Cour d’appel de Toulouse, le 24 juillet 2025, n°23/04048

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Rendue par la Cour d’appel de Toulouse le 24 juillet 2025, la décision infirmant le jugement prud’homal tranche un contentieux de licenciement pour inaptitude à la suite de deux accidents du travail et d’un manquement allégué à l’obligation de sécurité. Le salarié, chauffeur-livreur, soutenait que l’inaptitude médicalement constatée découlait d’insuffisances de prévention, d’information et d’équipement. Le premier juge avait rejeté l’ensemble des demandes. L’appel interjeté conduisait à débattre du respect de l’obligation de sécurité au regard des manutentions manuelles et de l’accès à des moyens adaptés, ainsi que du lien causal avec l’inaptitude. La question posée tenait à savoir si, au vu des carences établies, le licenciement devait être privé de cause réelle et sérieuse. La cour répond positivement, retenant le manquement de l’employeur et l’imputabilité, au moins partielle, de l’inaptitude. Elle alloue des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manquement distinct, et ordonne le remboursement d’allocations de chômage dans la limite légale.

I. La consécration d’un contrôle rigoureux de l’obligation de sécurité

A. Le standard normatif et la charge probatoire
La cour rappelle d’abord le principe directeur qui gouverne le contrôle du licenciement pour inaptitude. Elle énonce que « le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il est établi que l’inaptitude a pour origine un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité ou un comportement fautif de celui-ci ». Cette formulation place le respect effectif des mesures de prévention, d’information et de formation au cœur de l’examen juridictionnel. Le cadre textuel est mobilisé, mais la motivation insiste sur l’office probatoire, en précisant que « il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a satisfait à son obligation de sécurité ». La démarche consiste donc à apprécier, au concret, si l’organisation du travail évitait la manutention manuelle, si des outils adaptés étaient disponibles, et si les salariés étaient formés aux gestes et postures.

Le contrôle se déploie ensuite sur les éléments produits par les parties. La cour vérifie la réalité des protocoles de sécurité, leur diffusion effective, l’actualisation du document unique, et l’existence d’équipements dédiés aux véhicules légers. La référence au cadre réglementaire de la manutention manuelle est contextualisée par l’activité de messagerie et le contenu des tournées. Le standard probatoire reste exigeant, mais pragmatique, pour tenir compte des contraintes opérationnelles et de l’historique des accidents.

B. La caractérisation des carences organisationnelles
La cour constate l’absence d’éléments probants sur la diffusion des protocoles, l’affichage et la mise à disposition des documents obligatoires, ainsi que sur l’équipement régulier des véhicules légers en moyens de manutention. Les attestations concordantes, portant sur l’inadaptation des matériels disponibles sur site et sur l’usage régulier de véhicules sans hayon, sont jugées crédibles. La motivation retient que l’employeur n’établit pas l’existence d’une organisation permettant d’éviter le recours à la manutention manuelle pour des charges parfois lourdes. Elle conclut en des termes clairs que « le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur est donc établi ».

Cette première séquence n’est pas purement descriptive. Elle articule la norme et les faits, et retient que la preuve de la prévention effective n’est pas rapportée. La formulation des constats, conjuguée à l’exigence probatoire, annonce la solution sur la causalité et la qualification du licenciement.

II. La portée en matière de causalité et de réparation

A. Lien de causalité et indépendance des ordres de protection
Sur le rapport entre le manquement et l’inaptitude, la cour mobilise les données médicales, les arrêts de travail et le rythme de la tournée reliant deux départements. La séquence factuelle du second accident est analysée avec précision, au regard des manutentions et de l’absence d’outils adaptés. La cour retient que « la réparation du préjudice résultant d’un licenciement pour inaptitude n’est pas subordonnée à la caractérisation préalable d’une faute inexcusable ». Elle précise surtout que « la cour considère disposer d’éléments suffisants pour dire que l’inaptitude du salarié […] présente un lien de causalité, au moins partiel avec un manquement de l’employeur ».

Ce faisant, la motivation s’inscrit dans une logique d’indépendance des régimes de responsabilité et d’autonomie du contentieux prud’homal. Le refus antérieur de l’organisme social de relier l’inaptitude à l’accident ne prive pas le juge du travail de son pouvoir d’appréciation. L’articulation des preuves est claire, la causalité étant retenue sans exiger une imputabilité exclusive.

B. Architecture indemnitaire et enseignements pratiques
La solution emporte privation de cause réelle et sérieuse du licenciement. Le raisonnement s’achève par l’octroi d’une indemnité dans le cadre barémisé, au vu de l’ancienneté, du salaire de référence et de la situation personnelle. La cour admet en outre un préjudice distinct, tiré du défaut de prévention et d’équipement, et motive que « le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité […] a causé un préjudice à celui-ci, distinct de la perte d’emploi ». La condamnation inclut également les frais irrépétibles, et le remboursement légal des prestations de chômage dans la limite prévue.

L’enseignement pratique est net. La preuve attendue ne se limite pas à des protocoles généraux ou à des achats postérieurs. Elle exige la démonstration d’une prévention opératoire, adaptée aux véhicules légers, aux flux et aux colis, avec formation effective et traçable. La portée de l’arrêt incite à une vigilance renforcée sur la manutention manuelle dans la messagerie, où l’intensité temporelle rend indispensables des moyens mécaniques et des consignes diffusées.

Dans son ensemble, l’arrêt articule fermeté sur l’obligation de sécurité et mesure dans l’évaluation du lien causal. Il consacre un contrôle substantiel de la prévention, puis ajuste les réparations en séparant le préjudice de rupture et le préjudice autonome lié aux carences de sécurité. L’équilibre ainsi atteint conforte la fonction pédagogique du juge dans les organisations exposées à la manutention répétée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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