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Par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse, 4e chambre section 3, du 4 septembre 2025, la juridiction tranche un recouvrement d’indu relatif à des soins infirmiers. Une infirmière libérale suivait un patient au long cours. La caisse a, le 2 novembre 2021, notifié quatre indus portant sur des actes, des majorations nocturnes et la MCI. La commission de recours amiable a rejeté la contestation, puis une mise en demeure du 30 mai 2022 a été suivie d’un rejet explicite le 7 septembre 2022. Le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse, le 4 décembre 2023, a partiellement validé l’indu, puis les deux parties ont relevé appel. La Cour confirme les indus liés aux soins non nécessaires et aux actes de nuit, et rétablit finalement l’indu relatif à la majoration de coordination infirmière. Le litige pose d’abord la question de la prescription en cas de fraude, ensuite celle des conditions probatoires des majorations de nuit et de coordination. L’arrêt précise le cadre normatif applicable et en déduit des solutions exigeantes, qu’il convient d’examiner successivement.
I. Prescription et fraude: un cadre clarifié au bénéfice du recouvrement
A. Le fondement combiné des textes et la solution adoptée
La Cour rappelle la combinaison de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale avec l’article 2224 du code civil, sous le contrôle de l’article 2232. Elle énonce ainsi: « Il résulte de la combinaison de ces textes que l’ action en remboursement d’un indu provoqué par la fraude ou la fausse déclaration revêtant le caractère d’une action personnelle ou mobilière au sens de l’article 2224 du code civil, se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d’une fausse déclaration. » La référence à l’assemblée plénière du 17 mai 2023 renforce l’analyse, la Cour citant que « la Cour de cassation juge que ce délai d’ action n’a pas d’incidence sur la période de l’ indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l’article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues. » La solution retenue consacre donc un double temps: cinq ans pour agir à compter de la découverte, et une période recouvrable plafonnée par la prescription butoir.
L’application à l’espèce s’ancre dans des éléments matériels précis. Des ordonnances ont été surchargées pour prolonger la validité, une cicatrisation était signalée précocement, et une date a été falsifiée sur une prescription postérieure. La Cour soulève surtout l’obligation de prudence du professionnel face à un document douteux. Elle retient sans hésiter que « Ainsi la fraude est établie par la dispense et la facturation de soins plusieurs mois après la cicatrisation et la guérison du patient sur le fondement de prescriptions médicales surchargées et donc douteuses sans aucune démarche de la part de l’infirmière auprès du prescripteur pour obtenir des précisions sur le terme des soins et sur les surcharges observées. » La qualification de fraude permet alors de valider l’indu de soins non nécessaires pour l’ensemble de la période recouvrable.
B. Appréciation de la qualification retenue et de sa portée
La Cour articule avec rigueur la prescription spéciale de recouvrement et la prescription civile, conformément à la méthode imposée par l’assemblée plénière. La précision selon laquelle la prescription quinquennale court « à compter du jour de la découverte » tient compte de la réalité des contrôles, sans fragiliser la sécurité juridique grâce à la butée de l’article 2232. L’exigence probatoire de la fraude demeure cependant mesurée: l’auteur matériel des surcharges n’est pas identifié, mais l’absence de diligence suffisante face à un support ambigu suffit à caractériser un procédé frauduleux. Cette conception, centrée sur l’usage conscient d’un justificatif altéré, protège le financeur public et incite à une traçabilité accrue. Elle emporte des conséquences significatives pour les professions de santé, en fixant un standard de vérification des prescriptions dont l’inexécution expose à un recouvrement étendu.
Cette lecture, fidèle au droit positif, privilégie la prévention des pratiques opportunistes et renforce la cohérence des contrôles a posteriori. Elle balise, enfin, la charge de prudence qui pèse sur le facturant lorsqu’un doute objectif entache le support de facturation.
II. Majoration de nuit et MCI: exigence probatoire et rigueur tarifaire
A. La majoration de nuit: la « nécessité impérieuse » doit ressortir de la prescription
La Cour rappelle l’exigence textuelle de la NGAP sur les actes répétés accomplis la nuit. Elle cite que, « qu’à l’égard des actes infirmiers répétés, les majorations de nuit ne peuvent être perçues qu’autant que la prescription du médecin indique la nécessité impérieuse d’une exécution entre vingt heures et huit heures. » L’attestation tardive du médecin ne mentionnait pas une telle nécessité, et aucune prescription initiale produite n’en portait la trace. La solution confirme l’indu, la preuve de la condition n’étant pas rapportée par des documents contemporains de l’exécution.
Cette motivation s’inscrit dans une logique de stricte conformité formelle, adaptée aux majorations dérogatoires. Elle écarte les justifications a posteriori, parfois imprécises, et consacre l’idée qu’une contrainte horaire exceptionnelle exige une trace écrite au moment de la prescription. La portée pratique est nette: l’absence d’une mention explicite prive la majoration de son fondement, même si des considérations d’opportunité médicale ont pu exister dans les faits.
B. La MCI: la preuve de soins palliatifs et de la coordination spécifique
S’agissant de la majoration de coordination infirmière, la Cour s’appuie sur l’article 23.2 de la NGAP et rappelle sa finalité. Elle cite que « Ces prises en charge donnent lieu à la majoration de coordination infirmier (ère) (MCI) du fait du rôle spécifique de l’ infirmier (ère) en matière de coordination , de continuité des soins et de gestion des risques liés à l’environnement. Cette majoration ne peut être facturée qu’une seule fois par intervention. » Elle reprend également la définition légale des soins palliatifs, soulignant qu’ »Il s’agit de « soins actifs et continus, pratiqués par une équipe interdisciplinaire, en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » » L’exigence est double: un contexte palliatif avéré et une coordination justifiant la valorisation.
Appliquant ces critères, la Cour estime les éléments insuffisants pour établir une prise en charge en soins palliatifs et la coordination spécifique corrélative. L’attestation médicale générale, dénuée de justification clinique précise, ne suffit pas, surtout face à des indices d’autonomie incompatibles avec une situation palliative. La réformation du jugement s’impose alors, l’indu étant rétabli pour la MCI. La solution rappelle que la MCI ne récompense pas la seule répétition de soins lourds, mais la structuration coordonnée d’une prise en charge palliative, requérant un faisceau probatoire concordant.
Cette rigueur renforce la finalité de la MCI, conçue comme une valorisation ciblée d’un travail de coordination, et non comme une majoration supplétive. Elle incite à une documentation clinique précise, à la mention des objectifs palliatifs et à l’inscription de la coordination dans la prescription et le suivi. La portée est utilement normative: la MCI demeure un instrument d’accompagnement de trajectoires complexes, non un complément mécanique adossé à tout pansement lourd.
L’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse ordonne ainsi la hiérarchie des exigences: la fraude élargit la temporalité du recouvrement, la majoration de nuit suppose une nécessité impérative écrite, et la MCI exige la preuve substantielle d’un cadre palliatif coordonné. Par ce double mouvement, il consolide la sécurité juridique du recouvrement tout en réaffirmant la discipline des conditions tarifaires dérogatoires.