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Cour d’appel de Toulouse, 4 septembre 2025. La formation sociale infirme le jugement du Tribunal judiciaire de Foix, pôle social, rendu le 8 décembre 2022, et ordonne la poursuite de l’instruction de la demande.
Artisan depuis 1998, l’assuré a sollicité en septembre 2020 l’attribution d’une pension d’invalidité, au titre du régime des travailleurs indépendants. L’organisme de sécurité sociale a opposé un refus le 28 septembre 2020, au motif d’un revenu d’activité annuel moyen insuffisant au regard du seuil des 10 %. La commission de recours amiable est demeurée silencieuse, puis le pôle social a rejeté le recours, retenant un abattement de 50 % sur les revenus déclarés.
En appel, l’assuré soutenait que, relevant du régime micro, la condition d’ouverture devait s’apprécier sur la base du chiffre d’affaires, sans abattement forfaitaire. L’organisme défendeur plaidait l’application de l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale, qu’il estimait fonder la minoration de 50 % pour apprécier le seuil requis. Par arrêt du 12 septembre 2024, la Cour a rouvert les débats afin d’obtenir les fondements précis du calcul, restés inexistants malgré la demande réitérée.
La question posée tenait à la portée de l’article L. 613-7, et spécialement à son aptitude à réduire les revenus d’activité servant au contrôle du seuil d’affiliation exigé. La juridiction d’appel devait décider si le texte, consacré au régime micro, affecte la détermination du revenu d’activité annuel moyen ou seulement le niveau des prestations. Elle a retenu le second terme de l’alternative et a, en conséquence, écarté l’abattement appliqué par l’organisme sur les revenus d’activité. La Cour précise d’abord que « Avant toute appréciation de l’ état médical d’invalidité, la caisse est en droit de rejeter une demande si l’assuré ne remplit pas l’une ou l’autre des conditions administratives exigées et s’il ne fournit pas les justifications nécessaires à l’examen de cette demande ». Elle juge surtout que « Toutefois l’abattement prévu par l’article L613-7 II du code de la sécurité ne concerne par le calcul du revenu annuel d’activité mais uniquement le calcul du montant des prestations accordées ». Faute de texte, la minoration est écartée et la condition de revenu est réputée satisfaite, l’instruction devant se poursuivre sur les autres critères.
I. L’assiette du revenu d’activité annuel moyen
A. Le cadre normatif du régime invalidité-décès
La Cour s’appuie sur l’arrêté du 21 décembre 2018 approuvant le règlement du régime invalidité-décès des indépendants, entré en vigueur au 1er janvier 2020. Elle rappelle la condition d’affiliation et, surtout, l’exigence tenant au niveau des revenus sur trois années civiles. L’arrêt cite ainsi la règle suivante, qui commande la présente espèce: « 3° Avoir cotisé au régime d’assurance invalidité-décès des travailleurs indépendants visés à l’article L. 631-1 au titre des trois années civiles d’activité précédant la date d’effet de la pension d’invalidité sur un revenu moyen au moins égal à un montant équivalent à 10 % de la moyenne des valeurs annuelles du plafond mentionné à l’article L. 241-3 en vigueur au cours des trois années considérées. »
Cette disposition fonctionne comme une condition d’ouverture autonome, distincte du niveau des prestations ultérieurement servies. Elle n’appelle aucun correctif implicite et ne renvoie pas, par elle-même, au mécanisme d’un abattement spécifique. La Cour adopte une lecture littérale et finalisée: l’exigence tient à l’existence d’une activité suffisamment dotée en revenus, non à une reconstitution conventionnelle affectée d’un abattement forfaitaire.
B. L’exclusion de l’abattement micro du contrôle d’éligibilité
L’organisme défendeur invoquait l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale pour minorer de moitié le revenu d’activité. La Cour rejette cette assimilation, en fixant clairement le domaine d’application du texte. Elle énonce que « Toutefois l’abattement prévu par l’article L613-7 II du code de la sécurité ne concerne par le calcul du revenu annuel d’activité mais uniquement le calcul du montant des prestations accordées. » Le pouvoir de réduire la base retenue pour l’examen d’une condition d’ouverture exige un support normatif explicite, ici absent.
La motivation se renforce par une critique du lien causal entre le refus et le mode de calcul contesté. La Cour affirme: « Ce moyen ne saurait toutefois prospérer , le refus de prise en charge étant motivé par la caisse par l’insuffisance du revenu annuel moyen après application d’un abattement de 50% dont elle ne justifie pas le bien-fondé. » La charge de l’argumentation technique incombe à l’organisme, qui doit établir la légalité de l’abattement sur l’assiette pertinente. À défaut, les revenus d’activité sont appréciés sans minoration.
II. Portée et limites de la solution
A. Une clarification protectrice de l’accès aux droits
La solution consacre une distinction nette entre condition d’ouverture et calcul des prestations, indispensable à la sécurité juridique des assurés. En cantonnant l’article L. 613-7 à la détermination des montants servis, la Cour neutralise une minoration dépourvue de base textuelle pour le contrôle du seuil. Elle assure ainsi une lecture stricte des conditions administratives, conforme à la rigueur exigée lorsque l’accès au droit dépend d’un seuil quantifié.
Ce recentrage est également cohérent au regard du régime micro. L’abattement forfaitaire, outil de simplification fiscale et sociale, n’a pas vocation à altérer la preuve d’un niveau d’activité suffisant exigé par un règlement autonome. La Cour évite ainsi une confusion des plans et réaffirme la nécessité d’une justification normative précise lorsque l’organisme entend réduire l’assiette du revenu d’activité annuel moyen. En cela, la motivation, structurée et fidèle aux textes mobilisés, présente une forte valeur pédagogique.
B. Questions résiduelles et implications pratiques
La décision n’épuise pas toutes les interrogations relatives à la base exacte des revenus d’activité pour les micro-entrepreneurs. Elle tranche l’inapplicabilité de l’abattement de l’article L. 613-7 au contrôle de la condition, sans définir de manière exhaustive la méthode de détermination entre chiffre d’affaires et revenu reconstitué. Cette prudence s’explique, l’objet du litige portant ici prioritairement sur la minoration contestée et sur l’insuffisance de ses fondements normatifs.
L’injonction de poursuivre l’instruction met l’accent sur l’ordre des opérations et le respect des garanties procédurales. La Cour rappelle en effet, en tête de motivation, que « Avant toute appréciation de l’ état médical d’invalidité, la caisse est en droit de rejeter une demande si l’assuré ne remplit pas l’une ou l’autre des conditions administratives exigées et s’il ne fournit pas les justifications nécessaires à l’examen de cette demande ». La suite devra donc vérifier, successivement, la satisfaction des autres conditions réglementaires, selon une méthode de calcul désormais purgée de la minoration litigieuse. À court terme, l’arrêt favorise une pratique plus homogène des organismes et un contrôle juridictionnel resserré sur des justifications textuelles claires. À moyen terme, il appelle une vigilance redoublée sur l’articulation entre règlements de branches et mécanismes forfaitaires, afin d’éviter que des outils de calcul des prestations ne s’immiscent indûment dans les conditions d’ouverture des droits.