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La cour d’appel de Toulouse, 3 septembre 2025, statuant sur renvoi après cassation, tranche un contentieux de baux ruraux opposant un preneur à ses bailleurs, réunissant une SCI et un GFA. Les débats portent sur l’exigibilité d’un loyer d’habitation prétendument inclus dans le fermage, sur le loyer des bâtiments d’exploitation, sur les fermages des terres et accessoires fiscaux, ainsi que sur une indemnité de sortie de fermage. La décision intervient après un arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 14 décembre 2011 et une cassation procédurale rendue le 12 septembre 2024.
En 1985, un bail notarié à long terme au profit du preneur a fixé, pour les terres du GFA, un fermage en nature de 180 quintaux de blé. Un acte manuscrit a, parallèlement, attaché au bail de la SCI un fermage de 6 quintaux par hectare. Un écrit non daté du gérant a ultérieurement indiqué l’inclusion du loyer de la maison d’habitation dans le fermage. Les bailleurs ont réclamé des arriérés de fermages et loyers, des taxes et une indemnisation. Le tribunal paritaire a ordonné expertise puis condamné le preneur à divers paiements. La cour d’appel de Montpellier a confirmé le 23 mars 2021. La Cour de cassation, 12 septembre 2024, a cassé pour violation de l’article 468 du code de procédure civile, rappelant qu’« il résulte de ce texte que, si, sans motif légitime, l’appelant ne comparait pas, seul l’intimé peut requérir une décision au fond ».
La cour d’appel de Toulouse, saisie après renvoi, retient que l’arrêt du 14 décembre 2011 a statué sur l’inclusion du loyer d’habitation dans le fermage. Elle déclare donc irrecevable la nouvelle demande de loyer pour la maison, confirme et actualise les condamnations relatives aux bâtiments d’exploitation, aux fermages des terres et aux taxes, et rejette l’indemnité de sortie de fermage ainsi que la demande de dommages-intérêts. Elle s’appuie notamment sur cette affirmation de principe: « Il appartient à une partie de présenter dès l’instance initiale l’ensemble des moyens qu’elle estime de nature à justifier la demande ».
I. L’autorité de la chose jugée et l’irrecevabilité de la demande de loyer d’habitation
A. La portée de l’arrêt de Montpellier du 14 décembre 2011 sur l’inclusion du loyer d’habitation
La cour toulousaine rattache le litige d’habitation à l’autorité de la chose jugée issue de l’arrêt de Montpellier, qui avait interprété l’écrit du gérant. Celui-ci précisait que « le loyer de la maison (…) est désormais inclus dans le montant initial du bail ». La cour d’appel de Montpellier avait ainsi énoncé que « le prix du fermage intègre depuis mars 1999 le loyer de la maison qu’il occupait qui appartient à la SCI ». L’autorité de la chose jugée s’attache au dispositif, éclairé par des motifs décisifs, lorsque l’objet, la cause et la qualité des parties coïncident.
La cour de Toulouse rappelle que « Seule la démonstration d’événements postérieurs modifiant la situation antérieurement reconnue en Justice est de nature à faire obstacle à l’autorité de chose jugée ». Les bailleurs invoquaient l’ordre public du barème de l’article L. 411-11 du code rural pour isoler un loyer d’habitation. La juridiction d’appel juge toutefois qu’un moyen nouveau ne peut remettre en cause la décision antérieure, faute d’événement postérieur pertinent. Le contentieux reste borné par la solution de 2011, qui a intégré le loyer d’habitation au prix du bail.
B. La qualification d’irrecevabilité et ses effets dans le procès après renvoi
La cour opère une qualification claire en droit processuel. Conformément à l’article 122 du code de procédure civile, la demande tendant à obtenir un loyer séparé pour la maison est déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée. Cette qualification place hors de cause l’examen du fond de la licéité, au regard du droit rural, de l’inclusion du loyer d’habitation dans le fermage. La cour souligne que la contestation devait être soulevée lors du contentieux clos par l’arrêt de 2011.
