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Par un arrêt du 3 juillet 2025, la Cour d’appel de Toulouse, statuant sur l’appel d’un jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 24 avril 2024, prononce la radiation de l’affaire en raison du défaut de diligences des parties consécutif à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société appelante.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Le 16 octobre 2001, un particulier souscrit un contrat individuel d’assurance sur la vie à capital variable auprès d’une compagnie d’assurance de droit luxembourgeois, pour une durée de vingt ans. Le contrat prend effet le 25 novembre 2001 et prévoit des échéances annuelles de 731,76 euros. Un avenant est établi le 18 décembre 2017, à effet au 1er décembre 2018, pour transformer les versements en échéances mensuelles.
Par acte du 12 septembre 2022, le souscripteur assigne la société d’assurance devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins de condamnation au paiement de diverses sommes en exécution du contrat ainsi qu’à l’indemnisation de son préjudice. Par jugement réputé contradictoire du 24 avril 2024, le tribunal condamne la société à verser au demandeur la somme de 8 232,24 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré, puis au double du taux légal, ordonne la capitalisation des intérêts, et alloue en outre 3 000 euros de dommages-intérêts ainsi que 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société d’assurance interjette appel le 24 avril 2023. Au cours de l’instance d’appel, par message du 13 mai 2025, le conseiller de la mise en état prend acte de l’interruption de la procédure en raison de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société appelante. Les parties n’effectuent pas les diligences nécessaires pour faire intervenir les organes de la procédure collective.
La question posée à la Cour d’appel de Toulouse était de déterminer les conséquences procédurales du défaut de diligences des parties pour reprendre l’instance interrompue par l’effet de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
La Cour d’appel de Toulouse prononce la radiation de l’affaire. Elle retient que « l’affaire n’est pas en état, les parties n’ayant pas effectué les diligences nécessaires pour faire intervenir les organes de la procédure de liquidation ». Elle ordonne que l’affaire soit retirée du rang des procédures en cours et précise qu’elle « ne pourra être rétablie que sur justificatif de l’accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation ».
Cette décision illustre l’articulation entre les règles gouvernant l’interruption de l’instance et les pouvoirs du juge en matière de radiation pour défaut de diligences. Il convient d’examiner successivement le mécanisme de l’interruption de l’instance consécutive à l’ouverture d’une procédure collective (I), puis le régime de la radiation pour défaut de diligences et ses effets sur le sort de l’instance (II).
I. L’interruption de l’instance par l’effet de l’ouverture d’une procédure collective
L’interruption de l’instance constitue un incident affectant le cours du procès. La présente décision permet d’en préciser le fondement juridique (A) avant d’en analyser les effets sur les obligations des parties (B).
A. Le fondement de l’interruption liée à la procédure de liquidation judiciaire
L’article L. 622-22 du code de commerce prévoit que le jugement d’ouverture d’une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent. Cette règle, applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l’article L. 641-3 du même code, vise à protéger l’égalité des créanciers et à permettre le traitement collectif du passif.
En l’espèce, la Cour d’appel de Toulouse relève que le conseiller de la mise en état a pris acte de l’interruption de la procédure « en raison de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ». Cette interruption s’impose de plein droit dès le prononcé du jugement d’ouverture, sans qu’il soit nécessaire qu’une partie la soulève.
L’interruption de l’instance diffère de la suspension en ce qu’elle ne résulte pas d’une décision du juge mais de la survenance d’un événement prévu par la loi. Elle paralyse le cours de la procédure jusqu’à ce que les conditions de sa reprise soient réunies.
B. L’obligation de mise en cause des organes de la procédure collective
La reprise de l’instance interrompue suppose l’accomplissement de diligences particulières. L’article L. 622-22 du code de commerce impose que l’instance soit reprise par ou contre le mandataire judiciaire, ou par ou contre le liquidateur en cas de liquidation judiciaire. Cette exigence garantit la représentation du débiteur dessaisi et la protection des intérêts de la collectivité des créanciers.
La Cour d’appel de Toulouse constate que « les parties n’ayant pas effectué les diligences nécessaires pour faire intervenir les organes de la procédure de liquidation ». Cette formulation souligne que l’obligation de reprendre l’instance pèse sur l’ensemble des parties, et non sur l’une d’elles exclusivement. Le créancier poursuivant comme le débiteur en liquidation ont intérêt à la reprise de l’instance, selon des modalités différentes.
L’inertie des parties, en l’absence de toute initiative pour faire intervenir le liquidateur, place l’affaire dans une situation d’impasse procédurale que seule la radiation permet de résoudre provisoirement.
II. La radiation pour défaut de diligences et ses conséquences sur l’instance
La radiation constitue la sanction procédurale du défaut de diligences des parties. Il convient d’en examiner les conditions d’application (A) puis d’en mesurer les effets sur la pérennité de l’instance (B).
A. Les conditions de la radiation fondée sur l’article 381 du code de procédure civile
L’article 381 du code de procédure civile dispose que le juge peut radier l’affaire « lorsque les parties n’accomplissent pas les actes de la procédure dans les délais impartis ». Cette mesure d’administration judiciaire sanctionne l’inertie des parties et permet de désengorger les rôles des juridictions.
La Cour d’appel de Toulouse vise expressément les articles 381 et 383 du code de procédure civile pour fonder sa décision. Elle relève que « l’affaire n’est pas en état » et prononce la radiation « pour défaut de diligences ». La motivation, bien que succincte, caractérise le manquement des parties à leurs obligations procédurales.
La radiation se distingue du désistement ou de la péremption en ce qu’elle n’éteint pas l’instance. Elle constitue une mesure conservatoire qui suspend le cours de la procédure sans y mettre fin. L’affaire est simplement retirée du rôle, dans l’attente d’une éventuelle réinscription.
B. Les effets de la radiation sur la pérennité de l’instance
L’article 383 du code de procédure civile précise que la radiation ne constitue pas une mesure d’extinction de l’instance. L’affaire peut être rétablie sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation.
La Cour d’appel de Toulouse reprend cette règle en indiquant que l’affaire « ne pourra être rétablie que sur justificatif de l’accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation ». Cette formulation conditionne le rétablissement à la preuve de la mise en cause effective des organes de la procédure collective.
La réserve des dépens traduit le caractère provisoire de la mesure. La juridiction conserve le pouvoir de statuer ultérieurement sur la charge des frais, lors du rétablissement éventuel de l’affaire ou à l’occasion d’une décision mettant fin à l’instance.
La radiation n’interrompt pas le délai de péremption de deux ans prévu par l’article 386 du code de procédure civile. Les parties demeurent donc tenues d’accomplir les diligences nécessaires dans ce délai, faute de quoi l’instance serait éteinte par l’effet de la péremption. Cette articulation entre radiation et péremption confère à la présente décision une portée pratique significative pour les créanciers confrontés à la défaillance de leur débiteur.