Cour d’appel de Toulouse, le 4 juillet 2025, n°23/00937

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La Cour d’appel de Toulouse, le 4 juillet 2025, confirme l’irrecevabilité d’une contestation de licenciement formée hors délai, dans un contexte de contrat international. Un salarié employé en France, sous contrat à durée indéterminée soumis au droit allemand par clause expresse, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Ayant saisi la juridiction prud’homale plus de trois semaines après la notification, l’employeur oppose le délai de l’article 4 de la loi allemande relative à la protection contre les licenciements. Le jugement prud’homal du 13 février 2023 avait accueilli cette fin de non‑recevoir. L’appelant soutenait l’applicabilité de dispositions françaises impératives, l’inopposabilité du bref délai allemand et, subsidiairement, une prolongation du délai au titre du § 5. La cour rejette ces thèses.

La question posée tenait à la détermination de la loi applicable et, surtout, à la qualification du délai de trois semaines prévu par le droit allemand au regard de la Convention de Rome de 1980. Fallait‑il traiter ce délai comme une règle impérative française plus favorable, ou comme une modalité procédurale valable si l’accès au juge demeure effectif. La cour retient l’applicabilité du § 4, juge le délai français de douze mois non impératif au sens de l’ordre public international, et confirme l’irrecevabilité. La solution est motivée par une lecture articulée de la clause de loi applicable, de l’article 6 de la Convention et de la distinction entre protection substantielle et délais procéduraux.

I. Détermination de la loi applicable et qualification du délai

A. Choix de loi et dispositions impératives

La cour constate un choix exprès du droit allemand, conforme à l’article 3 de la Convention de Rome, et vérifie la protection impérative due au salarié au titre de l’article 6. Elle relève que le travail était habituellement exécuté en France, ce qui impose d’appliquer, à titre impératif, les dispositions françaises plus favorables lorsque la protection l’exige. La motivation précise cependant que l’employeur a seulement rappelé les règles françaises impératives pour l’inaptitude, sans renoncer au droit choisi.

La cour affirme ainsi que « le rappel des textes ainsi applicables […] ne peut dès lors s’analyser […] comme traduisant une volonté […] de renoncer à l’application du droit allemand […] mais comme la simple expression de l’application des règles impératives, car plus protectrices, de la loi française qui s’imposent ». Le raisonnement distingue la cause de rupture régie par la protection la plus favorable, et les conséquences contentieuses gouvernées par la loi choisie, sauf contrariété à l’ordre public international.

B. Nature procédurale du délai de contestation

Le cœur du litige porte sur la qualification du délai de trois semaines du § 4 KSchG. La cour retient sa nature procédurale, étrangère aux lois de police, à la différence des garanties substantielles liées à la rupture. Elle énonce que « le délai de prescription français plus favorable au salarié ayant un caractère non impératif au sens de l’ordre public international, le délai consacré par le §4 du KschG doit trouver application au cas d’espèce ». La solution repose sur l’exigence de ne pas priver d’accès au juge, plutôt que d’imposer le délai français.

Le motif central est formulé en ces termes: « A cet égard, il est de jurisprudence établie que, dès lors que le salarié n’est pas privé du droit d’accès au juge, les règles de procédure aménageant les délais de saisine des juridictions du travail, ne portent pas atteinte aux dispositions impératives de la loi française ». La cour exclut en outre tout vice formel tiré de la langue de la lettre, jugeant que « l’usage de la langue française est sans incidence sur la régularité du courrier de licenciement ». Elle refuse enfin d’ériger en condition l’information du salarié sur le bref délai.

II. Appréciation de la solution et de sa portée

A. Cohérence au regard du droit international privé du travail

La décision s’inscrit dans une ligne classique distinguant la protection substantielle impérative et les délais contentieux, lesquels relèvent des modalités procédurales admises. La référence aux motifs adoptés, selon lesquels un bref délai n’est pas contraire à l’ordre public international, confirme l’approche. Le contrôle porte sur l’effectivité de l’accès au juge, non sur l’harmonisation des durées d’action. Cette cohérence est renforcée par l’examen des formalités du § 623 BGB, jugées satisfaites.

La cour écarte l’allégation de déloyauté, en se référant aux solutions constantes du contentieux allemand, reproduites par elle: « l’employeur n’est pas tenu en vertu de son devoir de prévenance, d’attirer l’attention du salarié sur le délai d’introduction d’action ». Elle insiste, toujours par reprise d’autorités, sur la vigilance requise: « l’ignorance des dispositions légales ne constitue pas une excuse suffisante pour le non respect du délai (…) Le salarié doit connaître les grandes lignes de la législation […] ou du moins s’informer ». L’articulation des sources demeure ainsi lisible.

B. Enjeux pratiques pour les relations de travail transnationales

La portée pratique est nette pour les contrats exécutés en France mais soumis à une loi étrangère choisie. Les acteurs doivent isoler les garanties substantielles d’ordre public de la mécanique procédurale applicable à la contestation. La décision invite à une diligence accrue dans les délais, même lorsque la lettre de rupture rappelle des normes françaises protectrices. La conformité du bref délai est admise dès lors que l’action restait possible.

Cette solution incite les employeurs à sécuriser les notifications sans multiplier les mises en garde, ce que la cour juge non exigible. Elle rappelle cependant que les garanties françaises impératives continuent de s’imposer pour la rupture elle‑même lorsque elles sont plus protectrices. La combinaison adoptée favorise la prévisibilité des contentieux, tout en préservant l’accès au juge dans un cadre temporel resserré. L’irrecevabilité s’imposait donc, la contestation ayant été formée au‑delà des trois semaines.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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