une information tardive de la hiérarchie sur les risques psychosociaux. La cour relève surtout l’absence de lien causal établi entre l’arrêt de travail et le comportement managérial, en l’absence d’attestation de l’intéressée ou d’élément médical corroborant l’allégation d’une souffrance imputable au manager.
Concernant ensuite les difficultés relationnelles avec l’adjointe, les pièces produites traduisent essentiellement un ressenti, non étayé par des faits précis antérieurs aux réunions de février 2021. Les témoignages se bornent à relater une impression de « ton péremptoire » et de « dévalorisation », sans incidents concrets caractérisés, ce qui ne suffit pas à établir une conduite fautive. À propos d’un autre responsable clientèle en arrêt, les éléments versés ne décrivent aucun agissement imputable au supérieur hiérarchique, tandis que la tenue d’une réunion d’agence qualifiée de « dégénérée » n’est étayée que par un témoignage imprécis. Pris ensemble, ces éléments ne franchissent pas le seuil probatoire requis pour caractériser des manquements disciplinaires réels et sérieux.
II. Sanction prud’homale et portée de la décision
A. Indemnisation encadrée par le barème légal
Constatant l’absence de cause réelle et sérieuse, la cour applique l’article L 1235-3 du code du travail, qu’elle rappelle en ces termes: « En vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau ». Elle détermine un salaire de référence intégrant treizième mois et prime de vacances au prorata, puis alloue une indemnité située dans la fourchette de trois à dix mois applicable à l’ancienneté retenue.
La cour précise en outre le régime social de l’indemnité, indiquant que « La cour n’a pas le pouvoir de déroger aux dispositions du code de la sécurité sociale ». Elle écarte ainsi la demande de qualification « nette », conformément au principe d’assujettissement légal éventuel. L’application combinée des textes confirme la vocation réparatrice du barème et la cohérence de l’évaluation, située à un niveau intermédiaire au regard de l’ancienneté et des éléments sur l’employabilité postérieure.
B. Remboursement des allocations et enseignements normatifs
Au titre des effets légaux du licenciement injustifié, la décision mobilise l’article L 1235-4 du code du travail, rappelant le principe suivant: « En application de l’article L 1235-4 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si le salarié a une ancienneté d’au moins 2 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage (…) dans la limite de 6 mois d’indemnités ». La cour ordonne en conséquence le remboursement à hauteur de six mois, assortissant la réparation individuelle d’une dimension dissuasive institutionnelle.
La portée de l’arrêt dépasse enfin l’espèce par son exigence méthodique en matière probatoire. L’insuffisance d’éléments matériels, la prévalence de témoignages de ressenti et l’absence de pièces médicales ou d’écrits circonstanciés ne permettent pas, à eux seuls, de faire basculer la conviction du juge. L’arrêt rappelle qu’un management contesté ne devient disciplinaire qu’à la condition d’une matérialité objectivée, contextualisée et causalement imputable, appréciée à l’aune du bénéfice du doute et de la délimitation stricte du litige par la lettre de rupture.