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La Cour d’appel de Toulouse (27 juin 2025) statue sur un litige prud’homal consécutif à un licenciement intervenu au terme du premier confinement sanitaire. Un salarié, engagé en 2018 comme graphiste dans une entreprise de moins de onze salariés, a été placé en activité partielle. Il n’a pas repris le travail le 11 mai 2020, a été convoqué le 14 mai et licencié le 29 mai pour cause réelle et sérieuse. Saisi, le conseil de prud’hommes de Toulouse, formation de départage (29 juin 2023), a notamment retenu l’absence de cause réelle et sérieuse, accordé un rappel d’heures supplémentaires et l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ainsi qu’une réparation au titre du droit à l’image. L’employeur a interjeté appel, le salarié a sollicité la confirmation partielle et l’aggravation de certaines condamnations.
La cour devait préciser si les griefs articulés par la lettre de licenciement, tenant à un abandon de poste, à un courriel jugé irrévérencieux et à une exécution défectueuse, caractérisaient une cause réelle et sérieuse. Elle devait également trancher les demandes accessoires relatives aux heures supplémentaires, au travail dissimulé, à l’activité partielle, à la complémentaire santé, à la prime de vacances et au droit à l’image.
La Cour d’appel confirme l’absence de cause réelle et sérieuse et applique le barème d’indemnisation. Elle confirme en partie le rappel d’heures supplémentaires tout en écartant le travail dissimulé. Elle retient une atteinte au droit à l’image, en réduisant le quantum, et déboute les autres prétentions. « Le licenciement ne repose donc pas sur une cause réelle et sérieuse. »
I. La cause réelle et sérieuse à l’épreuve des griefs
A. Abandon de poste et liberté d’expression en contexte de crise
La cour recadre d’abord l’absence du 11 mai 2020 à l’aune des échanges antérieurs et des contraintes objectives de transport. Elle relève l’information loyale du salarié et l’absence de mise en demeure utile. Le juge d’appel approuve le premier degré qui a tenu compte du contexte sanitaire et de la distance. La solution s’enracine dans l’appréciation in concreto que commande l’article L. 1235-1 du code du travail.
La cour précise le droit applicable à l’expression du salarié. Elle rappelle que « Il s’en déduit que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ». Le message électronique incriminé, rédigé sur un ton ironique et adressé à l’interne, ne contenait ni injure ni diffamation. La culture d’entreprise traduisait par ailleurs une relative tolérance. D’où cette affirmation nette : « La cour en déduit que le salarié n’a commis aucun abus dans l’usage de sa liberté d’expression, n’ayant tenu aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif ».
B. Imprécision des manquements et force obligatoire de la lettre
Le juge d’appel contrôle strictement l’office de la lettre de rupture. « Sur ce point, les termes de la lettre de licenciement sont imprécis, faisant référence à un manque de motivation et de rigueur. » L’employeur n’apporte aucun élément circonstancié sur l’exécution défectueuse. La lettre fixe les limites du litige, et l’absence de preuve convaincante emporte rejet des griefs. « Le licenciement ne repose donc pas sur une cause réelle et sérieuse. »
S’agissant de la réparation, la cour applique le barème d’indemnisation. Elle rappelle que « Par arrêt du 11 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation statuant en formation plénière a validé l’application de ce barème d’indemnisation du salarié ». Elle alloue une somme comprise dans la fourchette pertinente, sans écarter le mécanisme. La demande d’indemnité pour irrégularité procédurale ne peut se cumuler. « Il en résulte que les indemnités prévues en cas de rupture dépourvue de motifs réels et sérieux ne se cumulent pas avec celles sanctionnant l’inobservation des règles de forme. »
II. La preuve du temps de travail et ses prolongements
A. Heures supplémentaires reconnues et travail dissimulé écarté
La cour mobilise la règle probatoire spécifique. Le salarié présente un décompte précis et une attestation hiérarchique. L’employeur échoue à produire un système fiable de suivi. « Il s’en déduit que l’employeur échoue à démontrer qu’un horaire collectif était mis en place sur la période considérée ». La mise en avant tardive de « fiches navettes » ne suffit pas. La formulation est exigeante : « L’existence d’un système de déclaration a posteriori d’heures supplémentaires par le salarié soumis à validation par sa hiérarchie, dont il ressort au demeurant des débats qu’il n’a été porté à la connaissance du salarié qu’en février 2020, n’est pas de nature à décharger l’employeur de son obligation de contrôler la durée de travail de ses salariés et ne vaut pas décompte de la durée de travail de ces derniers. »
La reconnaissance limitée d’heures supplémentaires ne bascule pas vers la dissimulation d’emploi. L’intention reste une condition cardinale. La cour souligne que « la dissimulation d’emploi salarié prévue par les textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle ». Elle refuse d’inférer cette intention du seul volume d’heures retenu. Le sursis à statuer est également écarté, la procédure pénale évoquée étant étrangère au litige. L’économie du contrôle demeure mesurée et fidèle au texte.
B. Droit à l’image et demandes accessoires
La cour rappelle le cadre civil. « La seule constatation de l’atteinte au respect du droit à l’image ouvre droit à réparation. » L’employeur a publié sur son site la photographie du salarié, identifiable, sans autorisation préalable suffisamment claire. La constatation est précise : « Il ressort de l’ensemble des éléments versés aux débats que l’employeur a utilisé une photographie faisant apparaître le salarié sur son site internet sans être en mesure de justifier d’un accord préalable de sa part ». La réparation est modeste, ce qui traduit une mesure dans l’évaluation du préjudice moral.
Les autres demandes accessoires sont rejetées faute de preuve. Le rappel de salaires pendant l’activité partielle n’est pas établi. La portabilité de la complémentaire n’occasionne aucun dommage démontré. Le retard dans le versement de la prime de vacances ne révèle ni préjudice, ni mauvaise foi. La cohérence d’ensemble s’affirme ; la cour circonscrit la réparation au dommage certain, sans céder à la tentation indemnitaire.