Sur le plan procédural, la cassation du 12 septembre 2024 n’affecte pas l’analyse de fond. L’arrêt relève, pour mémoire, que la haute juridiction a censuré la décision de 2021 au motif que, « en statuant ainsi, alors qu’elle n’avait pas été requise par l’intimée de statuer sur le fond, la cour a violé le texte visé ». Le renvoi a rétabli le débat contradictoire sans rouvrir les points définitivement jugés en 2011. La cour, logiquement, ferme la voie aux prétentions d’habitation et recentre l’instance sur les loyers d’exploitation, les fermages et leurs accessoires.
II. La structuration des loyers et fermages: bâtiments d’exploitation, terres et accessoires
A. Le loyer des bâtiments d’exploitation: distinction des titres et validation de l’évaluation expertale
La cour distingue les assiettes et les titres. Le bail notarié du GFA concerne les terres et non les bâtiments implantés sur des parcelles appartenant à la SCI. Le document manuscrit de la SCI ne vise pas les bâtiments d’exploitation. En conséquence, « C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que le locataire était redevable à la SCI d’un loyer au titre de ces bâtiments ». L’expertise a ventilé loyers et fermages conformément aux exigences de L. 411-11, en retenant une valeur annuelle de 1 500 euros pour les bâtiments.
La cour constate l’absence de contestation précise de l’évaluation chiffrée et confirme 10 500 euros pour 2012-2018. Elle ajoute 8 000 euros pour 2019-2024, en tenant compte d’une réduction non contestée en 2024. Elle rappelle que « l’expert a chiffré le montant du loyer dû pour ces bâtiments à 1500 € par an ». La méthode repose sur la ventilation tripartite classique: habitation écartée par l’autorité de chose jugée, exploitation tarifée selon l’expertise, et terres valorisées en nature convertie.
B. Les fermages des terres, les accessoires fiscaux et l’indemnité de sortie de fermage
Les fermages dus au GFA sont arrêtés conformément aux surfaces, aux natures culturales retenues par l’expert et aux équivalences en blé. La cour confirme 22 053,87 euros pour 2012-2017, constate l’accord sur 10 709,38 euros pour 2018-2020, et alloue 15 586,56 euros pour 2021-2024. Pour la SCI, elle valide 7 382,57 euros pour 2012-2017, puis 8 802,59 euros pour 2018-2024. Elle écarte l’argument selon lequel la formule « 6 quintaux hectare » viserait un plafond global, retenant l’interprétation hectare par hectare adoptée par les premiers juges et l’expert.
S’agissant des taxes, la participation de 20 % est admise, les pièces fiscales et bordereaux attestant de l’acquittement. Sont donc confirmés 1 288,40 euros au GFA et 474,24 euros à la SCI pour 2012-2018, puis 558,40 euros au GFA et 249,80 euros à la SCI pour 2021-2024. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères est accordée à la SCI pour 2012-2013 (1 356 euros) et pour 2021-2023 (1 636 euros), au vu des avis d’imposition réguliers.
L’indemnité de sortie de fermage est refusée faute d’autorisation préalable, de notification régulière et en raison de l’amortissement acquis sur des travaux anciens. La cour énonce que « À défaut, les travaux réalisés ne peuvent pas être pris en considération pour le calcul de l’indemnité due au preneur sortant ». Elle constate, en outre, la faiblesse probatoire d’une expertise amiable ayant neutralisé l’amortissement légal et l’absence de démonstration d’une plus-value effective sur certains postes.
La demande de dommages-intérêts moratoires est rejetée. La juridiction relève qu’« il n’est pas justifié de la mise en demeure » et qu’aucune pièce comptable ne démontre un préjudice distinct, la mauvaise foi n’étant ni alléguée ni établie. Les dépens suivent la succombance, incluant les frais d’expertise, tandis que les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées pour équité.