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La soumission au contrôle juridictionnel des clauses de déchéance du terme dans les contrats de crédit à la consommation constitue l’une des manifestations les plus significatives de la protection accordée à l’emprunteur défaillant. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse le 17 juin 2025 illustre cette exigence tout en rappelant les pouvoirs du juge en la matière.
En l’espèce, une banque a consenti à un particulier, suivant offre préalable acceptée le 25 septembre 2021, un prêt personnel d’un montant de 13 000 euros remboursable en soixante mensualités, moyennant un taux d’intérêt de 2,95 % l’an. L’emprunteur a cessé de régler les échéances à compter du mois de septembre 2022. La banque lui a adressé une mise en demeure le 8 décembre 2022, restée sans effet, puis a prononcé la déchéance du terme le 11 janvier 2023. Par acte du 18 octobre 2023, l’établissement de crédit a assigné l’emprunteur devant le juge des contentieux de la protection afin d’obtenir le paiement du solde du prêt.
Par jugement réputé contradictoire du 20 mars 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré irrecevables les demandes de la banque, estimant que celle-ci ne pouvait justifier de l’envoi d’une lettre recommandée restée sans effet pendant quinze jours conformément aux stipulations contractuelles. La banque a interjeté appel de cette décision le 29 mai 2024, soutenant à titre principal que le juge ne pouvait soulever d’office l’irrégularité de la déchéance du terme en l’absence du débiteur, et sollicitant à titre subsidiaire la résiliation judiciaire du contrat. L’emprunteur n’a pas constitué avocat en cause d’appel.
La question posée à la Cour d’appel de Toulouse était double : le juge des contentieux de la protection peut-il relever d’office l’irrégularité de la mise en œuvre de la clause de déchéance du terme, et à défaut de déchéance régulière, la résiliation judiciaire du contrat peut-elle être prononcée ?
La Cour d’appel de Toulouse confirme le jugement en ce qu’il a déclaré irrégulière la déchéance du terme, mais l’infirme partiellement en prononçant la résiliation judiciaire du contrat et en condamnant l’emprunteur au paiement du solde des échéances impayées.
Cet arrêt met en lumière l’office du juge dans le contentieux du crédit à la consommation (I) tout en consacrant la résiliation judiciaire comme voie de substitution à la déchéance du terme irrégulière (II).
I. L’office du juge confronté à l’irrégularité de la déchéance du terme
Le contrôle d’office exercé par le juge sur la régularité de la déchéance du terme (A) trouve son fondement dans l’exigence de protection effective du consommateur (B).
A. Le relevé d’office de l’irrégularité procédurale
La clause contractuelle stipulait que le prêteur pouvait se prévaloir de « l’exigibilité immédiate du solde, en capital, intérêts et accessoires » à condition d’adresser à l’emprunteur une « mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception restée sans effet pendant plus de 15 jours à compter de sa notification ». Cette formalité constitue une condition de fond de la déchéance du terme.
La Cour rappelle que « c’est à bon droit que le Premier juge a sollicité en cours de délibéré la preuve de l’envoi de la lettre intitulée ‘dernier avis avant déchéance du terme’ ». La banque n’étant pas en mesure de produire le justificatif demandé, tant en première instance qu’en appel, la déchéance du terme demeure irrégulière. La charge de la preuve pèse sur le créancier qui invoque le bénéfice de la clause résolutoire.
L’exigence d’une mise en demeure préalable par lettre recommandée avec accusé de réception répond à une double finalité. Elle permet d’abord d’informer l’emprunteur de la gravité de sa situation et de lui offrir un délai pour régulariser. Elle assure ensuite la traçabilité de cette information, protégeant ainsi le débiteur contre une invocation abusive de la clause.
B. Le fondement européen du pouvoir d’office du juge
La banque soutenait que le juge ne pouvait soulever d’office ce moyen en l’absence du débiteur défaillant. La Cour écarte cet argument en rappelant que « l’article R 631-1 du code de la consommation, reprenant l’article L 141-4 issu de la loi du 3 janvier 2008, lui confère la possibilité de relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application ».
La Cour renforce sa motivation en invoquant la jurisprudence européenne. Elle cite l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 mars 2020 selon lequel « le juge national a l’obligation d’examiner d’office l’existence de violations de ses obligations par le prêteur afin de garantir l’effectivité de l’objectif de protection du consommateur poursuivi par la directive 2008/48 CE ». Cette référence au droit de l’Union confère au pouvoir d’office du juge une dimension impérative.
La protection du consommateur ne saurait dépendre de sa comparution ou de sa capacité à invoquer les moyens de droit appropriés. L’absence du débiteur à l’instance ne prive pas le juge de son pouvoir de contrôle. Le respect du contradictoire demeure toutefois requis, ce qui explique que le premier juge ait sollicité la production de pièces en cours de délibéré avant de statuer.
II. La résiliation judiciaire, palliatif à la déchéance du terme irrégulière
La résiliation judiciaire offre au créancier une voie alternative lorsque la déchéance du terme est irrégulière (A), tout en préservant les intérêts du débiteur quant aux conséquences financières (B).
A. La gravité du manquement justifiant la résiliation
La banque sollicitait à titre subsidiaire la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement de l’article 1224 du Code civil. La Cour constate que l’emprunteur « a cessé de régler les échéances régulièrement appelées à compter du mois de septembre 2022 et n’a effectué aucun règlement depuis cette date ». L’inexécution perdure donc depuis plus de deux ans au jour de l’arrêt.
La Cour juge que « l’inexécution du contrat est suffisamment grave pour prononcer la résolution judiciaire du contrat ». Le défaut de paiement prolongé de l’intégralité des échéances caractérise un manquement essentiel aux obligations de l’emprunteur. La résiliation judiciaire constitue ainsi une sanction proportionnée à la gravité du comportement.
Cette solution permet de concilier deux impératifs. Le créancier conserve la possibilité d’obtenir satisfaction malgré l’irrégularité formelle de la déchéance du terme. Le débiteur bénéficie toutefois de la garantie que seul le juge peut constater la gravité suffisante du manquement. La voie judiciaire offre un contrôle que la clause résolutoire, par son automaticité, ne permet pas.
B. Les conséquences patrimoniales de la résiliation
La Cour condamne l’emprunteur au paiement de « la somme de 12 022 euros avec intérêts au taux contractuel de 2,95 % à compter du présent arrêt ». Ce montant correspond au solde des échéances impayées calculé à partir du tableau d’amortissement, déduction faite des dix échéances déjà réglées.
Le point de départ des intérêts fixé à la date de l’arrêt diffère de la demande de la banque qui sollicitait leur cours à compter de l’arrêté de compte du 11 juillet 2023. Cette solution se justifie par le fait que la déchéance du terme n’ayant pas été régulièrement acquise, le capital n’était pas exigible par anticipation. Seule la résiliation judiciaire rend la créance exigible, à compter de la décision qui la prononce.
La Cour rejette par ailleurs la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, estimant qu’il n’apparaît « pas inéquitable de laisser à la charge de la banque les frais irrépétibles qu’elle a exposés ». Cette décision sanctionne implicitement la négligence de l’établissement de crédit dans la conservation des preuves de l’envoi de la mise en demeure. L’emprunteur supporte toutefois les dépens en sa qualité de partie succombant au fond.