- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2)
Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
La Cour d’appel de Toulouse, 17 juin 2025 (2e chambre), statue sur appel d’un jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 6 décembre 2023 dans une procédure de liquidation judiciaire ouverte le 22 mars 2012 à l’encontre d’un entrepreneur individuel. Après l’ouverture, un compte bancaire a été ouvert et crédité à plusieurs reprises entre 2016 et 2021. Le liquidateur a réclamé la restitution des sommes créditées au visa de l’article L.641-9 du code de commerce, soutenant l’inopposabilité des opérations en raison du dessaisissement.
Le premier juge a débouté l’ensemble des prétentions principales. En cause d’appel, le liquidateur a sollicité la condamnation de l’établissement bancaire, tandis que celui-ci a opposé la forclusion de l’article L.133-24 du code monétaire et financier et la prescription de l’article 2224 du code civil. Le débiteur a soulevé la nullité des assignations et une violation du secret bancaire. La Cour confirme la recevabilité de l’action du liquidateur, rejette la nullité, retient la prescription quinquennale à compter de la connaissance des opérations, ordonne la restitution partielle en déduisant la part insaisissable et déclare irrecevable l’action récursoire de l’établissement bancaire à l’encontre du débiteur en cours de procédure.
La question posée tenait, d’une part, à la recevabilité et au délai de l’action du liquidateur agissant pour la reconstitution du gage commun et, d’autre part, à l’étendue du dessaisissement sur un compte postérieurement ouvert, eu égard aux sommes insaisissables et aux droits du débiteur à un compte. La Cour répond par une infirmation partielle, condamnant l’établissement bancaire au paiement de 46 621,35 euros avec intérêts au taux légal depuis le 19 octobre 2021 et capitalisation, tout en écartant l’action récursoire contre le débiteur pendant la liquidation.
I – La solution de recevabilité et d’inopposabilité retenue par la Cour d’appel
A – Inapplicabilité de la forclusion de l’article L.133-24 CMF au liquidateur et point de départ de la prescription
La Cour écarte la fin de non‑recevoir tirée de l’article L.133-24 CMF, en soulignant que le liquidateur n’agit pas en représentation du débiteur utilisateur des services de paiement, mais dans l’intérêt collectif des créanciers. Elle juge ainsi, sans équivoque, que « C’est vainement que la banque soutient que le délai imposé au débiteur pour agir contre la banque s’impose également au liquidateur. » La ratio decidendi est claire : l’action ne vise pas la contestation d’opérations de paiement par l’utilisateur, mais la reconstitution du gage par l’inopposabilité des actes accomplis en violation du dessaisissement.
La prescription quinquennale de l’article 2224 s’applique, avec un point de départ fixé au jour de la connaissance des opérations litigieuses par le liquidateur, conformément à l’orientation rappelée par la Cour de cassation (Com., 3 février 2021, n° 19‑18.664). La Cour retient en conséquence que « L’action du liquidateur introduite par acte du 27 décembre 2021, moins de 5 ans après cette date, n’est donc pas prescrite. » La précision selon laquelle les relevés n’ont été communiqués qu’en 2021 assoit utilement la solution, centrée sur l’accessibilité effective à l’information.
B – Soumission du compte postérieur aux règles du dessaisissement et déduction des sommes insaisissables
La Cour articule le droit au compte et l’ordre public du dessaisissement. Elle rappelle que « Le fonctionnement de ce compte demeure soumis aux règles du dessaisissement qui interdit au débiteur tout acte de disposition sur l’ensemble de ses biens, y compris la part saisissable de ses salaires ou prestations sociales. » Le principe directeur est aussi nettement affirmé : « Ces dispositions sont d’ordre public et les actes accomplis en violation de cette règle sont inopposables à la procédure collective. » L’inopposabilité régit ainsi l’ensemble des opérations créditées qui ne sont pas légalement soustraites aux poursuites.
La Cour opère cependant une déduction méthodique des sommes insaisissables. Elle relève, d’une part, la fraction insaisissable des rémunérations et allocations, et, d’autre part, l’insaisissabilité des allocations logement durant la période antérieure à l’ordonnance de 2019. Elle en tire la conséquence réservée par le texte : « Puisque la portée du dessaisissement ne s’étend pas à la fraction des revenus présentant un caractère alimentaire, insaisissable, le liquidateur ne peut se prévaloir d’une violation du dessaisissement pour revendiquer le bénéfice de ces sommes. » Le quantum est donc cantonné à 46 621,35 euros, avec intérêts et anatocisme.
II – La portée pratique de la décision au regard de l’équilibre des intérêts en procédure collective
A – Droit au compte, protection alimentaire et reconstitution du gage : un équilibre pragmatique
La décision valide la coexistence entre droit au compte et dessaisissement, en refusant toute immunité générale liée au fonctionnement d’un compte postérieur. Le débiteur demeure autorisé à percevoir et utiliser la fraction insaisissable de ses revenus, sans que le dessaisissement n’y fasse obstacle. L’établissement bancaire ne peut être tenu au‑delà de ce que commande l’ordre public de l’insaisissabilité, précisément identifié et chiffré.
La méthode retenue, qui exige la preuve et l’individualisation des flux à caractère alimentaire, fournit un cadre opérationnel aux acteurs. Elle sécurise la reconstitution du gage en cantonnant la restitution aux seules sommes saisissables, tout en évitant une remise en cause des moyens d’existence du débiteur. L’économie générale de la liquidation en ressort clarifiée et prévisible.
B – Action récursoire du banquier contre le débiteur et temporalité procédurale
La Cour confirme la responsabilité personnelle possible du débiteur pour les actes commis pendant la liquidation, mais en borne l’action du créancier dans le temps de la procédure. Elle énonce que « Le créancier hors procédure ne pouvant être payé sur le gage commun des créanciers, il ne peut agir contre le débiteur pendant la durée de la procédure collective. (Com., 2 mai 2024, pourvoi n° 22‑21.148) » L’irrecevabilité n’anéantit pas le principe de responsabilité, elle en suspend l’exercice jusqu’à l’issue de la procédure.
Cette solution prévient des interférences avec l’ordre de paiement collectif et protège l’universalité du gage. Elle apporte une guidance utile aux établissements bancaires : la restitution due au titre de l’inopposabilité n’ouvre pas, in tempore, un recours immédiat contre le débiteur dessaisi. L’action récursoire demeure concevable, mais son déclenchement doit respecter la temporalité collective afin de ne pas perturber la liquidation en cours.