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Cour d’appel de Toulouse, 11 septembre 2025. La décision confirme un jugement du Conseil de prud’hommes de Toulouse du 18 janvier 2024 ayant admis la cause réelle et sérieuse d’un licenciement motivé par la suspension administrative du permis du salarié. Engagé en qualité d’itinérant commercial, celui-ci disposait d’un véhicule de fonction et couvrait un secteur vaste, comprenant des zones rurales exigeant des déplacements réguliers. À la suite d’un excès de vitesse survenu un week-end, le préfet a prononcé une suspension de quatre mois, que l’employeur a tenue pour incompatible avec l’exécution normale du contrat.
La procédure a opposé le salarié, qui contestait la nécessité du permis et invoquait des solutions alternatives, à l’employeur soutenant l’impossibilité objective de la prestation pendant la période de suspension. La juridiction d’appel rappelle le cadre probatoire en ces termes: «Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige», «Si un doute persiste, il profite au salarié», «La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée». La question posée était double: la suspension pour un fait de la vie personnelle peut-elle, en l’absence de faute disciplinaire, justifier un licenciement fondé sur la cause réelle et sérieuse; l’employeur devait-il accepter des aménagements transitoires ou attendre la récupération du permis. La cour confirme le licenciement, en retenant l’atteinte caractérisée à l’exécution du contrat et l’insuffisance des alternatives esquissées.
I – La reconnaissance d’une cause réelle et sérieuse en présence d’une impossibilité objective
A – L’atteinte à l’exécution du contrat, critère directeur
La cour souligne d’abord que l’origine extraprofessionnelle de la mesure n’est pas décisive dès lors que l’exécution du contrat s’en trouve empêchée. Elle énonce de manière nette: «le fait que la suspension administrative de permis de conduire soit due à un fait commis le week end en dehors des horaires de travail et dans le cadre de la vie privée n’empêche pas le licenciement si cette suspension a des effets sur l’exécution du contrat de travail». Le raisonnement dissocie la faute disciplinaire, absente, et l’impossibilité objective d’exécuter la prestation convenue, avérée.
Le contenu de la lettre de licenciement, qui borne le débat, décrit la nécessité matérielle du véhicule pour un poste itinérant, la nature des missions, et la densité des visites. Le cœur du motif est ainsi formulé: «Dès lors, l’utilisation d’un véhicule mis à disposition par l’entreprise est nécessaire pour mener à bien votre mission commerciale sur le terrain». L’argument tient à la structure de la prestation due, non à un grief moral. Cette orientation cadre avec l’exigence de réalité et de sérieux, centrée sur l’aptitude immédiate à remplir les fonctions prévues au contrat.
B – L’exigence implicite du permis pour une fonction itinérante
La cour retient ensuite le caractère implicite de l’exigence de permis, contre l’argument tiré du silence des pièces contractuelles. Elle affirme que, «même si les pièces contractuelles ne mentionnaient pas expressément que le salarié devait être en possession d’un permis de conduire, cette possession était implicite puisque [le salarié] bénéficiait d’un véhicule de fonction». La conclusion se fonde sur la logique des fonctions plutôt que sur une clause expresse, ce que renforce l’étendue géographique du secteur et l’insuffisance des transports.
Le besoin de déplacements est rappelé sans ambiguïté: «les fonctions elles-mêmes impliquaient bien des déplacements». La lettre confirme la centralité de la présence terrain et l’insusceptibilité d’un basculement durable vers le distanciel: «En outre, l’importance de la relation et du contact avec la clientèle dans l’exercice de vos fonctions ne permet pas d’envisager le passage vers un mode de traitement téléphonique ou un autre aménagement de votre poste de travail». La conséquence s’impose, en droit comme en fait: «Dans ces conditions, la suspension de votre permis de conduire ne vous permet plus d’exercer normalement votre prestation de travail».
II – Portée et appréciation de la solution retenue
A – Les aménagements transitoires et la proportionnalité du licenciement
La discussion portait sur la possibilité d’aménagements provisoires: conduite par un tiers, binôme, congés, télétravail. La cour souligne la faible opérabilité pratique des solutions proposées, l’impossibilité d’en confier l’exécution régulière à un tiers, et l’insuffisance des droits à congés pour couvrir quatre mois. Elle admet la cohérence de la dispense de préavis avec le motif, traduisant l’incompatibilité persistante entre la suspension et les fonctions. Au regard du cadre probatoire, deux rappels structurent l’analyse et emportent la conviction: «Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige» et «La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée».
L’économie générale de la motivation maintient un équilibre mesuré. La formule «Si un doute persiste, il profite au salarié» invite à une appréciation stricte des éléments, mais ce doute n’est pas retenu. La densité des déplacements requis et l’essence relationnelle des tâches suffisait, selon la cour, à caractériser l’atteinte substantielle. La solution confirme ainsi qu’un empêchement d’origine personnelle peut fonder un licenciement non disciplinaire, si l’impossibilité d’exécuter la prestation est suffisamment caractérisée et dépourvue d’alternative réaliste.
B – Temporalité de la cause et sécurité juridique de la rupture
Reste la question de la temporalité, l’intéressé soutenant avoir récupéré son permis avant l’expiration du préavis. La cour retient l’absence de preuve utile et rappelle, en filigrane, que l’appréciation s’opère à la date de la rupture telle que motivée. La borne du litige se déduit de la règle rappelée par la cour: «Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige». L’éventuelle évolution ultérieure, non établie et survenue tardivement, ne retire pas au motif son caractère réel et sérieux au moment de la décision.
La portée de l’arrêt est claire. En présence d’un poste dont l’aptitude au déplacement constitue un élément intrinsèque, l’exigence du permis peut être implicite et déterminante. L’origine personnelle de la mesure administrative n’empêche pas la rupture si l’empêchement rend la prestation impossible et si aucun aménagement viable n’émerge. La solution, solidement arrimée à la réalité des fonctions, conforte une ligne jurisprudentielle pragmatique, attachée à l’exécution effective du contrat et à la sécurité des motifs de licenciement.