Cour d’appel de Toulouse, le 3 septembre 2025, n°24/01045

Par un arrêt du 3 septembre 2025, la Cour d’appel de Toulouse s’est prononcée sur la validité d’une attestation de fin de bail rural dont la signature était contestée par le bailleur. Cette décision s’inscrit dans le contentieux récurrent de la preuve de la résiliation amiable des baux à ferme.

Un propriétaire avait donné à bail à ferme plusieurs parcelles agricoles par acte du 31 janvier 2003. Le 28 août 2012, le preneur acquérait certaines de ces parcelles, à l’exception d’une seule demeurant en location. Le bailleur saisissait le tribunal paritaire des baux ruraux en 2021 pour obtenir la résiliation du bail, le paiement des fermages impayés et la remise en état de la parcelle. Le preneur opposait l’existence d’une attestation de fin de bail signée le jour de la vente, emportant résiliation amiable du contrat.

Le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Gaudens, par jugement du 11 janvier 2024, déboutait le bailleur de l’ensemble de ses demandes, estimant que l’attestation de fin de bail établissait la résiliation du contrat. Le bailleur interjetait appel, contestant avoir signé ce document et sollicitant une vérification d’écriture.

La question posée à la Cour d’appel de Toulouse était de savoir si l’attestation de fin de bail produite par le preneur, dont la signature était contestée par le bailleur, établissait une résiliation amiable du bail rural rendant irrecevables les demandes en paiement de fermages.

La cour confirme le jugement de première instance. Elle procède elle-même à la comparaison des signatures après réouverture des débats pour production de l’original du document litigieux. Elle conclut à l’identité des signatures et retient que le bail a bien été résilié le 28 août 2012.

Cette décision invite à examiner successivement la méthode de vérification d’écriture retenue par la cour (I), puis les conséquences probatoires de la résiliation amiable d’un bail rural (II).

I. La vérification d’écriture par comparaison directe du juge

La cour exerce pleinement son pouvoir de vérification des écritures contestées (A), en s’appuyant sur une méthode comparative fondée sur des éléments de preuve extrinsèques (B).

A. L’exercice du pouvoir de vérification prévu à l’article 287 du code de procédure civile

L’article 287 du code de procédure civile confère au juge un pouvoir de vérification de l’écrit contesté lorsqu’une partie dénie l’écriture qui lui est attribuée. La cour rappelle cette disposition et choisit de procéder elle-même à l’examen du document litigieux.

La réouverture des débats ordonnée par arrêt avant-dire-droit du 1er avril 2025 « pour production en original du document intitulé attestation de fin de bail » témoigne du soin apporté à cette vérification. La cour entendait disposer du document authentique pour effectuer une comparaison fiable, les « mauvaises photocopies qui avaient été initialement présentées » ne permettant pas un examen satisfaisant.

Cette démarche s’inscrit dans la tradition jurisprudentielle selon laquelle le juge peut statuer sans recourir à une expertise graphologique dès lors qu’il s’estime suffisamment éclairé. Le refus d’ordonner une vérification d’écriture avant-dire-droit, confirmé en appel, traduit cette appréciation souveraine de la juridiction.

B. La comparaison avec des documents de référence incontestés

La méthode employée par la cour repose sur la confrontation de la signature litigieuse avec plusieurs documents dont l’authenticité n’est pas discutée. Elle compare l’attestation contestée avec le bail à ferme du 31 janvier 2003, l’acte notarié du 28 août 2012, un engagement de paiement du 12 juillet 2022 et une photocopie de carte d’identité.

La cour relève que « les signatures sont toutes identiques en ce qu’elles mentionnent toutes le nom puis le prénom de l’intéressé d’une écriture lisible, le G du nom n’étant pas écrit en script mais en écriture cursive, avec pour le prénom, une boucle reliant le a au e, le l ayant une boucle ». Cette analyse détaillée des caractéristiques graphiques démontre la rigueur de l’examen.

La multiplicité des documents de comparaison renforce la solidité de la conclusion. L’acte notarié du 28 août 2012 présente un intérêt particulier puisqu’il a été signé le même jour que l’attestation contestée, dans un contexte où les parties procédaient à la vente de parcelles et à la régularisation de leur situation contractuelle.

II. Les effets de la résiliation amiable sur les obligations du bail rural

La reconnaissance de la validité de l’attestation de fin de bail emporte extinction des obligations contractuelles (A), tandis que les éléments invoqués par le bailleur pour établir la persistance du bail sont écartés (B).

A. L’extinction des obligations nées du bail par l’accord des parties

Le bail rural peut prendre fin par la volonté concordante des parties. L’attestation de fin de bail du 28 août 2012, dont la cour reconnaît la validité, constitue la preuve de cet accord. Le bailleur soutenait qu’« aucune résiliation amiable ne peut être invoquée en l’absence de volonté non équivoque des parties pour mettre fin au bail ». Cette argumentation est implicitement rejetée par la cour qui retient que « le contrat de ferme concernant la parcelle a bien été résilié le 28 août 2012 ».

La concomitance entre la vente de certaines parcelles et la signature de l’attestation de fin de bail éclaire le contexte de cette résiliation. Le preneur exposait que le bailleur lui avait « demandé de renoncer au bail sur la parcelle afin de pouvoir la vendre à un cousin propriétaire du fonds voisin ». Cette explication confère une cohérence à l’opération globale du 28 août 2012.

La reconnaissance de la résiliation amiable prive de fondement les demandes en paiement de fermages. La cour confirme le rejet de la demande « en paiement de fermage et de remise en état de la parcelle ». Le bailleur ne peut réclamer l’exécution d’obligations contractuelles éteintes depuis plus de neuf années au moment de sa saisine du tribunal.

B. L’insuffisance des indices contraires invoqués par le bailleur

Le bailleur faisait valoir que la parcelle demeurait inscrite à la MSA au compte du preneur, ce qui établirait la persistance de l’exploitation et donc du bail. La cour écarte cet argument en relevant qu’il s’agit « d’une simple déclaration unilatérale » dépourvue de valeur probante quant à l’existence du bail.

La cour renforce son analyse par un argument a contrario. Elle constate qu’une autre parcelle appartenant au bailleur figure également dans la déclaration MSA du preneur alors qu’elle « n’est pas louée à l’intimé ». Cette circonstance démontre que la déclaration administrative ne reflète pas nécessairement la réalité des relations contractuelles entre les parties.

Le procès-verbal de constat du 28 juin 2021 établi par le bailleur lui-même vient paradoxalement conforter la thèse de la résiliation. La cour relève que ce document démontre que « la parcelle n’est plus exploitée ». Le bailleur « ne peut dès lors prétendre à la persistance de l’exploitation ». Cette constatation factuelle corrobore l’effectivité de la résiliation intervenue en 2012 et l’abandon subséquent de la parcelle par le preneur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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